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Art et Culture Publié le lundi 10 mai 2010 | Nord-Sud

Célébration du 19e anniversaire du décès de Bob Marley : Le village rasta renaît

Les amoureux et adeptes du reggae rendront, demain, un hommage mérité à Bob Marley. A Abidjan, se tient, depuis samedi, un festival reggae au village rasta de Vridi. De ce fait, l'espace a fait sa toilette.

Dimanche 8 mai, en face de la Société ivoirienne de raffinage (Sir) à Vridi. La bretelle qui conduit au village rasta, connaît une animation particulière. De nombreuses personnes vêtues d'habits de couleurs rouge, jaune et vert, circulent. Le mur de l'entrée principale du village est tout éclatant. La peinture vient d'être refaite. La clôture a été peinte en blanc, couleur de la paix et de l'unité. Les affiches collées sur les quelques voitures stationnées au parking renseignent sur les raisons de la réfection. Un festival reggae a lieu depuis samedi. Jusqu'à demain, 11 mai (date anniversaire du décès de Bob Marley, icône de la musique reggae), des concerts se tiennent avec les grands noms de la musique reggae de Côte d'Ivoire. Pablo U Wa, Ismaël Isaac, Ras Goody Brown, Kadjeem, Salamty Kalujah, pour ne citer que ceux-là, seront en concert. Des jeunes chargés de la sécurité filtrent les entrées. A l'intérieur du village, le décor est éblouissant. La partie gauche de la clôture est magnifiquement décoré.

Des portraits d’icônes rastas

Des portraits de Haïlé Sélassié, prophète du ''rastafarisme'' et de la philosophie du rasta, donnent une teinte artistique à l'espace. De véritables chefs-d'œuvre faits avec une adresse remarquable. Le ''Lion de la tribu de Juda'' est représenté sous plusieurs facettes. Enfant ou adulte, en tenue militaire ou de roi, il rayonne sur cette façade. Le côté droit de l'entrée consacre un espace vide. La muraille de ce cadre est décorée par des coups de pinceaux dignes d'une œuvre artistique sur toile. La nuance entre les couleurs du reggae (rouge, jaune, vert) ajoutées au bleu et parfois au noir, accentue la dextérité avec laquelle les figures sont dessinées. Juste après ce hall, se trouve le domicile du chef du village. La concession du chef est modeste. Un espace d'environ 10 mètres carrés, protégé par une clôture faite de bois. Le sable de mer rappelle la proximité de l'eau. Un petit arbre feuillu et ombreux occupe un coin de la cour. Deux bancs de trois places et quatre chaises sont destinés à recevoir les visiteurs. Des rastafaris, venus saluer leur responsable, échangent entre eux. Le chef, Ras Zagadou, est un homme de teint noir, svelte et élancé. Ses dreadlocks ne sont pas longs mais arrivent au niveau de son cou. Son visage aminci semble encore sous l'emprise du sommeil. Il vient de se réveiller. Selon lui, le village s'étend sur deux hectares et demi. Il est limité par la mer au Sud, le quartier cocotier à l'Est et l'ex-hôtel Akwaba à l'Ouest. Il pense que l'installation de sa communauté à cet endroit est la manifestation d'une prophétie : « Nous construisons sur les ruines de Babylone ». Et Babylone était représenté par des opérateurs économiques italiens qui ont abandonné l'hôtel.
Dehors, une voie serpentée conduit vers un espace nouvellement aménagé, Gnam dem. Sur les murs des concessions qui séparent la maison du chef de ce temple destiné à la pratique de la musique reggae, des portraits de reggaemen ivoiriens, Tiken Jah Fakoly et Serge Kassy (parrains du festival qui a lieu) ont été réalisés. Le lieu de spectacle est hermétiquement fermé. Mais, de la musique provient de l'intérieur. Ce sont les réglages techniques pour le concert qui y est prévu, le soir. Après les salamalecs, l'intérieur est découvert. Un espace capable d'accueillir 3.000 personnes où trône une vraie scène de spectacle s'offre au visiteur. La sonorisation est de haute qualité et les décibels qui s'en échappent font dresser les cheveux sur la tête de plus d'un observateur. Une bonne partie du Gnam Dem est couverte par des paillotes. Le lieu est flambant neuf. Tout vient d'être installé. Un décor digne de l'intérieur d'un bar climatisé de Yopougon. Des poufs sont disposés partout autour des tables. Des salons de fauteuils rembourrés occupent les parties couvertes. De petites paillotes, portant les noms des saints (Siméon, Lévi, Juda etc.) de la Bible et peints en rouge, jaune et vert, ajoutent une touche particulière à la beauté du lieu. Le Gnam Dem, est un espace culturel et gastronomique, réalisé par un opérateur économique indépendant, Gnakéné Boukary alias Face. Il a pour objectif de permettre la promotion et le développement de l'esprit rasta en Côte d'Ivoire. La sortie ouest du cadre débouche sur une autre partie du village. Sur sa façade arrondie, on peut découvrir les visages de U-Roy, Bob Marley et Alpha Blondy. Cette issue débouche sur la plage. Une grande surface s'étend jusqu'à l'ex-hôtel Akwaba, considéré par les rastas comme la limite du village. Au centre, se tient un ''maquis'' en plein air sous une paillote et, paradoxalement, une mosquée à côté d'un WC public. Sur la gauche, du côté de la clôture principale, des artisans rastas exposent leurs œuvres dans des baraques. Derrière, des habitations existent. Il y a aussi des espaces de restauration. Le mur d'un ancien terrain de basket a été tagué. L'image de l'empereur d'Ethiopie et celle de Marcus Mosiah Garvey (qui a prophétisé son règne) y ont été reproduites. Sur ce même mur est inscrit « Sashamane ». Les sashamanis sont une famille de la communauté rasta de Vridi. C'est au sein de ces derniers qu'on retrouve les Boboshantis, les rastas qui attachent leurs dreadlocks à l'aide de foulards. Parmi eux, on trouve le groupe Africa Bongo chargé de confectionner les colliers, chaussures, bracelets et tricots rastas aux couleurs du mouvement. Les Bongo Africa font aussi de la musique. Ils sont plus portés vers les instruments traditionnels africains (tambours, bois parleurs, caisses cylindriques…). Ils sont artisans, confectionnent des statuettes et font de la peinture.


Un lieu de pèlerinage

Pour Elysée ou Yodé, son adhésion au mouvement s'est fait à cause de l'esprit développé par les rastas. « Un rasta n'est pas porté sur une chaîne en or. Quel que soit l'âge qu'on a, on a toujours quelque chose à apprendre ici », s'est-il réjoui. Prince Evy, venu du Ghana, rencontré à la sortie de la mosquée, jette un regard sur la croyance rasta. Selon lui, l'Islam étant une religion qui prône la paix et l'existence d'un seul Dieu et le mouvement rastafari, parle de ''One love''. Donc, il ne peut avoir de problème entre les deux croyances d'autant que la pensée rastafari n'est pas une religion. Parlant du lien avec le christianisme, il pense que si le mouvement tire une bonne partie de sa source de la Bible, c'est qu'il y a des choses positives dans ce livre. C'est en 1986 que les responsables de l'hôtel Akwaba ont mis la clé sous le paillasson. De ce fait, l'espace a été abandonné. La brousse s'est installée et le bâtiment principal est devenu un nid de bandits et de reptiles (varans et serpents). C'est ainsi qu'un homme nommé Saint Clair, pratiquant d'art martial (vivant maintenant à San Pedro) a décidé, en 1990, de s'y installer. Il a fait appel à des artistes rastas pour lui tenir compagnie. 19 ans après, Saint Clair peut être fier de son entreprise. Car, les rastas ont pris soin de l'héritage qu'il leur a légué. Le village est devenu aujourd'hui, un lieu de pèlerinage, connu à travers le monde.

Sanou Amadou (stagiaire)
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