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Art et Culture Publié le jeudi 29 avril 2010 | Nord-Sud

Bilé Didier, chanteur : “Le zouglou fait la fierté des étudiants”

20 ans après sa naissance au campus universitaire de Yopougon, le zouglou a son festival. Durant trois jours (29, 30 avril et 2 mai), les amoureux de cette musique pourront assister à des conférences-débats, participer à des concerts privés et populaires et passer en revue les photos et clips vidéo du début du mouvement. Bilé Didier, précurseur du genre musical, en parle.


Aujourd’hui débute le Festival international du zouglou. Quel est le sentiment qui vous anime ?

Je suis très heureux. C’est une grande trouvaille. C’est sûrement la meilleure des choses qui soit arrivée à la Côte d’Ivoire durant ces décennies. C’est une aubaine pour le pays et je demande à tous ceux qui peuvent soutenir ce festival de le faire.


Après trois éditions de la nuit du zouglou, avec les même artistes, ne craignez-vous pas que ce soit du ‘’remake’’ ?

Non, je ne le crois pas. Si c’était le cas, le public ne répondrait pas présent. Alors qu’à ce jour, nous sommes déjà à une salle comble. C’est que les gens en demandent quelque part. Quand on mange un foutou dans un restaurant et qu’il est bon, on revient forcement en manger. Pourquoi vouloir toujours changer les choses. Si on aime l’attiéké, on le mange tous les jours. Le zouglou, c’est la même chose. Il y a de nouveaux groupes, des albums qui sortent tous les jours. Le jour où le public n’aimera plus ce qui est fait, il a une façon simple de l’exprimer, c’est de ne pas venir aux spectacles. Et cette année, les salles seront pleines encore.


20 après sa création, quel est votre regard sur cette musique ?

C’est une musique qui a évolué et qui continue de prendre de l’ascendance. Elle a eu ses moments de remous, mais cela a changé. Les gens ont compris aujourd’hui que le zouglou répond le mieux aux aspirations des mélomanes ivoiriens. Le ministère de la Culture et de la Francophonie a inscrit ce rythme dans une charte qui fait d’elle la musique identitaire de la Côte d’Ivoire. Ce qui fait que nous, à notre niveau, avons changé le cri de guerre. Ce n’est plus ‘’zouglou Ca (Campus ambiance)’’, mais ‘’zouglou CI (Côte d’Ivoire)’’. Pour dire que c’est la musique de la Côte d’Ivoire. La Jamaïque a son reggae, les Etats-Unis le rap et en Côte d’Ivoire, nous avons notre zouglou. C’est une grosse fierté pour toute la génération des étudiants des années 1988, 1989 et 1990, qui se reconnaît dans cette musique.


Que pensez-vous de la nouvelle génération de chanteurs de zouglou ?

Ils sont très bien et je les aime beaucoup. En tant que l’un des précurseurs, je leur demanderais de revenir sur les pas de danse originels. Malheureusement, on ne fait que chanter. On s’est focalisé sur les textes et les fondamentaux de cette musique, que sont les pas, disparaissent. Pour que le mouvement reste solide, les mélomanes doivent pouvoir danser sur nos chansons avec les mêmes pas.


Les étudiants semblent délaisser le mouvement. Le zouglou a-t-il définitivement quitté les campus ?

Non. Le zouglou n’a pas fui le campus. Les étudiants savent que c’est leur chose. Seulement, ils n’ont qu’à se l’approprier pour la pérenniser. Car nous, les anciens, ne le ferons pas à leur place. Aussi, avec la disparition de la cité de Yopougon, ‘’l’âme’’ zougloutique a presque disparu. Que les étudiants prennent leur bâton de pèlerin.


Il y a aussi le fait qu’on ne retrouve plus de groupes féminins. Que se passe-t-il ?

C’est un véritable problème. Seulement, nous sommes dans un monde misogyne qui fait que des jeunes filles qui aimaient bien cette musique, ont d’abord été sous l’effet de la rampe pour ensuite se retrouver avec un homme dans un foyer où elles sont devenues des mères. C’est forcement logique qu’on les voit de moins en moins.


Les chanteurs de zouglou semblent avoir un faible pour l’alcool. Cela n’est-il pas en contradiction avec vos messages ?

Dans le zouglou il y a des personnes qui ne boivent pas d’alcool. Moi, j’en consomme, ce n’est pas un secret. Maintenant, il faut savoir garder la mesure. Il ne faut pas boire pour boire. Ce n’est pas notre faute si des fans heureux nous offrent un verre en passant. On ne va pas nous incriminer pour ça.


Comment votre dernier album a-t-il été accueilli par le public ivoirien ?

Je crois que c’est mon meilleur album. Tous ceux qui l’ont écouté, l’ont tout de suite acheté (non piraté). Ils ne le font pas par charité. Ils ont tous aimé les chansons. On a eu des problèmes pour trouver le morceau de promotion de l’album, tellement les chansons se valent. Cet album va se vendre sur deux ans au moins et battra des records de vente, j’en suis convaincu.


Vous êtes très engagé sur l’album avec des chansons virulentes contre le pouvoir en place. A quoi répond cela?

Je n’ai rien contre le pouvoir en place. L’artiste-chanteur est la voix des sans voix. Si dans mes chansons je ne peux pas dire tout haut ce qui se dit tout bas, il vaut mieux que je m’asseye à autre chose et manger tranquillement mon garba (attiéké au poisson). Quand des personnes me saluent dans la rue et m’encouragent, c’est parce que je représente quelque chose à leurs yeux. Ce qui fait de moi un symbole. Et, un symbole ne meurt pas. Aucun camp n’a été épargné. Que ce soit le camp présidentiel ou l’opposition, chacun a eu sa part de critique. Le plus important est que le pays retrouve la paix.


Vous êtes définitivement installé en France, que faites-vous à part la musique ?

Je suis toujours mal à l’aise quand on me pose cette question. Fâché de savoir que les Africains sont dédaigneux pour tout ce qui concerne l’art. C’est dommage que faire de la musique en Afrique ne soit pas considéré comme un métier. Je suis expert comptable de formation. Mais, le métier que j’aime c’est la musique et c’est ce que je fais.


Interview réalisée par Sanou Amadou (stagiaire)
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