Augustine, une revenante ?
Depuis quelques semaines, une folle rumeur court les rues de la cité du Fromager, attestant que Deky Chia Augustine, vendeuse de riz au grand marché de Gagnoa, est une revenante. Notre enquête.
Il est 11h, ce samedi 17 avril 2010, lorsque nous arrivons au quartier Soleil. Inutile de se renseigner sur le domicile de celle qui défraie la chronique sous le Fromager. C’est donc sans difficulté qu’un gamin accepte de nous conduire au domicile du couple Komena. Mme Komena Tra née Deky Augustine, assise sur la terrasse, est occupée à remplir des sachets d’eau. Son mari est un homme jovial, chauffeur à l’agence nationale de recherche agronomique (Cnra) de Gagnoa. Cela fait onze ans qu’ils se sont dit « oui » devant le 4ème adjoint au maire, Adama Doumbia, à Oumé comme l’atteste d’ailleurs l’acte de mariage n°8 du 8 avril 1999.
Pour Komena, l’histoire de revenante que l’on prête à sa femme est hilarante. Selon lui, son épouse n’a jamais été une revenante. « Ma femme est originaire de Grand-Alépé. Son père s’appelle Deky Frédéric, instituteur à la retraite. Ma belle-mère se nomme Mambo Affoué, ménagère. J’ai épousé leur fille en mai 1999. Nous étions à Oumé où elle exerçait son commerce de riz. Quand j’ai été affecté à Gagnoa, nous sommes venus ensemble et, elle a continué à vendre le riz au marché », affirme M. Komena en précisant que l’activité de sa femme consiste à préparer du riz au gras et à le vendre. Selon l’époux d’Augustine, sa femme est victime de son succès culinaire, un véritable cordon bleu, avance-t-il. Ce qui accroît sa clientèle au grand dam de la concurrence.
Déky, victime de la concurrence ?
Mme Komena soutient que l’accusation portée contre elle tire son origine de ses concurrentes. Selon elle, les autres restauratrices voient d’un mauvais œil la percée de son commerce. «Elles réfléchissaient comment me dénigrer par de fausses accusations. Mon mari m’a proposé de vendre uniquement dans le quartier (Soleil, ndlr) pour éviter les déplacements coûteux et surtout les querelles inutiles avec les autres vendeuses au marché. J’ai accepté sa proposition en ne vendant désormais qu’au quartier. Cela me permet d’avoir du temps pour me consacrer à la famille et aux autres tâches de la maison. C’est ainsi que j’ai demandé la permission à mon époux pour rendre visite à mes parents au village. C’est ce temps-là qu’ont choisi mes détractrices pour me livrer au fantôme », dit-elle, attristée par l’attitude de celles qu’elle considérait jusque-là comme ses «soeurs». Et M. Komena de poursuivre : «Comme on ne la voyait plus au marché, les gens ont raconté n’importe quoi en disant qu’elle était morte. C’est de la pure jalousie, mon épouse est bel et bien vivante ». Selon lui, la rumeur est partie de là pour se répandre comme une traînée de poudre dans la cité du Fromager. Augustine, connue sous le pseudonyme de «Tantie Malo» (riz en langue malinké, ndlr), ne prend pas au sérieux les ragots portés contre elle.
La rumeur s’amplifie mais…
«Cela fait 10 ans que je suis restauratrice. Je vends du riz au marché de Gagnoa. Tout le monde m’appelle Tantie malo. Un jour, je suis allée au marché juste pour acheter des condiments pour ma cuisine. Entre-temps, la rumeur courait déjà partout que j’étais une revenante. Selon cette rumeur, j’étais morte parce que les gens ne me voyaient plus. Ce sont les femmes Gouro du marché qui me connaissent mieux qui m’ont défendue contre mes détracteurs. Partout où je passe, on dit voilà la revenante. J’ai porté un démenti formel en me rendant au marché. Là-bas, j’étais plus qu’une star, on me suivait partout puisque que tout le monde voulait me toucher », raconte la dame s’interrogeant sur les motifs des auteurs de cette plaisanterie de mauvais goût. «Je suis convaincue que c’est de la pure jalousie. Depuis lors, je vais librement faire mon marché. Certaines personnes qui me rencontrent disent que c’est le signe d’une longue vie dont je bénéficierai», souligne Mme Komena.
L’entourage dément
D’ailleurs, elle ironise pour indiquer à ceux qui la prennent pour morte qu’un cahier de condoléances est ouvert à leur intention.
Zokou Christophe, propriétaire de la cour où habite la famille Komena, donne son témoignage. « J’ai effectivement eu écho de ce que Augustine serait une revenante. A ceux qui m’ont rapporté cela, j’ai rétorqué qu’il ne pouvait pas s’agir d’elle, puisque je la connais très bien. C’est une femme Attié et son mari vient de Oumé. Ils vivent dans ma maison depuis très longtemps. Pour ma part, c’est du mensonge», soutient le vieil homme. Nous avons échangé au téléphone avec le frère cadet d’Augustine. C’est un homme meurtri et désemparé que nous avons eu au bout du fil. Il se nomme Déky Pascal. « Augustine est l’aînée d’une famille de sept enfants. Tenir de tels propos à son sujet est un discrédit pour toute la famille. Nous, ses frères, sommes profondément marqués par cette affaire. Notre sœur n’est pas une revenante et je l’invite à porter plainte contre quiconque l’accusera de la sorte. Vous pouvez vous déplacer jusqu’au village où les parents confirmeront que notre grande sœur est encore en vie », confie le jeune frère d’Augustine visiblement dépité par l’affaire. Des voisins au couple Komena, approchés, se disent étonnés et marquent leur désapprobation face à ce qu’ils qualifient de « campagne d’intoxication », de commérages et d’ « acharnement » contre Mme Komena. Ceux-là ont la langue bien pendue, ont-ils conclu.
Une enquête de Ouattara Moussa
Coll. Alain Kpapo à Gagnoa