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Économie Publié le jeudi 22 avril 2010 | Nord-Sud

Assèchement du fleuve Sassandra : La pêche s’effondre, les populations dans le désarroi

Les conséquences du changement climatique se font visibles dans le Haut-Sassandra. L’assèchement du fleuve perturbe les activités de pêche, créant la panique au sein des populations.

Rares sont les voyageurs qui dépassent Guessabo sans goûter au poisson frais pêché dans le Sassandra à quelques encablures de la petite sous-préfecture. Ou en acheter, frais ou fumé à emporter. Ceux des habitués qui ne s’y sont pas rendus, ces derniers temps, auront la mauvaise surprise de constater que les prix ont grimpé de façon vertigineuse. Et pour cause ! Le poisson se fait rare à cause de l’assèchement du fleuve. «Ce n’est pas notre faute. Il n’y a plus de poisson donc, les pêcheurs vendent cher’’, explique la vendeuse de poisson braisé avec qui nous avons commandé un plat. Pour 3.000 Fcfa, elle nous a servi 2 carpes qui, selon notre chauffeur, auraient coûté deux fois moins en temps normal. Quant au poisson frais que vendent certaines femmes au bord du pont qui enjambe le Sassandra, seuls les voyageurs peuvent en acheter. Des vendeuses nous ont proposé des carpes encore frétillantes (200 à 300 g à peu près) à 1.000 Fcfa l’unité ! Le tas de 4 silures fumés se vend à 5.000 Fcfa tout comme celui de 5 machoirons fumés. Trop cher, au goût des habitués, même si les vendeuses proposent sachets et poudre de glace en sus pour faciliter le transport et la conservation. C’est que les clients étaient habitués à payer moins cher si bien que chacun, en venant, prévoyait l’achat d’une bonne provision de poisson d’eau douce.
En effet, une bonne partie des populations (surtout les femmes), vit directement ou indirectement de la pêche sur le Sassandra. Outre les Bozo, ces pêcheurs traditionnels dont les prises ont diminué, il y a surtout les vendeuses de poissons. Qui, comme Natogoma Kamagaté, du fait du chômage de leur mari, sont devenues les piliers de leurs ménages. «En bonne période, je pouvais vendre 30.000 Fcfa de poisson fumé par jour».

Les hippopotames ont fui

Ce qui, affirme-t-elle, lui permettait d’entretenir convenablement la maisonnée et même de scolariser les enfants. Aujourd’hui, assure-t-elle, la rareté du poisson ayant renchéri le coût, les clients n’achètent plus comme auparavant. «J’arrive à peine à tenir mon commerce à cause de mes charges à la maison», explique-t-elle. Ces charges, ce sont les dépenses en nourriture, mais aussi la scolarisation des enfants. «Ma fille fréquente une école privée à Daloa. Cette année, j’ai du mal à m’acquitter convenablement des frais de scolarité si bien qu’elle est tout le temps renvoyée », s’inquiète la vendeuse de poissons. Sans compter les livres non achetés des tout-petits, à Guessabo. ‘’Je remplace ma mère qui vendait du poisson braisé ici’’, renchérit Mukila, une jeune nigériane. Qui assure avoir abandonné les cours pour remplacer sa génitrice qui n’en pouvait plus. «Il me fallait faire le choix entre venir l’aider à entretenir mes jeunes frères ou aller à l’école par intermittence» souligne-t-elle. Elle choisira de venir vendre. «On n’achète plus comme avant, mais, au moins, mes petits frères vont à l’école et nous mangeons à notre faim», dit-elle. Ce n’est pas le cas des vendeuses de riz qui affirment toutes ne plus vendre comme avant. «Les clients ne comprennent pas que la carpe qu’ils avaient à 500 ou 750 Fcfa, coûte aujourd’hui le double. Aussi, plusieurs d’entre eux préfèrent poursuivre leur voyage», déplore la jeune dame. Ces coriaces chauffeurs de grumier ne garent plus au carrefour de Guessabo comme avant. Aujourd’hui, à cause du manque d’eau et de la rareté du poisson, c’est la détresse pour les vendeuses et par ricochet, sur toute la population qui s’active au carrefour. Au moment où nous discutons avec la vendeuse de poisson fumé, apparaît un pêcheur que la femme nous présente. Kamanta est un solide gaillard de teint noir, caractéristique du Bozo (pêcheur malien, ndlr) qu’il est. «Regardez vous-mêmes le fleuve, et vous comprendrez la situation», lance tristement «l’homme de l’eau». En effet, du haut du pont et sur près d’un kilomètre, on perçoit ce qu’est devenu ce majestueux cours d’eau long de 650 km (son bassin hydrographique couvre 75.000 kilomètres carrés) : un mince filet serpentant paresseusement de part et d’autre de l’ouvrage. A cause de la sécheresse consécutive au réchauffement climatique et le perceptible déboisement sauvage, le Sassandra au niveau du pont est presque guéable. «C’est terrible», soupire notre chauffeur, un familier des lieux. «Dire que cette eau, il n’y a pas longtemps, touchait et même quelquefois, recouvrait le pont», se rappelle-t-il. L’on constate que le cours d’eau traînant dans le lit du fleuve crée par endroits des îlots sur lesquels quelques pêcheurs ont monté des tentes en toile de plastique noir. Des arbres noircis s’élèvent déci-delà. «Vous voyez ces grands arbres ? Ils sont totalement noyés en période de crue», fait-il remarquer. Plus loin, sur la berge réelle, il montre du doigt un campement où les Bozos accostent normalement leurs pirogues. Maintenant, ils sont à presque 300 mètres du fleuve. Selon le pêcheur même les hippopotames qui vivaient là, ont fui cet endroit du fleuve. Ils sont descendus vers Buyo où ils peuvent encore trouver de l’eau. Ou encore dans les affluents du fleuve qu’ils auront remonté», commente Kamanta.

Des maraîchers dans le lit du fleuve

C’est que le fleuve Sassandra prend sa source en Guinée où on l’appelle Férédougouba. Le réseau comprend trois autres affluents importants: le Bafing (au niveau de Biankouma) et le N’Zo (au niveau de Guiglo) en rive droite, la Lobo en rive gauche. Il alimente le lac (artificiel) de retenue de Buyo avant de rejoindre l’Océan Atlantique à Sassandra ville, dans le sud-ouest du pays. Entre ce qu’est devenu le fleuve et les campements de Bozo érigés sur la berge réelle, des agriculteurs font pousser des potagers. On y voit même des casiers de riz sur quelques hectares! «Cela fait maintenant deux saisons que les agriculteurs s’installent progressivement. Mais cette année, leur présence est plus importante», regrette-t-il. Ce qui a poussé un bon nombre de ses camarades à aller vers Buyo et Kossou. «Là-bas, la situation n’est pas meilleure, selon nos frères», renchérit le pêcheur. Avant de poursuivre que le Bandama et le Cavally, aux dires de ses collègues, sont dans la même situation. Et dans tous les lacs de retenue d’eau des différents barrages hydro-électriques du pays, le niveau de l’eau a baissé conséquemment. «C’est pourquoi vous n’avez pas de courant en ville», ajoute le pêcheur. Quant à la pêche, le Bozo espère que la belle saison va revenir avec la saison des pluies qui s’annonce bonne en Guinée. Mais, «elle tarde à véritablement tomber à Guessabo».


Ousmane Diallo, envoyé spécial dans le Haut-Sassandra
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