x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Économie Publié le jeudi 6 mai 2010 | Nord-Sud

Pierre Dagbo Godé (ex-Dg du Cepici) : “Le Franc Cfa freine notre développement”

Précédemment directeur général du Centre de promotion des investissements en Côte d'Ivoire (Cepici), Pierre Dagbo Godé a participé au pré-colloque sur le cinquantenaire à San Pedro où il a fait une communication sur le thème «Les monnaies africaines entre intégration et souveraineté». Il invite la sous-région à une réforme de sa monnaie.

Dans votre communication, vous présentez le franc Cfa comme « une entrave » à la souveraineté des Etats africains. Quelle solution préconisez-vous donc pour arriver à l'indépendance économique ?
Vous savez que la zone Cfa est la seule héritée de la colonisation. Et avec toutes les contraintes, c'est-à-dire qu'au départ, la France en créant la zone Cfa ne pensait qu'à ses intérêts. Donc, cette zone a été créée dans l'intérêt de la France, d'où toutes les critiques à son sujet. Mais à partir des indépendances, nos dirigeants de l'époque ont adopté une attitude qu'ils ont trouvée réaliste et conforme à leurs propres intérêts. Ils ont préféré garder la monnaie. Je pense qu'il faut en tenir compte. Donc, pendant longtemps, les avoirs extérieurs des pays africains de la zone franc étaient dans l'ordre de 65% dans le compte des opérations. Aujourd'hui, il est à 50%. C'est dire qu'il y a eu une évolution. Mais une entrave à la souveraineté de l'Etat, il ne faut pas le dire quand on est un juriste puisque l'Etat, c'est quand même l'imperium. Il ne peut pas être s'il n'est pas d'accord. Je crois que les Etats africains sont allés librement à la zone Cfa. Il faut qu'ils l'assument. Maintenant, en tenant compte des critiques des uns et des autres, nos relations monétaires avec la France peuvent évoluer. Tout dépend de nous. Personnellement, je suis contre les ruptures brutales. Je pense que toute rupture doit s'organiser. Aujourd'hui, nous sommes à 50-50. Il est possible que, dans cinq ans, nous soyons de 60 à 40 contre la France. Tout dépend de la manière dont nous voulons concevoir nos économies. Le deuxième problème sur lequel j'ai beaucoup insisté est que si nos relations avec la France sont trop contraignantes et constituent une entrave à nos économies, alors, allons-y à l'intégration dans le cadre de la Cedeao. Je crois que, là au moins, on passera de huit à seize pays. Peut-être que nous serons assez forts pour créer une monnaie sous-régionale qui pourra être acceptée par tous les Etats. Pour moi, c'est un processus. Ceci dit, je ne veux pas prendre une position radicale où on dit que la France exploite les pays africains. Car, honnêtement, je crois qu'aujourd'hui, on a tous les arguments pour limiter la présence française dans les conseils d'administration des pays de la zone franc.

Pensez-vous que c'est en ayant une monnaie, à eux, que les Etats africains vont s' «affranchir» de la France ?
Au cours des débats, on l'a constaté dans la salle. Il y a deux positions. D'un côté, ceux qui pensent que chaque Etat peut avoir sa propre monnaie. Il y en a même qui ont pensé que la Côte d'Ivoire peut, à elle seule, avoir la sienne. Moi, je pense que c'est une mauvaise appréciation dans la mesure où le monde d'aujourd'hui évolue vers l'intégration économique. Les pays européens avaient chacun sa monnaie avant qu'ils ne créent l'euro. Aujourd'hui, en Amérique latine, le Brésil, l'Argentine et le Venezuela et autres s'organisent pour créer une monnaie latino-américaine. En Asie, des études sont faites aujourd'hui pour mettre en place une monnaie unique. C'est dire que la tendance est à l'intégration monétaire. Donc, nous Ivoiriens, qui avons déjà l'expérience d'une monnaie intégrée dans la zone Cfa, nous devons, au contraire, encourager les autres pays africains à nous rejoindre en négociant. On peut même supprimer le compte d'opération. C'est faisable. Ce genre de choses se discute.

Le compte d'opération n'est-elle pas une sorte de caution pour prévenir la fragilité de nos économies ?
Le compte d'opération, c'est le compte dans lequel des pays africains déposent leur argent dans le trésor français. C'est ce qui pose problème. Mais ça peut se négocier. Si nos dirigeants estiment qu'aujourd'hui nous sommes suffisamment forts pour gérer la monnaie et que nous n'avons pas besoin du compte des opérations, ils n'ont qu'à le décider. La théorie économique n'est pas figée sur ce problème.

Qu'est-ce que cela apporte aux Etats africains ?
Une garantie de convertibilité de notre monnaie sur le marché international. Tout simplement. C'est-à-dire que pour que le franc Cfa puisse aller à l'euro, c'est par rapport à ce que nous avons dans ce compte des opérations. Donc, c'est une sorte de garantie. Mais si nous n'en avons plus besoin, on peut le supprimer. Cela dépend vraiment de la vision des politiques africains.

Le problème des Etats africains n'est-il pas davantage une question de mentalité que de monnaie ?
Non, je ne parlerais pas de mentalité parce que l'Afrique a, aujourd'hui, toutes les ressources humaines pour se développer. Pour nous, c'est plutôt une question d'organisation. Il faut que nous raisonnions en termes de gestion et de résultat. C'est-à-dire que quand nous élaborons un programme, nous devons avoir le chronogramme de son exécution, la possibilité de l'évaluer à mi-parcours et de rectifier au fur et à mesure. Je crois que c'est là tout le problème. Ce n'est pas une question de mentalité mais du fait que l'Afrique n'aime pas travailler. Il faut organiser la société et c'est le rôle des hommes politiques. Nous, intellectuels, donnons les idées. Mais c'est à eux de passer à l'acte. Si les chefs d'Etat africains n'ont pas de vision, il serait très difficile de mettre nos idées en application.


Bamba K. Inza, envoyé special
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Économie

Toutes les vidéos Économie à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ