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Économie Publié le mardi 18 mai 2010 | Le Patriote

Prisonniers du café-cacao : La Maca pour étouffer la vérité

Les prisonniers du cacao ivoirien sont véritablement à l’abandon. En tout cas, lorsqu’on se réfère aux nombreux déboires subis par Henri Amouzou (Fdpcc), Tapé Do (Bcc), Firmin Kouakou (Frc), Mangoua Jacques (Fgccc) et autres dont la santé s’altère de jour en jour, l’on se demande bien à quoi joue le régime en place. En effet, depuis juin 2008, croupissent à la Maca (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan) une vingtaine de responsables des structures de la filière café-cacao.
Ces barons du cacao, incarcérés dans le cadre de l’opération dite ‘‘mains propres’’ sont logés au bâtiment des ‘‘assimilés’’. Ils sont accusés de "détournements de fonds, abus de confiance, abus de biens sociaux, escroquerie, faux et usage de faux en écriture de commerce ou de banque". Cependant, depuis qu’ils se trouvent en prison, ces ‘‘Vip’’ de la Maca n’ont pas encore été jugés. Ils se sont présentés maintes fois devant le juge d’instruction, sans plus. A ce jour, la date du procès n’est pas connue. Les visites incessantes des parents, amis et connaissances qui avaient lieu dès les premières semaines de leur incarcération ont pris du plomb dans l’aile. Des personnes qui avaient pour habitude de se rendre à la prison les jours prescrits, c’est-à-dire, mardi, jeudi et samedi, n’y vont aujourd’hui que le dernier jour. Beaucoup parmi elles sont gagnées par le découragement car aucune date n’est avancée par le procureur de la république. Il avait indiqué lors de leur arrestation que les détenus du cacao avaient fait des détournements massifs. Il est vrai, ces prisonniers, même s’ils ne vivent pas comme s’ils étaient à la maison, bénéficient cependant d’un traitement assez particulier. Ce qu’il nous a été donné de voir, c’est que les barons ne sont pas nombreux dans leur ‘‘cage’’. Un à quatre par cellule alors que les autres prisonniers sont au nombre de 50, voire 60. Ils bénéficient de certaines …commodités comme des cuvettes sur leurs WC, des ventilateurs, des réchauds, des réfrigérateurs, etc. Côté nourriture, quasiment rien à dire. Ils sont servis royalement par leurs proches qui sont très réguliers à la Maca. Par ailleurs, ceux qui négligeaient la présence de Dieu dans leur vie sont désormais ses fidèles serviteurs. On lit la Bible ou le Coran. Il n’est pas rare de voir Jean Claude Bayou, Directeur général du Fgccc (Fonds de gestion des coopératives café-cacao), au milieu d’hommes de Dieu, les yeux fermés, la tête tournée vers le haut, implorant la clémence ou la magnanimité du Seigneur pour une liberté, même provisoire qui ne vient malheureusement pas. Ainsi, dans cet univers carcéral, qui est loin de celui de la maison, du salon feutré et des fauteuils douillets, les plus fragiles font les frais de cet environnement particulier.

Jacques Mangoua (Pca du Fgccc) et Firmin Kouakou (Dg du Frc) ont dû bénéficier d’une liberté provisoire pour aller se faire soigner. Henri Amouzou s’est rendu à plusieurs reprises à l’Institut de cardiologie pour recevoir des soins intensifs. Vendredi dernier, c’est Tapé Do qui a dû être évacué d’urgence au Chu de Yopougon. Le planteur d’Issia souffrirait d’un diabète et d’une hypertension. Mais bien avant cela, un rapport médical a révélé que depuis son incarcération, l’homme au chapeau melon, a connu une baisse de sa vision. Son cas nécessitait même une intervention suite à une cataracte glaucome. Le José Bové ivoirien étant diabétique, le rapport médical indique qu’il ‘‘n’est pas concevable de réaliser cette intervention et de laisser retourner le patient’’ à la Maca. Tapé Do est vraiment mal en point selon nos sources.

Ni liberté provisoire ni procès
Les conséquences de la détention sont aujourd’hui sans ambages. Les barons de la filière café-cacao se meurent. Il ne se passe pas de jours ou de semaine sans que l’un d’entre eux ne pique une crise ou ne soit évacué. Et cela n’émeut pas nos autorités qui ont commandité cette enquête. Dans quel pays sommes-nous ? Serait-on tenté de demander. Eh oui, nous sommes en Côte d’Ivoire. Un pays où les droits de l’homme sont relégués aux calendes grecques. La Ligue ivoirienne des droits de l’homme a déjà condamné cette détention qui n’honore pas le pays. Idem pour le Mouvement ivoirien des droits de l’homme qui ne sait plus à quel saint se vouer. Des langues n’hésitent pas à dire que l’objectif du pouvoir est d’empêcher les prisonniers de parler. D’où leur maintien en prison jusqu’à ce que l’irréparable se produise. L’on n’est pas prêt à les entendre au cours d’un procès de peur de les entendre faire des révélations qui pourraient mettre à mal le régime en place. « Nous attendons le procès pour parler. Nous refusons de nous présenter devant le juge d’instruction. Qu’est-ce qu’il ne sait pas de notre dossier ? Nous n’avons plus rien à dire à ce juge qui nous a constamment entendus depuis près de deux ans. Qu’on commence le procès et la vérité éclatera », disent régulièrement des barons de la filière. Ces mises en garde, à en croire certaines sources, ont rendu frileux les tenants du pouvoir au point de différer le procès dont la date est devenue une chimère.
Gbagbo et ses hommes ont peur de la manifestation de la vérité. Maintenir en prison les responsables de la filière, voire les affaiblir est le moindre mal pour eux. Tout le monde est d’avis qu’il faut empêcher ces ‘‘sachants’’ de parler. Ce ne sont pas les détenus eux-mêmes qui diront le contraire. Eux qui soutiennent que leur inculpation est, avant tout, politique. Quoi de plus normal puisque, malgré la pléthore d’audits, aucun jugement n’a eu lieu. Leur santé est devenue le cadet des soucis du régime en place. Quant à la liberté provisoire, elle ne saurait prospérer. En tout cas, pour espérer bénéficier d’une liberté en bonne et due forme, il faudrait d’abord…mourir. Oui, la mort comme libération de l’esprit et du corps pour ces détenus de la filière café-cacao. Ne dit-on pas qu’on ne peut aller au paradis sans mourir ? Le paradis va donc représenter pour ces prisonniers, la sortie de prison, de l’univers carcéral qui est pour eux un enfer. Sauf si le pouvoir en place veut les maintenir dans ces geôles jusqu’à ce que mort s’en suive. Et que s’en aillent avec eux, les révélations.
Jean Eric ADINGRA

Les prisonniers ont-ils jeté l’éponge ?
Les responsables de la filière café cacao ont perdu tout espoir. Cela fait pratiquement deux ans qu’ils sont des pensionnaires de la Maca. Croyant à une affaire de quelques semaines ils en sont aujourd’hui à 23 mois, soit près de deux ans de détention. Ils ont pris des avocats pour leur défense, leurs épouses ou époux, ont fait des sit-in, ils ont été gazés, molestés, mais rien. Eux-mêmes avaient prévu faire le grand déballage. A ce jour, on n’a rien entendu, on n’a rien vu. Ils se sont recroquevillés sur eux-mêmes et ne parlent plus. Ou du moins ils refusent de le faire. Les menaces de révélations ont vite fait place au silence. Silence coupable ? Personne, ne saurait, pour le moment, répondre à une telle question. Toujours est-il qu’ils ont rentrés dans leurs coquilles, attendant dans l’inertie. Ils semblent s’accommoder de cette situation. S’ils ont peut-être jeté l’éponge qui peut leur permettre de laver la souillure dont ils disent être l’objet, ils leur reste néanmoins le savon pour leur rappeler qu’il peuvent toujours se ressaisir et démontrer qu’ils sont propres. Sinon, leur silence pour l’opinion cache un embarras. Celui de personnes qui ont « mangé » et fait « manger » et qui refusent de livrer leurs commanditaires.

J.E.A.
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