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Politique Publié le mercredi 21 avril 2010 | Le Nouveau Réveil

Boa Thiémélé Edjampan Amoakon, vice-président du Pdci-Rda : “L’accord de Ouaga est bloqué”

La situation de ni paix ni guerre dans laquelle le régime FPI maintient le pays interpelle tout le monde. Comment faire pour pousser ledit régime à aller aux élections ? Boa Thiémélé Edjampan Amoakon, vice-président du Pdci-Rda, député et président du Conseil général d'Abengourou, donne ici sa perception de la sortie de crise, non sans avoir levé un coin de voile sur la stratégie interne à son parti et la force de l'union au sein du RHDP.

M. le vice-président du Pdci-Rda, récemment, vous avez eu une rencontre avec le président de votre parti à Daoukro. Qu'est-ce qui a motivé cette réunion ?

Vous savez que nous sommes les collaborateurs directs du président du parti. De temps en temps, il faut que nous échangions avec lui sur la marche du parti, sur la vie de la nation et que nous lui transmettions nos préoccupations. C'est dans ce cadre que nous nous sommes retrouvés autour du président Bédié à Daoukro. Depuis la dernière crise, nous avons cherché à mieux nous organiser pour participer à la vie du parti et aux interventions du Pdci-Rda. Nous nous sommes retrouvés à plusieurs reprises pour nous concerter. Et nous avons décidé de nous réunir régulièrement en conférence des vice-présidents pour discuter, arrêter des modalités d'action et surtout intervenir sur le terrain pour qu'à certains moments, tout le monde sache que si Bédié n'est pas là, ses représentants directs sont là. Nous sommes les premiers concernés. Si notre président est candidat, nous les vice-présidents sommes candidats avec lui. Voilà le sens de cette rencontre que nous avons beaucoup appréciée. Le président nous a accordé le temps qu'il fallait. Nous avons discuté et à partir de maintenant, nous allons davantage apporter notre concours à la vie du parti.

Il a donc fallu cette dernière crise pour que vous vous réveilliez, à vous entendre. Est-ce le cas ?

On le faisait avant mais autrement. C'est la crise qui nous a fait comprendre que le Pdci-Rda qui regorge de compétences, d'expériences, de personnes ressources à tous les niveaux et dans tous les secteurs, ne s'est pas mobilisé comme il le fallait autour du président du Pdci dans cette crise où il était exposé à tous les risques et à tous les dangers. Nous avons estimé que ce n'était pas normal. Si un problème sérieux se pose au parti, il faut qu'il y ait des écrans autour du président pour qu'il ne soit toujours le premier à intervenir. C'est la raison essentielle. Ce n'est pas parce que nous ne faisions rien. D'ailleurs, je peux le révéler, le président nous a félicités pour les actions individuelles que nous posons sur le terrain. Quand deux vice-présidents se déplacent à Korhogo pour aller parler aux militants, c'est apprécié et les militants comprennent qu'il s'agit de l'affaire du parti. C'est la même chose quand trois ou quatre se déplacent ailleurs.

Nous avons décidé, cette fois-ci, d'intervenir dans les délégations bien sûr, à la demande des délégations, pour aider à résoudre des problèmes dans certaines zones spécifiques. Nous estimons que la prééminence du président du parti doit être préservée. Pour cela, il faut qu'il ait des hommes pour l'aider à assumer cette fonction.

Vous êtes dix vice-présidents du Pdci-Rda. Concrètement, comment le travail va se faire sur le terrain ?

Nous sommes dix. Nous avons décidé de nous retrouver régulièrement. On a prévu une fois par quinzaine, mais maintenant c'est chaque semaine que nous nous réunirons pour prendre les dossiers un à un. Les dossiers les plus urgents, vous les connaissez, l'analyse de la situation socio politique. Chaque fois qu'il y aura quelque chose, nous arrêterons notre position que nous porterons à la connaissance du président. Nous ne faisons que tracer des voies que nous portons à la connaissance du président. A lui de nous donner les instructions d'actions. Mais nous disons qu'en de telles périodes, quelqu'un ne peut pas s'asseoir et dire, j'attends qu'on m'appelle. Une telle attitude ne fait pas vivre un parti. Nous, en tant que vice-présidents, nous allons nous structurer autour de cette conférence pour travailler. Nous allons d'ailleurs nous ouvrir à toutes les composantes du parti. Nous irons voir le Secrétaire général, nous verrons le responsable des élections. Nous verrons nos ministres, nos députés, nos maires, nos présidents de Conseil général pour qu'ensemble, nous puissions faire ce travail. Nous ferons tout pour que le parti sorte revigoré. Cette crise, il faut la vivre comme un test de survie du Pdci-Rda. Et le président s'en est sorti avec compétence, expérience et sagesse. Nous devons protéger, développer tout cela. La gestion d'un parti et d'un pays exige beaucoup d'expériences, de tacts et une intelligence d'action. C'est ce que nous voulons protéger pour que le président ait le temps de jouer son jeu en étant au niveau où il est dans la calme, la sérénité pour prendre toutes les décisions qu'il faut.

M. le vice-président, on n'a aucune visibilité concernant la tenue de l'élection présidentielle et pourtant vous êtes constamment sur le terrain. Ces élections auront-elles lieu un jour selon vous ?

Ce que vous oubliez, c'est qu'on n'est pas les seuls sur le terrain. Croyiez-vous que les autres vont attendre qu'on fixe la date avant d'agir ? Ne voyez-vous pas le nombre de missions que les gens qui sont au pouvoir envoient sur le terrain ? Ils ont plein de problèmes. Ce sont eux qui gèrent le pays et quand il est dans la chienlit que nous connaissons, ils n'ont pas la facilité du moment. Mais nous, nous ne pouvons pas dire qu'il faut attendre parce que nous ne connaissons pas la date de l'élection. Nous ne maîtrisons pas la machine et donc nous devons être prêts à tout moment. Il faut que les comités locaux soient mis en place pour faire le travail de campagne qui, je le dis, ne se limite pas aux quinze jours officiels. C'est tout un ensemble. A Abengourou, nous avons décidé de prendre le taureau par les cornes, d'empêcher le Fpi de développer sa campagne de désinformation, d'intoxication et de mensonge. Pour cela, il faut qu'il soit mis en place, les comités à la base avec les cadres du parti, les militants, les jeunes et les femmes. C'est ce que j'ai décidé de faire ce mois-ci. Et nous allons le boucler à la fin du mois.

Ces mois-ci, on n'entend que plus parler de Rhdp. Est-ce à dire que les activités au niveau du Pdci sont en veilleuse ?

Ah non. C'est une erreur d'avoir ce sentiment. Nous sommes en alliance stratégique. Le plus important, c'est de faire porter la voix du Rhdp. Comme par chance, le président du directoire, c'est notre Secrétaire général, Pr Alphonse Djédjé Mady. Il transmet le message du Rhdp auquel adhère pleinement le Pdci-Rda. Je ne pense pas que la voix du Pdci soit éteinte par ce que nous faisons, au contraire. Je pense que c'est ce que nous, vice-présidents, avons constaté. Pendant cette crise, il y a eu un élément positif que nous avons relevé, l'alliance stratégique au sein du Rhdp qui fait que nos militants quel que soit leur parti, adhèrent aux actions que nous menons.

C'est quelque chose d'extraordinaire. Ceux qui parlaient d'alliance contre nature ont compris que c'est une vraie alliance des Houphouétismes. Aujourd'hui, les mêmes veulent adhérer à l'houphouétistes en passant par des thèses qui ne tiennent pas. Mais nous leur demandons qu'ils rejoignent le Rhdp. Comme ça, ils seront houphouétistes.

Monsieur le vice-président, est-ce que vous ne sentez pas que la base ne vous suit pas dans le règlement de cette crise ?

Qui vous a dit que la base ne nous suit pas ? Moi, j'estime que le devoir de la base, c'est de chercher à comprendre. Quand on a fait la réunion ici à Abengourou pour rendre compte de ce qui s'est passé, je leur ai dit, " Prenez "Le Nouveau Réveil", le Secrétaire général a répondu à toutes les questions. Vous, secrétaires de sections et cadres, allez expliquer ce qu'il a dit à nos parents. Le militant ordinaire ne peut pas comprendre d'un coup toutes les subtilités que nous faisons au sommet. Au Pdci, on sait que c'est le chef qui indique la voie que nous devons suivre.

Quand vous dites qu'ils n'ont pas compris, je dis, moi, à la première occasion, oui. Mais quand on leur explique, qu'ils voient l'élan général, ils comprennent. Je dis souvent à certains de nos cadres, ne vous excitez pas trop quand il s'agit des choses de cette nature. Cherchez à savoir.

La dernière crise a été une occasion où le Rhdp a été renforcé. Le président Bédié a travaillé en étroite collaboration avec ses trois collègues du Rhdp. Tout le monde, bien sûr, ne peut pas comprendre les subtilités de cette action, mais au résultat, vous verrez que ça a été un travail formidable.

Vous avez travaillé avec M.Youssouf Bakayoko, aujourd'hui président de la Cei, à l'Assemblée nationale. Que savez-vous de lui ?

M. Youssouf Bakayoko est un diplomate de carrière que je connais. C'est un de mes jeunes collègues. Il a été maire, député, président de la mouvance parlementaire pour la paix et le développement, ministre des Affaires étrangères, aujourd'hui président de la Cei. Ce monsieur est un homme d'expérience. M. Bakayoko a été mis en mission par le Pdci-Rda pour servir la nation ivoirienne. Il n'est pas en mission pour le Pdci-Rda. Il est en mission pour la nation ivoirienne avec ses autres collègues. Ne pensez pas qu'ils sont là-bas pour travailler pour un groupe. Non, ils sont là bas pour travailler pour la nation ivoirienne. Ils doivent prendre en compte tous les points de vue pour qu'une fois exprimés, ce soit accepté par tous. Les élections que nous attendons ne pourront se dérouler que dans ces conditions. Voilà le sens de l'appel que nous lançons. Laissez la Cei s'organiser et travailler. On a déjà perdu deux mois du fait de la dissolution farfelue de la Cei et du gouvernement.

Les militants de votre parti en sont arrivés à la conclusion que quand Gbagbo choisit quelqu'un, ou il trahit ou il est débarqué.

Malheureusement, c'est avec Gbagbo que nous faisons ce que nous devons faire. C'est avec lui que nous devons réussir la sortie de crise. C'est avec Gbagbo que nous devons régler tous nos problèmes, trouver l'accord minimal pour qu'ensemble nous puissions avancer. On ne peut pas dire comme c'est ainsi, on arrête. Nous ne sommes pas dans ce schéma. Notre mission, c'est d'aider tous ceux qui sont en contact avec ce monsieur, faire le minimum qu'ils doivent faire pour que nous puissions avancer. Il n'a pas voulu de Gervais Kacou à la Cei mais il l'a voulu aux Affaires étrangères. Mais s'il y a un collaborateur direct du chef de l'Etat, c'est le ministre des Affaires étrangères, ils n'ont pas d'intermédiaires. Ils sont obligés de travailler ensemble. S'il l'a donc refusé un côté pour le prendre ailleurs, ça veut dire que Gervais Kacou a des qualités que lui-même reconnaît. Peut-être que de l'autre côté, on l'a chauffé à blanc pour lui dire " ne le prends pas, il est trop proche de quelqu'un ". En face de lui, il y a des gens. Hier, on disait " en face y a rien ". Aujourd'hui, quand on a tué quinze personnes parce qu'elles sont descendues dans la rue, ça veut dire qu'il y a des gens. Nos militants doivent comprendre cela. Ils doivent savoir que de tout cela sortira une nouvelle Côte d'Ivoire. Et nous nous battrons pour cela.

Les jeunes du Rhdp projettent une marche le 15 mai alors que les recevant, de même que les femmes, le chef d'état-major des armées, le Général Philippe Mangou, a eu des mots très durs à leur endroit. Comment jugez-vous la réaction du Cema ?

Je ne suis pas militaire. Ma formation m'a enseigné qu'il y a des choses qu'on ne mélange pas. Il y a quelqu'un qui est allé jusqu'à dire que la guerre est une chose tellement sérieuse qu'on ne peut pas la confier aux militaires. Ça veut dire beaucoup. La politique est une affaire tellement sérieuse que le militaire n'a pas à s'y insérer. Les militaires sont là pour défendre la République et les citoyens. Ils doivent savoir cela. Quand une armée tire sur des citoyens aux mains nues, c'est que cette armée n'est plus républicaine. M. Mangou est quelqu'un que je respecte, mais je pense qu'il est allé au-delà de ce qu'un militaire normal doit faire et dire. Comment pouvez-vous recevoir des jeunes gens qui ont de très bonnes intentions, qui sont même venus vous féliciter, recevoir les femmes qui sont nos mamans et sœurs et leur parler sur ce ton cavalier d'un général en campagne? Ça m'a choqué et je souhaite que ça ne se reproduise pas. Un chef d'état-major conduit une troupe. Les militaires sont des citoyens au même titre que tous les autres. Ils ne sont pas en dessous ni au dessus. En agissant, ils doivent le faire dans le cadre de leur mandat. Si nous les hommes politiques, nous nous mettons à faire n'importe quoi, le pays sera invivable. L'armée doit aider les gestionnaires politiques à faire en sorte que les Institutions soient respectées. Les Institution ne se limitent pas à un individu. Si nous disons que malgré la crise, M. Gbagbo reste chef de l'Etat, c'est parce qu'il faut une représentation de l'Etat quelque part. Cela ne veut pas dire que la République se réduit à M. Gbagbo. Militaires, politiques, citoyens sommes tous appelés à respecter cette République qui fait que chacun jouant son rôle, nous nous retrouvions tous ensemble.

Les transporteurs viennent d'observer cinq jours d'arrêt de travail à cause de la hausse du carburant à la pompe. Comment avez-vous appréhendé cette grève ?

Ce n'est la première grève et je suis convaincu que ce n'est pas la dernière. Chacun joue son rôle. Nous ne sommes pas là pour activer les grèves encore moins les encourager ou les décourager. Chaque secteur d'activité a des difficultés et chacun s'exprime. Les transporteurs sont exposés à tout, c'est grâce à eux que nous vivons au jour le jour. Le gouvernement a joué un mauvais jeu. J'ai été ministre du Commerce, j'ai fixé un prix du carburant pour résorber la dette Sir en 1982. Ça a tenu pendant près de vingt ans parce que nous avons raisonnablement fait les choses et tout s'est bien passé. Mais quand on prend la chose, qu'on ne réfléchit pas, qu'on dit aujourd'hui, on a besoin d'argent pour les militaires, on dit, mettez dedans, qu'on a besoin d'argent pour faire le troisième pont, on dit, mettez dedans, on arrive à ce genre de situation. Une augmentation de 10 ou 20% va être répercutée sur tout. Au lieu de payer 3500 pour aller à Abidjan, vous allez payer 6000. Et automatiquement, tout le reste évolue. C'est là que je dis qu'il appartenait au pouvoir de comprendre le message des syndicalistes transporteurs. Nous avons dit, pendant la crise de la Cei, que nous appuyons toutes les revendications sociales parce que cela fait partie du combat contre le pouvoir qui ne s'occupe de rien. Il est incompétent. Qu'on aille à l'essentiel et qu'on aille aux élections.

On a constaté que le gouvernement a laissé faire les choses. Comment avez-vous jugé cette approche ?

C'est leur mode de gestion, ce n'est pas nouveau. C'est la preuve manifeste de leur incompétence. J'estime que pour une affaire aussi importante, il faut la prendre à bras le corps.

Quand ils prenaient la décision, ils savaient que les transporteurs n'allaient pas l'accepter. Les plus malins d'entre eux ont dit, ils vont crier deux jours et ça va s'arrêter là. Mais des gens dont la vie est en péril peuvent aller plus loin. Il fallait donc gérer cela au plus tôt. Il y en a qui sont adeptes de la politique du pire ; laisser pourrir et après on verra. Or, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Il s'agit de la vie des hommes. Quand le transport est arrêté dans un pays, c'est la mort de ce pays. J'espère que la prochaine fois, le gouvernement réagira plus vite pour qu'on ne perde pas tout ce qu'on a perdu.

Dans la guéguerre camp présidentiel/Forces nouvelles, les deux exécutifs se sont retrouvés sur la lagune. Votre regard sur leur attitude.

J'ai cru savoir que cette réunion devrait se tenir à Yamoussoukro. Comme le chef de l'Etat a élu domicile à Yamoussoukro, et qu'il dit qu'il est en train de construire Yamoussoukro, j'ai pensé qu'il voulait montrer les lacs de Yamoussoukro à M. Soro. Et comme ils ne sont plus allés à Yamoussoukro, ils se sont cru obligés d'aller sur la lagune Ebrié. C'est la seule chose que je vois surtout qu'on n'avait pas grand-chose à dire à la population, à la communauté internationale qui était suspendue à leurs lèvres. Les deux sont partenaires de l'accord de Ouaga qui est bloqué.

Ils se réunissent, ils déjeunent et ils se promènent en bateau et c'est tout. A tel point que Affi N'guessan s'est cru autorisé à monter encore la surenchère en traitant M. Soro de tous les noms.

Qu'ils nous aident à avancer sur la voie de l'application de l'accord politique de Ouaga que nous n'avons pas signé, que nous avons avalisé par la force des choses.

Il y a une mission de l'Onu qui est actuellement en Côte d'Ivoire pour évaluer le processus de paix. Quel jugement portez-vous sur cette mission de l'Onu ?

Vous savez que les Nations Unies, par une résolution prise en janvier, ont décidé de réexaminer la situation ivoirienne fin mai. Elles espèrent qu'à cette date, il y aura des élections. C'est ça la décision du Conseil de sécurité. Donc, cette mission est venue faire le point de l'évolution du processus de paix jusqu'à ce que le conseil se réunisse à nouveau. C'était important qu'ils puissent rencontrer toutes les parties concernées, qu'ils puissent voir d'eux-mêmes ce qui se passe sur le terrain. Qu'ils entendent les représentants de l'Onu en Côte d'Ivoire, le facilitateur et tous ceux qui ont des intérêts en Cote d'Ivoire, la Cedeao, l'organisation internationale de la Francophonie etc…pour avoir la réalité du terrain avant d'aller à New York. Vous savez, ici, on écrit beaucoup de choses, on accuse chaque fois M. Choi de n'être pas un bon représentant, on accuse le facilitateur de fermer les yeux sur beaucoup de choses. Ils sont obligés de prendre tout cela en compte. Moi, je pense que cette mission est cruciale pour la suite de la sortie de crise en Côte d'Ivoire. Si ceux à qui cela s'adresse ne comprennent pas cela, nous allons avoir des difficultés. La communauté internationale nous aide, nous assiste, mais ce n'est pas elle qui va prendre les décisions à notre place. Nous devons savoir cela pour que demain, nous ne nous mettions pas le doigt dans l'œil face aux difficultés que nous allons rencontrer.

Les jeunes du Rhdp projettent une marche le mois prochain. Au cours d'une de vos rencontres avec les populations, vous avez dit que cette fois-ci, vous allez laisser les jeunes aller jusqu'au bout. Qu'est-ce à dire ?

Je n'ai pas dit "aller jusqu'au bout". Au bout de quoi ? Nous ne sommes pas des hommes de la rue. Houphouet ne nous a pas habitués à descendre dans la rue. Notre civilisation, notre culture à nous, c'est la négociation, la discussion pour connaître notre point de vue. On a donc dit à nos jeunes, allez doucement parce que nous ne voulons pas qu'on tue parce que vous êtes allés dans la rue pour les provoquer. Ils avaient les mains nues. Partout, on les a vus les mains nues.

Mais, cela n'a pas empêché qu'à Gagnoa, à Divo, on tire sur eux. Après cela, il y en a qui se permettent de dire, "on va faire une enquête pour savoir qui a tiré sur eux". Des gens qui n'ont pas d'armes, pas même un caillou, on tire sur eux, on va même en tuer dans les cours, et on dit, "on va voir qui a tiré". C'est cela qui nous a amené à dire à nos jeunes, mettez balle à terre.

Aujourd'hui, on voit ce qui se passe. On sait qu'au niveau de l'exécutif qui doit faciliter les choses, ça ne bouge pas. On remue des choses. On ramène le désarmement qui doit se faire avant la réunification du pays qui n'est pas faite. On veut faire l'audit de la liste électorale alors qu'on n'a jamais parlé d'auditer une quelconque liste. On a parlé plutôt de contentieux électoral qui est en cours. Appliquer le contentieux électoral, ça suffit. On ajoute tout cela pour mettre du brouillard. C'est pour que cette visibilité revienne que les jeunes manifestent, que les partis de l'opposition manifestent pour que dans quelque temps, les choses soient claires. Et ça aussi, ça peut aider tout le monde y compris la Commission électorale qui doit aussi savoir ce qui se passe.

Il ne faut pas qu'on s'acharne à faire croire que c'est parce que nos jeunes veulent bouger, que la République va s'écrouler. Ça fait partie du droit républicain de chacun de manifester. Je souhaite que cette manifestation fasse comprendre au pouvoir que trop c'est trop. Il faut qu'on aille aux élections, qu'on fixe le chronogramme et qu'on reprenne surtout le contentieux électoral et le programme de redéploiement de l'administration ainsi que celui du démantèlement des milices et du regroupement des forces belligérantes.

Etes vous sûr que la Côte d'Ivoire aboutira un jour aux élections, vu ce à quoi nous assistons en ce moment ?

Vous savez, ma petite expérience me pousse à croire qu'aujourd'hui je comprends mieux pourquoi il y a des pays où il y a eu des guerres de 10 ans, de 30 ans. Il y a même eu des guerres de 100 ans autour des questions religieuses. Tout cela est basé sur le manque total de confiance entre les citoyens. A partir du moment où quelqu’un un ouvre la bouche, l'autre proteste sans même entendre ce qu'il dit. C'est difficile de régler les problèmes. Or, c'est ce que nous avons appris auprès du président Houphouet, laisser parler, écouter et se faire comprendre. De cette discussion jaillira sûrement la lumière qui a amènera la solution. C'est ça notre principe et moi personnellement, j'agis dans ce sens. J'ai eu la chance de travailler avec le président Houphouet, j'ai travaillé avec le président Bédié, je continue de travailler avec lui. Je crois que pour nous autres qui avons l'âge que nous avons, il faut que les autres sachent que c'est les anciens qui peuvent aider à résoudre les problèmes. Ce n'est pas eux qui vont en bénéficier mais c'est eux qui vont aider à résoudre les problèmes. Et donc qu'ils acceptent qu'ensemble, nous recherchions les solutions. Si nous trouvons la solution et je suis sûr qu'on va la trouver, c'est au bénéfice des jeunes. C'est au bénéfice de ceux qui sont derrière nous et ça, je crois que le président Bédié lui-même l'a dit : "mon dernier combat c'est pour vous les jeunes".

Nous tous, adhérons à cette analyse. Nous travaillons pour les jeunes. Moi, s'il n'y avait pas cette crise, peut-être que depuis 2005, j'aurais demandé à aller m'asseoir à Sankadiokro. Mais comme personne ne veut comprendre cela et qu'on est tous sur la brèche, celui qui quitte aujourd'hui le bateau, c'est comme s'il abandonnait un bateau perdu. On ne le quittera pas, on restera avec le président Bédié, on restera dans le Rhdp pour que la Côte d'Ivoire se retrouve et elle se retrouvera.

Que pensez vous du cinquantenaire que le camp présidentiel veut fêter à grandes pompes ?

Je trouve ça accessoire. Le cinquantenaire est une fête. Ma réponse est toujours la même. Avec Houphouet, on a célébré des cinquantenaires où on n'a fait que la montée du drapeau. Salut aux couleurs, voilà le terme exact. Sans autres manifestations parce qu'il a dit qu'on n'avait pas les moyens de faire cela. Mais le 7 Août 2010, on veut faire cela. On n'a pas les moyens, on n'est pas sorti de la crise, pourquoi utiliser des milliards pour aller faire je ne sais quoi. Si le 51 ème anniversaire qui doit être la bonne fête, alors on la fera, si c'est la 52 ème, on la fera également.

Quelle appréciation faites-vous du mouvement des Houphouétistes crée par le président Gbagbo récemment?

Oh, pauvre d’eux. Ça fait pitié. Quand on a fait le Rhdp, par mimétisme, ils sont allés chercher de vieux crocodiles pour faire le Cnrd et on a vu ce que ça a donné. C'est un enfant mort-né. Aujourd'hui, on en parle pratiquement comme si c'était du passé. Le Rhdp a été décrié comme une alliance contre nature et puis voilà que sur le terrain, le peuple adhère, les militants se retrouvent.

Ils demandent même qu'on refasse un nouveau parti Houphouétiste. C'est allé tellement fort que ceux-là ont estimé qu'il fallait mettre quelque chose en face. L'Union des houphouétistes pour le dialogue. Mais le terme profond de l'houphouétisme c'est les gens qui adhèrent à la philosophie politique et à la vie politique d'Houphouet Boigny. C'est ça le terme houphouétisme.


L'houphouétisme rejette la violence, l'houphouétisme rejette la duplicité, l'houphouétisme accorde un intérêt particulier à la construction de la nation. Et l'houphouétisme repose sur l'appel à tous les fils de la Côte d'Ivoire, à tous ceux qui vivent en Côte d'Ivoire pour bâtir un pays fort. Lequel d'entre ceux là participe à cette définition ? Aucun. Et puis, il y a des choses qui ne disparaissent pas. Ceux qui étaient contre Houphouet Boigny dès le départ, ceux qui avaient des partis progressistes, des partis socialistes, des partis de l'ouest etc, c'est les mêmes qui se retrouvent et qui viennent dire qu'ils sont de vrais houphouétistes. Je ne cite personne mais vous les voyez tous. C'est une sorte de mue après près de 50, 60 ans. Et on se retrouve pour dire : ah nous aussi, on n'avait aussi raison, on n'est pas avec eux. Mais restez contre eux. Maintenant vous voulez prendre le nom d'Houphouet pour faire ce que vous avez fait contre lui. Nous n'acceptons pas.

Le président Gbagbo dit qu'il construit Yamoussoukro sans endetter la Côte d'Ivoire, partagez-vous son avis ?

Je le félicite. Mais on s'endette en prenant en avance des ressources qui sont destinées au pays. Quand je vends ma terre pour avoir l'argent pour faire autre chose, je me suis endetté. Les biens de l'Etat qu'on cède à quelqu'un sans contrôle pour aller construire, c'est pire que l'endettement. Parce qu'un endettement, c'est un montant donné que vous avez arrêté et vous savez dans quelles conditions rembourser. Mais celui à qui vous avez dit voici mon champ, exploitez le mais en face, faites-moi une maison. Mais il fait ce qu'il veut.

Soyez plus explicite ?

On ne peut pas tout dire mais vulgairement que celui qui paye ses dettes s'enrichit. Donc si vous ne payez pas quelque chose qu'on vous fait, ça veut dire que vous créez un trou. C'est ce qui se passe pour la capitale Yamoussoukro. D'après ce que nous savons parce que ce sont des choses qu'on n'a même pas publiées. On a confié des moyens colossaux à ce monsieur à travers des puits pétroliers. Vous savez que le prix du pétrole varie tous les jours sur le marché international. Donc on ne sait pas ce qu'il va tirer de ce puits pour construire. Et on ne sait pas ce qu'il va construire avec ce qu'il va tirer. Je suis allé à Yamoussoukro et j'ai vu les poteaux de la présidence, de l'Assemblée nationale. Il paraît même que le mémorial du palais au Plateau fait partie de ce schéma. Ça fait beaucoup de choses à la fois. Que les Ivoiriens comprennent que quand tout sera chiffré, ils sauront si on les a endettés ou pas.

Interview réalisée par Joel Abalo
Correspondant régional
Coll.: PAUL KOFFI et DIARRASSOUBA Sory
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