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Société Publié le mardi 20 avril 2010 | Le Patriote

Cissé Abdallah Djiguiba (Vice-Président de l’alliance des religieux - engagés dans la lutte contre le SIDA) - “Les sidéens ne sont pas forcément des pécheurs”

Le Patriote : Imam, vous être membre de l’alliance des religieux luttant contre le VIH/SIDA et les autres pandémies. Ce qui est surprenant, car on estime que les leaders religieux musulmans ne sont pas beaucoup impliqués dans la lutte contre la pandémie du siècle..
Djiguiba Cissé : Cela ne doit pas être surprenant et ce qui est dit n’est pas exact. La communauté musulmane est présente dans la lutte contre le VIH/SIDA depuis les années 88, 89. Lorsque j’ai entendu parler du VIH/SIDA et des ravages qu’il causait, j’ai commencé à me poser des questions. J’ai approché les professionnels de santé. J’ai travaillé avec le comité national de lutte contre le VIH/SIDA, qui par la suite est devenu le programme national de lutte contre le VIH/SIDA. (…) C’est à la suite d’une rencontre à Dakar, au Sénégal que nous avons décidé de mettre sur pied, dans différents pays, cette alliance des religieux engagés contre le VIH/SIDA. Et comme j’appartiens à la ligue nationale islamique des prédicateurs, j’ai fait le compte-rendu de mes contacts avec le programme national de lutte.

LP : Et qu’est-ce que vous avez décidé ?
D C : La ligue islamique des prédicateurs en Côte d’Ivoire a intégré la lutte contre le SIDA dans son programme d’activités depuis 1990-1991. A cet effet, nous avons rencontré des professionnels de santé pour savoir le mode de contamination et les enjeux économique et social du VIH/SIDA. Surtout son impact sur les jeunes de 15 à 49 ans. Nous avons sillonné les 10 communes d’Abidjan et les communes environnantes pour sensibiliser sur la question. C’est donc vous dire que la communauté musulmane n’est pas restée silencieuse ou inactive sur la question. Nous avons rédigé des livrets en langue arabe sur la question pour permettre au maximum de prédicateurs et d’imams de connaître la pandémie, les moyens de préventions et surtout l’attitude de l’islam vis-à-vis de la maladie. Mais également, évoquer les problèmes de stigmatisation et de rejet. Car quelle que soit la nature de la maladie, un malade a besoin d’être soigné. Pour également savoir que le sidéen n’est pas forcément un pécheur. Nous sommes tous, à des degrés différents, des pécheurs. Il ne faut donc pas jeter la pierre à l’autre. Fort de tout cela, nous avons compris qu’il y a plus d’ignorance qui explique les attitudes négatives des uns et des autres.
Parmi les malades du SIDA, il y a des musulmans, des chrétiens, des animistes et même des religieux. C’est vrai que le Coran nous dit : « craignez une épreuve qui ne touchera pas que les injustes parmi vous », mais personne ne cherche à être malade. Le prophète Mohammad nous enseigne d’aller saluer le malade. En le faisant, c’est comme si nous avons salué le Seigneur lui-même.

LP : Face à une maladie qui a été présentée comme une punition pour les gens dépravés, quel message véhiculez-vous alors au cours de vos sensibilisations ?
DC : Oui, c’est vrai qu’avant d’aller à la guérison, il faut d’abord expliquer aux jeunes de 15 à 49 ans, qui sont les plus concernés, ce que c’est que le SIDA. Il faut sensibiliser cette population qui est la force motrice de tout développement économique, social, culturel et intellectuel. Car, si c’est dans cette catégorie de la société qu’on trouve le plus de malades, il faut s’inquiéter. Et lorsqu’on explique les causes de contamination, la première cause, c’est les relations sexuelles. Et dans les relations sexuelles, celles qui se font hors mariage sont les plus avérées. C’est pourquoi nous demandons l’abstinence et la fidélité dans le mariage. Même avant le mariage, on conseille aux jeunes un test prénuptial. Car le VIH/SIDA n’est pas la seule maladie de sang qui peut mettre à mal un foyer. Nous conseillons également une éducation de sorte à ce que le jeune réalise qu’il court des risques dans le vagabondage sexuel. Nous devons avoir une attitude responsable. Dire aux jeunes de penser à leur avenir, à l’avenir de leur pays.
Sinon, on n’a pas à stigmatiser, à rejeter les personnes malades. Nous avons des enfants qui naissent malades du VIH/SIDA, nous avons des religieux, des femmes enceintes qui souffrent du SIDA, bref des malades par inadvertance. L’attitude la plus positive est d’expliquer les modes de contamination, surtout les rapports sexuels qui sont faits en désordre. Nous le faisons en milieu estudiantin, chez les agents de sécurité (militaires, policiers, gendarmes), les enseignants dont plus de 300 mourraient par an du fait de la maladie, par manque d’information et de moyens à l’époque. Aujourd’hui, les ARV sont gratuits en Côte d’Ivoire. Les gens ne savaient pas qu’embrasser ou faire ses ablutions dans un même récipient qu’un malade du SIDA, n’était pas une cause de contamination. C’est donc l’ignorance qui entraîne la stigmatisation, la discrimination, le rejet et l’abandon des malades. Le religieux doit donc être informé du VIH/SIDA afin de pouvoir communiquer avec ses fidèles sur la question. Car mieux vaut avoir des fidèles en bonne santé, productifs que d’être tous les jours au cimetière, à l’enterrement.

LP : Quels conseils pouvez-vous donner à un de vos fidèles qui veut se séparer de son épouse parce qu’elle est séropositive ?
CD : Non, cela n’est pas normal. Car au moment où le mariage se contractait, elle n’était pas malade. Ce n’est donc pas acceptable qu’un homme se débarrasse de sa femme à cause de son statut. Il doit la garder, en ce sens qu’elle a besoin d’aide psychologiquement, moralement et financièrement. Mais, les rapports sexuels doivent être interdits dans le cas où seule la femme ou l’homme est infecté. Pour éviter que l’un ne soit infecté par l’autre. Il faut arrêter le mal d’un côté et se soutenir mutuellement. Si les deux sont infectés, religieusement le mariage continue, en ce sens que les deux peuvent avoir des rapports protégés avec des condoms. Actuellement, nous avons des préservatifs hommes et des préservatifs dames. Cela, pour éviter la surinfection. Mais tout cela doit se faire sous surveillance médicale par des professionnels de santé.
Réalisée par DM

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