L’anacarde est la principale culture de rente de la région du Denguélé. Cependant, les prix peu rémunérateurs déçoivent l’espoir que les planteurs avaient placé dans cette spéculation.
«Nous avons fui le serpent courbé pour nous retrouver devant celui qui est allongé». M. Bakayoko Adama, planteur à Goulia, évoque ce dicton pour qualifier la situation dans laquelle il se trouve, c’est-à-dire celle de ceux qui ont considéré l’anacarde comme la culture qui devait venir remplacer le coton et redonner espoir. Mais cette culture se trouve devant une horde de spéculateurs qui gangrènent la filière. Le prix bord-champ annoncé publiquement devrait en principe être celui que le paysan devrait percevoir. Et pourtant, sur le terrain, jamais ce prix n’est respecté. «On nous prend le produit à 125 Fcfa. Vraiment, je ne comprends pas pourquoi on indique des prix à la télévision, alors qu’on ne fait rien pour faire respecter cette décision. Et quand je me souviens qu’on nous prenait le produit à 600 Fcfa le kg dans les années 1990, c’est un véritable regret qui m’anime présentement », explique Touré Moctar, paysan disposant d’une plantation de 10 ha. Les acheteurs, quant à eux, se défendent en évoquant les difficultés qui compromettent l’application des prix officiels.
Les coopératives au secours
Selon Konaté K., acheteur, il doit parcourir de longues distances pour collecter le produit. Et dans chaque village qu’il visite, il est obligé de s’attacher les services d’un autochtone à qui, il doit céder une marge. A cela, il faut ajouter les frais d’escorte reversés pour transporter le produit jusqu’au port d’Abidjan. Face à ces «multiples charges », M. Konaté dit pratiquer 150 Fcfa le kg dans toutes les zones qu’il parcourt. «Les commerçants ne disent pas la vérité. Ils achètent le kg à 125 Fcfa souvent même en deçà dans certains villages», regrette Coulibaly Kpan, un paysan. Dans la cité du Kabadougou, les petits acheteurs qu’on aperçoit face à leur balance, prennent leurs produits à 125 Fcfa. Pour remédier à cette situation défavorable aux producteurs, les coopératives s’investissent aussi dans la collecte des produits de leurs membres. «Nous achetons le produit à 160 Fcfa auprès de nos membres. 10 Fcfa sont collectés sur les 160 Fcfa pour le compte de la coopérative », soutient Abroulaye Konaté, Pca de l’Entreprise des coopératives agricoles de la région du Denguélé (Ecard). A l’en croire, il attend au moins 200 tonnes de la part de ses 130 producteurs qui revendiquent au total 875 hectares de plantation. La stratégie de rétention qui consiste à s’abstenir de livrer la production en anticipant sur une hausse des prix, mise en œuvre l’année dernière par certains paysans, a laissé un mauvais souvenir. Ces derniers, du fait de la paupérisation grandissante, cèdent leur production à l’insu de leur coopérative pour faire face aux problèmes de scolarité, de santé et d’alimentation de leur famille. Pour la Coordination des organisations professionnelles agricoles du Denguélé (Coordopad), la non-praticabilité du prix bord-champ s’explique par la mauvaise organisation des paysans de la région. Pour son président Fofana Brahima, le salut du paysan réside dans l’organisation et le fonctionnement effectif des coopératives. «Environ 700 chargements de 40 t d’anacarde sont sortis de la région, la campagne dernière. Et tout ce stock a été pris aux paysans à des prix dérisoires par des pisteurs». Pour mettre fin à cette situation, la Coordopad a décidé de prendre ses responsabilités. «Nous allons mettre tout en œuvre afin qu’aucun paysan ne vende sa production en dehors d’une coopérative. Cette année, nous garantirons 160 Fcfa aux paysans», rassure-t-il. La qualité est aussi un facteur important dans la commercialisation de l’anacarde. Cette année, la qualité recherchée doit varier entre l’out turn (le kor) 48 et 50. Ce chiffre décroît avec la qualité de l’amende. Il reste tout de même un mystère pour les paysans et même certains acheteurs qui disent ne pas comprendre le système d’identification de la qualité. «Nous nous contentons d’acheter en nous fondant sur la taille et le poids des noix qui ne sont que souvent des aspects apparents de bonne qualité. Seuls les spécialistes s’y connaissent », avoue Konaté Aboulaye. M. Diawara, agent de l’Anader, que nous avons rencontré dans un champ de la sous-préfecture de Gbéléban, explique la conduite à tenir pour avoir une production de qualité. Il faut, selon lui, éviter que les graines durent en contact avec le sol. L’on doit donc procéder au ramassage tous les deux jours. Le producteur ne doit pas cueillir les graines mais les laisser tomber d’elles-mêmes.
La question de la qualité
Les paysans doivent prendre la précaution de séparer la noix de la pomme de façon minutieuse et dissocier les graines défectueuses des bonnes. Trier les graines selon la taille et surtout éviter d’utiliser des récipients métalliques, etc. Pour le technicien, c’est le non-respect de ces dispositions qui influe négativement sur la qualité de la production qui, elle-même, reste largement en dessous des espérances. Le rendement des plantations de moins de sept ans est estimé à 400 kg à l’hectare dans la région. Il tourne autour de 600 t quand l’âge des plantations dépasse les sept ans. «Ce rendement n’est pas fameux. Car ailleurs, il atteint 900 t à l’hectare», soutient Boua Bi Bolou, chef de service à la direction régionale de l’agriculture. Pour lui, le faible rendement résulte du manque d’entretien des plantations. «Si le planteur respecte les normes, le rendement à l’hectare peut dépasser largement la tonne. A Niamana par exemple, village de la sous-préfecture d’Odienné, un planteur a récolté près de 50 kg sous un seul pied. Quand on sait qu’un hectare fait en principe 100 pieds. En arithmétique, cela vous fait 50 fois 100, ce qui donne 5000 kg, c’est-à-dire 5 t à l’hectare. Malheureusement, il n’y avait qu’un seul pied dans cette situation », affirme Bi Balou. «Nous n’avons même pas de manœuvre», regrette-t-il. Pour obtenir une production honorable, Coulibaly Mesitro, directeur départemental de l’agriculture d’Odienné, explique qu’il faut nettoyer les plantations au moins deux fois l’an. «Il faut faire des pare-feux de 10 mètres autour des champs pour éviter les incendies. Et garder un rayon de 5 mètres autour de chaque pied. Les paysans qui respectent ces principes peuvent dépasser la tonne à l’hectare», conseille-t-il. Cette année, les incendies ont sinistré au moins 20 ha de plantations, réduisant ainsi le rendement de la région.
Tenin Bè Ousmane à Odienné
«Nous avons fui le serpent courbé pour nous retrouver devant celui qui est allongé». M. Bakayoko Adama, planteur à Goulia, évoque ce dicton pour qualifier la situation dans laquelle il se trouve, c’est-à-dire celle de ceux qui ont considéré l’anacarde comme la culture qui devait venir remplacer le coton et redonner espoir. Mais cette culture se trouve devant une horde de spéculateurs qui gangrènent la filière. Le prix bord-champ annoncé publiquement devrait en principe être celui que le paysan devrait percevoir. Et pourtant, sur le terrain, jamais ce prix n’est respecté. «On nous prend le produit à 125 Fcfa. Vraiment, je ne comprends pas pourquoi on indique des prix à la télévision, alors qu’on ne fait rien pour faire respecter cette décision. Et quand je me souviens qu’on nous prenait le produit à 600 Fcfa le kg dans les années 1990, c’est un véritable regret qui m’anime présentement », explique Touré Moctar, paysan disposant d’une plantation de 10 ha. Les acheteurs, quant à eux, se défendent en évoquant les difficultés qui compromettent l’application des prix officiels.
Les coopératives au secours
Selon Konaté K., acheteur, il doit parcourir de longues distances pour collecter le produit. Et dans chaque village qu’il visite, il est obligé de s’attacher les services d’un autochtone à qui, il doit céder une marge. A cela, il faut ajouter les frais d’escorte reversés pour transporter le produit jusqu’au port d’Abidjan. Face à ces «multiples charges », M. Konaté dit pratiquer 150 Fcfa le kg dans toutes les zones qu’il parcourt. «Les commerçants ne disent pas la vérité. Ils achètent le kg à 125 Fcfa souvent même en deçà dans certains villages», regrette Coulibaly Kpan, un paysan. Dans la cité du Kabadougou, les petits acheteurs qu’on aperçoit face à leur balance, prennent leurs produits à 125 Fcfa. Pour remédier à cette situation défavorable aux producteurs, les coopératives s’investissent aussi dans la collecte des produits de leurs membres. «Nous achetons le produit à 160 Fcfa auprès de nos membres. 10 Fcfa sont collectés sur les 160 Fcfa pour le compte de la coopérative », soutient Abroulaye Konaté, Pca de l’Entreprise des coopératives agricoles de la région du Denguélé (Ecard). A l’en croire, il attend au moins 200 tonnes de la part de ses 130 producteurs qui revendiquent au total 875 hectares de plantation. La stratégie de rétention qui consiste à s’abstenir de livrer la production en anticipant sur une hausse des prix, mise en œuvre l’année dernière par certains paysans, a laissé un mauvais souvenir. Ces derniers, du fait de la paupérisation grandissante, cèdent leur production à l’insu de leur coopérative pour faire face aux problèmes de scolarité, de santé et d’alimentation de leur famille. Pour la Coordination des organisations professionnelles agricoles du Denguélé (Coordopad), la non-praticabilité du prix bord-champ s’explique par la mauvaise organisation des paysans de la région. Pour son président Fofana Brahima, le salut du paysan réside dans l’organisation et le fonctionnement effectif des coopératives. «Environ 700 chargements de 40 t d’anacarde sont sortis de la région, la campagne dernière. Et tout ce stock a été pris aux paysans à des prix dérisoires par des pisteurs». Pour mettre fin à cette situation, la Coordopad a décidé de prendre ses responsabilités. «Nous allons mettre tout en œuvre afin qu’aucun paysan ne vende sa production en dehors d’une coopérative. Cette année, nous garantirons 160 Fcfa aux paysans», rassure-t-il. La qualité est aussi un facteur important dans la commercialisation de l’anacarde. Cette année, la qualité recherchée doit varier entre l’out turn (le kor) 48 et 50. Ce chiffre décroît avec la qualité de l’amende. Il reste tout de même un mystère pour les paysans et même certains acheteurs qui disent ne pas comprendre le système d’identification de la qualité. «Nous nous contentons d’acheter en nous fondant sur la taille et le poids des noix qui ne sont que souvent des aspects apparents de bonne qualité. Seuls les spécialistes s’y connaissent », avoue Konaté Aboulaye. M. Diawara, agent de l’Anader, que nous avons rencontré dans un champ de la sous-préfecture de Gbéléban, explique la conduite à tenir pour avoir une production de qualité. Il faut, selon lui, éviter que les graines durent en contact avec le sol. L’on doit donc procéder au ramassage tous les deux jours. Le producteur ne doit pas cueillir les graines mais les laisser tomber d’elles-mêmes.
La question de la qualité
Les paysans doivent prendre la précaution de séparer la noix de la pomme de façon minutieuse et dissocier les graines défectueuses des bonnes. Trier les graines selon la taille et surtout éviter d’utiliser des récipients métalliques, etc. Pour le technicien, c’est le non-respect de ces dispositions qui influe négativement sur la qualité de la production qui, elle-même, reste largement en dessous des espérances. Le rendement des plantations de moins de sept ans est estimé à 400 kg à l’hectare dans la région. Il tourne autour de 600 t quand l’âge des plantations dépasse les sept ans. «Ce rendement n’est pas fameux. Car ailleurs, il atteint 900 t à l’hectare», soutient Boua Bi Bolou, chef de service à la direction régionale de l’agriculture. Pour lui, le faible rendement résulte du manque d’entretien des plantations. «Si le planteur respecte les normes, le rendement à l’hectare peut dépasser largement la tonne. A Niamana par exemple, village de la sous-préfecture d’Odienné, un planteur a récolté près de 50 kg sous un seul pied. Quand on sait qu’un hectare fait en principe 100 pieds. En arithmétique, cela vous fait 50 fois 100, ce qui donne 5000 kg, c’est-à-dire 5 t à l’hectare. Malheureusement, il n’y avait qu’un seul pied dans cette situation », affirme Bi Balou. «Nous n’avons même pas de manœuvre», regrette-t-il. Pour obtenir une production honorable, Coulibaly Mesitro, directeur départemental de l’agriculture d’Odienné, explique qu’il faut nettoyer les plantations au moins deux fois l’an. «Il faut faire des pare-feux de 10 mètres autour des champs pour éviter les incendies. Et garder un rayon de 5 mètres autour de chaque pied. Les paysans qui respectent ces principes peuvent dépasser la tonne à l’hectare», conseille-t-il. Cette année, les incendies ont sinistré au moins 20 ha de plantations, réduisant ainsi le rendement de la région.
Tenin Bè Ousmane à Odienné