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Société Publié le mercredi 21 avril 2010 | Nord-Sud

Zone 4, Vallon, Adjamé-Bracodi : Voici les clients des travailleuses du sexe

Les prostituées font partie des personnes hautement vulnérables au Vih /Sida. Personnalités, cadres, responsables d’entreprise, étudiants et apprentis de gbaka prennent des risques en les fréquentant. Raison pour laquelle les autorités mènent la lutte contre la maladie dans tous les secteurs.

Zone 4 C. A la croisée des rues 7 décembre et Paul Langevin, une 4X4 noire, vitres teintées avec une plaque de couleur orange, stationne. Il est précisément 23 h 34 mn ce samedi 3 avril, à la veille de la célébration de la fête de Pâques. Un homme en descend. La quarantaine, il s’adresse à une des filles, à moitié nues, postées à cet endroit. Très vite, l’une d’entre-elles lance : «‘’ Adjamé ‘’, ton type est là ». Adjamé, qui s’est éloignée, discutait avec un autre homme, apparemment plus jeune, revient en hâte. Elle monte dans la voiture et celle-ci prend l’axe de Grand-Bassam. Renseignement pris auprès de notre source bien introduite, il ressort que ce monsieur est l’un des clients attitré de ‘’Adjamé’’. En effet, le nom Adjamé est un pseudonyme. Il lui a été attribué par les autres filles qui l’ont trouvée assez résistante. «Malgré tout ce que nous faisons comme gymnastique, elle ne tombe pas malade. Elle est solide comme les baramôgôs d’Adjamé », explique-t-elle. Ces jeunes filles, dont l’âge varie entre 16 et 28 ans, étaient au nombre de 6 ce soir- là à cet endroit-là. Aïcha, la plus taquine et la plus bavarde attire notre attention. Notre source nous conduit auprès d’elle. Après les civilités, elle accepte de nous parler de ses clients. « On rencontre des hommes de tout âge, des jeunes comme des personnes âgées. Parmi la clientèle, il y a des hommes riches, des moins nantis et des pauvres. On y retrouve également des hommes mariés », raconte-t-elle. Aïcha indique qu’elle avait son ‘’boss’’. Cet homme, un veuf de plus de 70 ans passait du bon temps avec elle. «Sa femme ne vit plus et il dit qu’il est trop âgé pour se remarier. Il ne ‘’fonctionne’’ pas bien. Donc nous passons notre temps à causer et à nous caresser », confie-t-elle.

Non-satisfaits à la maison

Kakou Clément, cadre dans une entreprise de téléphonie mobile, marié devant Dieu et les hommes, continue de fréquenter les prostituées. Il donne ses raisons : « Je suis très actif sexuellement, et ma femme ne l’est pas. Je fais l’amour 6 jours sur les 7 que compte la semaine. Pour combler le vide de la maison, je côtoie les prostituées. Mais pas n’importe lesquelles. Je fréquente Nadège, Bintou et quelquefois Sylvie». Comme lui, de nombreux jeunes, responsables d’entreprises ne sont pas insensibles à leur charme. A. F. note qu’il y va et plus précisément en Zone 4. Il affectionne les bars de ce quartier de Marcory. En rentrant de ses sorties nocturnes, il embarque l’une d’entre-elles qu’il emmène chez lui à la maison. « Je me libère plus facilement avec elle, qu’avec ma copine. J’innove beaucoup en ce qui concerne les rapports sexuels. Il y a de nombreuses techniques que ma copine me refuse. Du coup, j’ai besoin de ces nanas pour m’épanouir sexuellement », avoue-t-il. Selon lui, la situation risque d’empirer quand il se mettra la corde au cou. A la proposition d’en marier une, il sourit et finit par lâcher : « J’aime ma copine et ce sera elle ma future épouse». A.F. côtoie aussi les prostituées du Vallon. Il estime qu’elles sont propres et belles. A telle enseigne qu’il en a fait d’une sa belle-de-nuit confirmée pendant 3 mois, l’année dernière.
Le samedi 10 avril, nous nous y sommes rendus. Grâce à une source bien introduite, nous avons fait la connaissance de l’une des pionnières. Elle s’appelle Joëlle N. et âgée de 30 ans. Métisse ivoiro-libanaise, très belle avec une chevelure d’ange, elle exerce dans ce métier, depuis plus de 15 ans. Elle se confie : « je travaille sur rendez-vous. Je reçois de grandes personnalités de ce pays. Des hommes mariés et craints de tous », relate-t-elle. Elle poursuit : « Je les accompagne souvent lors de leurs missions à l’extérieur. Et je satisfais leurs désirs les plus pervers (fellation, sodomie, urine dans la bouche et autres). Et, je suis bien rémunérée en retour ». A l’opposé des cadres et des personnalités qui fréquentent les prostituées de la Zone 4 et du Vallon, il y a les ‘’coxers‘’, les apprentis de gbaka et les ‘’gnaboro’’ qui prennent leur pied à Bracodi. Un quartier précaire de la commune d’Adjamé, situé non loin de la gare nord (gare de la Sotra). Honoré N’Da, étudiant, habite la cité universitaire de Williamsville. Il raconte comment il a connu cet endroit par le truchement d’un ami qui y allait souvent. « J’avais besoin de me libérer sexuellement, faire des choses folles. Mais compte tenu de la foi religieuse de ma partenaire, je n’ai pas osé lui en parler. Je me suis confié à Lucien (mon ami) qui m’a accompagné », affirme-t-il. Selon lui, avec 5.000 Fcfa, il a pu ‘’tout faire’’.

Les déviations sexuelles

Les jeunes qui se trouvent confrontés à ce problème sexuel sont de plus en plus nombreux. La misère sentimentale n’est cependant pas le seul moteur qui pousse les hommes à avoir des relations sexuelles tarifiées. Un sexologue que nous avons interrogé, affirme que beaucoup d’hommes paient pour pouvoir assouvir des fantasmes dont ils n’osent pas parler avec leurs femmes ou qu’elles n’accepteraient jamais de faire. Des pratiques telles que les fessées, la flagellation, les fellations goulues. Il note également que certains ont honte de formuler à leurs femmes, leur désir sexuel. En témoigne A.F. « J’imagine la tête que fera ma copine si je lui dis de me donner une fessée pendant l’acte sexuel ». Le spécialiste indique aussi qu’avec la pornographie ambiante, l’envie de toujours innover participe à l’ampleur du phénomène. « Les adeptes de films pornographiques ont tendance à appliquer dans la réalité, ce qu’ils voient dans les films », déclare-t-il. Selon lui, aujourd’hui, plus de la moitié des jeunes veulent sodomiser leurs partenaires. Comme ils le voient à travers les films X. Quand ces dernières refusent, ils se rabattent sur les prostituées. Car, compte tenu des moyens qu’ils décaissent là-bas, tout y est permis.

Une sensibilisation s’impose

Vouloir toujours assouvir ses désirs sexuels chez les prostituées peut entraîner de graves conséquences. Le taux de séroprévalence dans ce milieu est élevé. D’où le risque de contamination. La prostitution, selon le Dr Ouellé Fabienne du ministère de la Lutte contre le Sida, est un foyer qui alimente la propagation du Vih. Elle indique qu’une étude complète n’a pas encore été menée pour déterminer la séroprévalence dans cette population hautement vulnérable. « En 2006, une étude faite au sein de la clinique Confiance, spécialisée dans la prise en charge des professionnelles du sexe, a relevé que le taux de prévalence chez les prostituées était de 18 % », explique-t-elle. Un taux alarmant qui devrait interpeller ceux qui s’y rendent. C’est pourquoi, affirme-t-elle, qu’il y a dans tous les secteurs d’activité, privés ou publics, des comités de lutte contre le Sida. Ces comités sont chargés de booster la lutte contre le sida dans leurs secteurs respectifs par la mise en place de cellules focales qui en sont les structures opérationnelles. Ces cellules focales ont pour mission de sensibiliser le personnel et leurs familles sur les conséquences de certains comportements à risque. Kakou Clément et A.F. bénéficient de la sensibilisation dans leurs différentes entreprises. Selon eux, ils savent ce qu’ils font. Kakou Clément intervient à ce niveau : « Je suis toujours très chaussé et bien chaussé ». Il n’y a pas que les travailleurs qui tirent profit des séances de sensibilisation. A ce niveau, l’Ong Espace Confiance a une technique d’approche extraordinaire. L’un des responsables, Dr A.C.K. note que lui et ses collègues cherchent à collaborer avec les têtes de file. Ce sont celles-là qui font la sensibilisation dans leur propre milieu. Mais, nous les épaulons dans la sensibilisation. Le médecin souligne qu’en dehors d’Abidjan, ils interviennent à Dabou, Grand-Lahou, Agboville, Anyama, Bassam, Assinie. « Vous devez exiger le préservatif, quel que soit tout ce que ces hommes vous donneront. Car aucune somme d’argent, aussi énorme qu’elle soit ne peut acheter votre vie », c’est la phrase que nous leur répétons chaque fois que nous avons l’occasion de les voir. Cet homme de terrain indique qu’à ce niveau, les choses évoluent positivement. « Avant, c’est-à-dire, en 1992 dans les débuts, sur 10 filles, 7 n’utilisaient pas le préservatif quand le client doublait la mise. Mais aujourd’hui, 9 filles n’acceptent plus sans préservatifs », précise-t-il.
Mais ce beau travail fait par l’espace Confiance est remis en cause par des viols et des violations des droits de l’Homme. Les travailleuses du sexe sont parfois victimes de certains clients. Ils les obligent, sous la menace d’une arme, à coucher avec eux sans protection. Elles sont victimes de brimades de la part des forces de l’ordre qui souvent couchent avec elles sans payer. Les prostituées sont sujettes à l’insulte quotidienne de la population. A.C.K. affirme que celles qui ne sont pas fortes d’esprit, se renferment sur elles-mêmes et changent d’endroit. Ce qui met en cause la sensibilisation que toute l’équipe de l’espace Confiance mène.

Adélaïde Konin
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