Mme Oulaï Yvonne, commissaire de police, 1ère classe, chef de service du commissariat spécial du district, dresse le bilan de la lutte contre les commerçants ambulants appelés aussi « bana-bana », trois mois après le séminaire de formation de 572 agents de police et de brigadiers.
• Qu'est-ce qui a motivé l'organisation en février du séminaire de formation de plus de 500 agents de police et brigadiers ?
La lutte contre les vendeurs ambulants est un combat un peu particulier. Nous ne luttons pas contre eux avec des armes à feu comme on le voit dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme. C'est pour cela qu'une formation assez particulière a été nécessaire pour nos agents. Durant quinze jours, les policiers et les brigadiers ont été initiés au maniement d'une nouvelle arme appelée le tonfa. Une arme de défense de la même famille que la matraque mais qui a la particularité d'avoir un manche facilitant son utilisation. Donc, dans la lutte contre les commerçants ambulants, c'est le tonfa que nous utilisons et non des armes à feu.
• Cela veut dire que vous êtes entrés effectivement dans la phase répressive depuis la fin du séminaire.
Je voudrais dire que le combat avait déjà commencé lorsque nous nous sommes arrêtés pour faire un bilan. C'est ce qui nous a conduits à organiser le séminaire de formation de nos agents et ceux de la brigade de salubrité du district. L'objectif était d'apporter un sang nouveau et d'enseigner les nouvelles méthodes de lutte contre le fléau des « bana-bana ». Autrement dit, la sensibilisation a déjà été faite. En 2008, des spots passaient à la télé par le biais du district d'Abidjan pour interpeller ces vendeurs sur pieds. Nous avons adressé des courriers, par l'entremise du gouverneur du district, aux différentes ambassades. Je pense que la sensibilisation a été suffisamment faite. Donc, il faut passer à l'action. Et, nous sommes en action.
• Justement parlant d'actions. Quel bilan dressez-vous, trois mois, après la formation de vos éléments aux techniques de lutte contre les bana-bana?
Je voudrais dire que la formation a rôdé nos éléments. Vous savez, ces gens-là (vendeurs ambulants, ndlr) qui côtoient les vendeurs de journaux dans les carrefours, ont suivi l'actualité à la télé, puisque la formation a été fortement médiatisée, et deux semaines après, on a constaté qu'il n'y avait plus de vendeur aux carrefours. Cela veut dire qu'ils étaient au courant de ce qui se passait et de ce qui allait se passer. Nous avons depuis le 20 février (fin du séminaire de formation, ndlr), interpellé 117 personnes, 98 individus ont été déférés au parquet du tribunal des flagrants délits du Plateau, 19 vendeurs ambulants ont été libérés parce qu'ils détenaient la carte de colporteur, signée par les différentes autorités municipales et 259 colis constitués d'objets de tout genre, ont aussi été saisis.
• Selon vous, deux semaines après la fin du séminaire, les bana-bana ont déserté les carrefours. Aujourd'hui, quelle est la réalité ?
La réalité, c'est ce que vous constatez avec nous aussi. Ils sont revenus dans les différents carrefours. Cela est dû au fait que souvent la police est appelée à d'autres missions. Nous avons au sein du commissariat spécial du district d'Abidjan, quelques difficultés techniques et logistiques. Il s'agit des véhicules et du manque de carburant qui, bien souvent, nous freinent dans notre élan. Sinon, nous avons repris le combat là où on l'avait laissé.
• Est-ce que vous avez approché le district pour avoir un début de solution aux difficultés qui retiennent votre élan ?
Evidemment, nous avons exposé ces problèmes au gouverneur. Je crois qu'il est en train de prendre des dispositions pour pallier ces insuffisances. Il n'y a pas longtemps, nous avons approché des concessionnaires de véhicules pour voir quels types de voitures sont adaptés à notre mission. Le problème n'est pas le manque de véhicules. Ceux que nous avons à notre disposition ne sont pas adaptés. Ce sont des véhicules électroniques, qui en cas de panne le week-end par exemple, n'ont aucun mécanicien qui puisse nous les dépanner. Il faut avoir recours à la maison-mère. Nous avons trois véhicules électroniques qui, malheureusement, ne sont pas adaptés à notre mission.
• De février à avril, vous avez interpellé 117 vendeurs ambulants et, 250 colis on été saisis. Malgré cela, on assiste au retour des « bana-bana » aux carrefours. Et, le phénomène reprend. Pensez-vous que vos méthodes de lutte sont efficaces ?
Il n'y a rien à reprocher à nos méthodes. Comme je vous l'ai dit un peu plus haut, nous sommes confrontées au problème de mobilité. Mais sur ce plan, je vous ai dit que des dispositions sont en train d'être prises pour le régler. Maintenant, les limites peuvent être d'ordre politique et organisationnel. Ces questions doivent trouver des réponses auprès des autorités. Parce que, dans ce combat, nous travaillons en collaboration avec les différentes communes. Nous menons la lutte mais ce sont elles qui décident aussi. Du point de vue de l'effectif, il y a une amélioration. Nous comptons 172 policiers et 300 brigadiers soit 572 agents prêts pour le combat. Je pense que nous pouvons largement couvrir la ville d'Abidjan. Mais le seul problème c'est qu'il faut pouvoir se déplacer : faire la mise en place les matins, transporter les éléments dans les différents carrefours et avoir des véhicules pour les superviseurs.
• En termes de présence sur le terrain, que comptez-vous faire pour accentuer la lutte contre ces commerçants ?
Dans les recommandations du séminaire, nous avons parlé de la maîtriser du flux migratoire. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un autre type de vendeurs ambulants. De plus en plus, ce sont des jeunes gens qui viennent d'arriver et qui ne connaissent même pas la ville d'Abidjan. Et ceux-ci ne nous connaissent même pas. Donc, on arrive à les prendre aussi facilement au contraire des anciens qui l'œil exercé et qui prennent la fuite immédiatement dès que notre véhicule gare. Cela donne l'impression que nous avons affaire à un réseau bien organisé. Nous allons accroître notre présence sur le terrain. Car, nous avons pu identifier les zones de prédilection de ces vendeurs ambulants. Il s'agit du carrefour Sebroko à Attécoubé où ils sont nombreux et profitent de la proximité avec le quartier précaire “Santé” pour s'éclipser. Il y a aussi le carrefour Solibra à Treichville. On a le carrefour de la Riviéra 2. Donc, nous allons mettre un accent particulier sur ces endroits.
• Ne pensez-vous pas qu'il faut attaquer le mal à la racine en rééditant les opérations coups de poing ?
Nous le voulons bien. Mais il suffit que celui qui est en face de vous soit de mauvaise foi. C'est-à-dire que le vendeur interpellé au carrefour, peut vous dire qu'il a acheté la marchandise à tel endroit. Il y a eu des moments où les gens nous ont fait promener dans toute la ville sans toutefois trouver le propriétaire. Et quand vous touchez le fournisseur, celui-ci peut vous affirmer qu'il est venu payer par exemple un carton de pochettes mouchoirs. Selon lui, il ne savait pas que le vendeur ambulant partait revendre la marchandise. Il peut même vous présenter un reçu. Mais à partir du moment où il a vendu avec un reçu vous ne pouvez plus le taxer. Mais pour le cas des couteaux, on a été obligés, vu la dangerosité des objets, d'aller jusqu'au bout en interpellant les commerçants ambulants et leurs fournisseurs. On a souvent demandé l'appui du procureur pour qu'il nous accorde assez de temps pour qu'on puisse les garder assez longtemps pour boucler l'enquête. Après la table ronde, nous sommes en voie de tisser un partenariat avec la direction des Impôts. Parce qu'elle a la possibilité de connaître les grands commerçants mais elle n'a pas les moyens répressifs pour arrêter ces indélicats fournisseurs. C'est une lutte qui concerne tout le monde. Le consommateur est en danger. Tenez, au carrefour Aghien, sur le boulevard Latrille, des aliments sont vendus. Si vous achetez ces aliments qui peuvent être avariés, vous imaginez un peu ce que vous risquez.
• Quel est l'impact du fléau des bana-bana sur la vie sociale, économique et aussi sur la sécurité?
Lors du séminaire de formation, la direction des impôts est intervenue pour nous instruire largement sur les conséquences néfastes du phénomène des commerçants ambulants sur l'économie nationale. Ces vendeurs dont on ignore l'origine, sont des gens qui vendent dans la rue sans payer taxes ni impôts. Ils livrent une concurrence déloyale aux vrais commerçants qui, eux, ont des charges fixes dans le mois. C'est-à-dire qu'il y a un personnel à payer, l'électricité, le local…Or, on ne sait pas où les vendeurs ambulants prennent leurs marchandises qu'ils vendent à vil prix. Cette situation, si elle perdure, peut conduire certains magasins à fermer. Donc, l'activité économique va prendre un coup. Au niveau des objets vendus, vous étiez avec nous lors de la descente à Adjamé. Nous avons saisi des couteaux hors normes. C'était des objets dangereux. Durant l'audition des vendeurs ambulants, certains nous ont conduits jusqu'à leurs fournisseurs. Donc, ce fléau favorise aussi l'insécurité.
Interview réalisée par Ouattara Moussa
• Qu'est-ce qui a motivé l'organisation en février du séminaire de formation de plus de 500 agents de police et brigadiers ?
La lutte contre les vendeurs ambulants est un combat un peu particulier. Nous ne luttons pas contre eux avec des armes à feu comme on le voit dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme. C'est pour cela qu'une formation assez particulière a été nécessaire pour nos agents. Durant quinze jours, les policiers et les brigadiers ont été initiés au maniement d'une nouvelle arme appelée le tonfa. Une arme de défense de la même famille que la matraque mais qui a la particularité d'avoir un manche facilitant son utilisation. Donc, dans la lutte contre les commerçants ambulants, c'est le tonfa que nous utilisons et non des armes à feu.
• Cela veut dire que vous êtes entrés effectivement dans la phase répressive depuis la fin du séminaire.
Je voudrais dire que le combat avait déjà commencé lorsque nous nous sommes arrêtés pour faire un bilan. C'est ce qui nous a conduits à organiser le séminaire de formation de nos agents et ceux de la brigade de salubrité du district. L'objectif était d'apporter un sang nouveau et d'enseigner les nouvelles méthodes de lutte contre le fléau des « bana-bana ». Autrement dit, la sensibilisation a déjà été faite. En 2008, des spots passaient à la télé par le biais du district d'Abidjan pour interpeller ces vendeurs sur pieds. Nous avons adressé des courriers, par l'entremise du gouverneur du district, aux différentes ambassades. Je pense que la sensibilisation a été suffisamment faite. Donc, il faut passer à l'action. Et, nous sommes en action.
• Justement parlant d'actions. Quel bilan dressez-vous, trois mois, après la formation de vos éléments aux techniques de lutte contre les bana-bana?
Je voudrais dire que la formation a rôdé nos éléments. Vous savez, ces gens-là (vendeurs ambulants, ndlr) qui côtoient les vendeurs de journaux dans les carrefours, ont suivi l'actualité à la télé, puisque la formation a été fortement médiatisée, et deux semaines après, on a constaté qu'il n'y avait plus de vendeur aux carrefours. Cela veut dire qu'ils étaient au courant de ce qui se passait et de ce qui allait se passer. Nous avons depuis le 20 février (fin du séminaire de formation, ndlr), interpellé 117 personnes, 98 individus ont été déférés au parquet du tribunal des flagrants délits du Plateau, 19 vendeurs ambulants ont été libérés parce qu'ils détenaient la carte de colporteur, signée par les différentes autorités municipales et 259 colis constitués d'objets de tout genre, ont aussi été saisis.
• Selon vous, deux semaines après la fin du séminaire, les bana-bana ont déserté les carrefours. Aujourd'hui, quelle est la réalité ?
La réalité, c'est ce que vous constatez avec nous aussi. Ils sont revenus dans les différents carrefours. Cela est dû au fait que souvent la police est appelée à d'autres missions. Nous avons au sein du commissariat spécial du district d'Abidjan, quelques difficultés techniques et logistiques. Il s'agit des véhicules et du manque de carburant qui, bien souvent, nous freinent dans notre élan. Sinon, nous avons repris le combat là où on l'avait laissé.
• Est-ce que vous avez approché le district pour avoir un début de solution aux difficultés qui retiennent votre élan ?
Evidemment, nous avons exposé ces problèmes au gouverneur. Je crois qu'il est en train de prendre des dispositions pour pallier ces insuffisances. Il n'y a pas longtemps, nous avons approché des concessionnaires de véhicules pour voir quels types de voitures sont adaptés à notre mission. Le problème n'est pas le manque de véhicules. Ceux que nous avons à notre disposition ne sont pas adaptés. Ce sont des véhicules électroniques, qui en cas de panne le week-end par exemple, n'ont aucun mécanicien qui puisse nous les dépanner. Il faut avoir recours à la maison-mère. Nous avons trois véhicules électroniques qui, malheureusement, ne sont pas adaptés à notre mission.
• De février à avril, vous avez interpellé 117 vendeurs ambulants et, 250 colis on été saisis. Malgré cela, on assiste au retour des « bana-bana » aux carrefours. Et, le phénomène reprend. Pensez-vous que vos méthodes de lutte sont efficaces ?
Il n'y a rien à reprocher à nos méthodes. Comme je vous l'ai dit un peu plus haut, nous sommes confrontées au problème de mobilité. Mais sur ce plan, je vous ai dit que des dispositions sont en train d'être prises pour le régler. Maintenant, les limites peuvent être d'ordre politique et organisationnel. Ces questions doivent trouver des réponses auprès des autorités. Parce que, dans ce combat, nous travaillons en collaboration avec les différentes communes. Nous menons la lutte mais ce sont elles qui décident aussi. Du point de vue de l'effectif, il y a une amélioration. Nous comptons 172 policiers et 300 brigadiers soit 572 agents prêts pour le combat. Je pense que nous pouvons largement couvrir la ville d'Abidjan. Mais le seul problème c'est qu'il faut pouvoir se déplacer : faire la mise en place les matins, transporter les éléments dans les différents carrefours et avoir des véhicules pour les superviseurs.
• En termes de présence sur le terrain, que comptez-vous faire pour accentuer la lutte contre ces commerçants ?
Dans les recommandations du séminaire, nous avons parlé de la maîtriser du flux migratoire. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un autre type de vendeurs ambulants. De plus en plus, ce sont des jeunes gens qui viennent d'arriver et qui ne connaissent même pas la ville d'Abidjan. Et ceux-ci ne nous connaissent même pas. Donc, on arrive à les prendre aussi facilement au contraire des anciens qui l'œil exercé et qui prennent la fuite immédiatement dès que notre véhicule gare. Cela donne l'impression que nous avons affaire à un réseau bien organisé. Nous allons accroître notre présence sur le terrain. Car, nous avons pu identifier les zones de prédilection de ces vendeurs ambulants. Il s'agit du carrefour Sebroko à Attécoubé où ils sont nombreux et profitent de la proximité avec le quartier précaire “Santé” pour s'éclipser. Il y a aussi le carrefour Solibra à Treichville. On a le carrefour de la Riviéra 2. Donc, nous allons mettre un accent particulier sur ces endroits.
• Ne pensez-vous pas qu'il faut attaquer le mal à la racine en rééditant les opérations coups de poing ?
Nous le voulons bien. Mais il suffit que celui qui est en face de vous soit de mauvaise foi. C'est-à-dire que le vendeur interpellé au carrefour, peut vous dire qu'il a acheté la marchandise à tel endroit. Il y a eu des moments où les gens nous ont fait promener dans toute la ville sans toutefois trouver le propriétaire. Et quand vous touchez le fournisseur, celui-ci peut vous affirmer qu'il est venu payer par exemple un carton de pochettes mouchoirs. Selon lui, il ne savait pas que le vendeur ambulant partait revendre la marchandise. Il peut même vous présenter un reçu. Mais à partir du moment où il a vendu avec un reçu vous ne pouvez plus le taxer. Mais pour le cas des couteaux, on a été obligés, vu la dangerosité des objets, d'aller jusqu'au bout en interpellant les commerçants ambulants et leurs fournisseurs. On a souvent demandé l'appui du procureur pour qu'il nous accorde assez de temps pour qu'on puisse les garder assez longtemps pour boucler l'enquête. Après la table ronde, nous sommes en voie de tisser un partenariat avec la direction des Impôts. Parce qu'elle a la possibilité de connaître les grands commerçants mais elle n'a pas les moyens répressifs pour arrêter ces indélicats fournisseurs. C'est une lutte qui concerne tout le monde. Le consommateur est en danger. Tenez, au carrefour Aghien, sur le boulevard Latrille, des aliments sont vendus. Si vous achetez ces aliments qui peuvent être avariés, vous imaginez un peu ce que vous risquez.
• Quel est l'impact du fléau des bana-bana sur la vie sociale, économique et aussi sur la sécurité?
Lors du séminaire de formation, la direction des impôts est intervenue pour nous instruire largement sur les conséquences néfastes du phénomène des commerçants ambulants sur l'économie nationale. Ces vendeurs dont on ignore l'origine, sont des gens qui vendent dans la rue sans payer taxes ni impôts. Ils livrent une concurrence déloyale aux vrais commerçants qui, eux, ont des charges fixes dans le mois. C'est-à-dire qu'il y a un personnel à payer, l'électricité, le local…Or, on ne sait pas où les vendeurs ambulants prennent leurs marchandises qu'ils vendent à vil prix. Cette situation, si elle perdure, peut conduire certains magasins à fermer. Donc, l'activité économique va prendre un coup. Au niveau des objets vendus, vous étiez avec nous lors de la descente à Adjamé. Nous avons saisi des couteaux hors normes. C'était des objets dangereux. Durant l'audition des vendeurs ambulants, certains nous ont conduits jusqu'à leurs fournisseurs. Donc, ce fléau favorise aussi l'insécurité.
Interview réalisée par Ouattara Moussa