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Société Publié le jeudi 20 mai 2010 | Nord-Sud

Sur les traces de la fille transformée en porc : Trois mois après, le mal de Florence empire

Trois mois se sont écoulés depuis que les Ivoiriens ont découvert, à travers la presse, le cas Florence. Cette jeune fille de 21 ans qui, dit-on, pour avoir refusé de livrer son père aux sorciers, a vu son visage se boursoufler. Que devient-elle aujourd’hui ? A-t-on trouvé une solution à son problème ? C’est pour répondre à ces interrogations que nous avons fait le voyage de Krogbopa, son village.

A la recherche de Damonoko Florence, la jeune fille dont le visage a pris une forme semblable au groin, nous arrivons sous une pluie battante, ce dimanche, à Ouragahio. Il faut se mettre à l’abri, le temps que la pluie cesse. Une fois le temps redevenu clément, nous quittons l’appatam qui nous a accueillis, pour embarquer dans le taxi-brousse à destination de Krogbopa, village de la sous-préfecture de Ou-? ra?gahio, où vit l’infortunée Florence. Son père, Damonoko Daniel, avec qui nous avons rendez-vous, attendait depuis quelques heures. Le retard causé par la pluie l’avait certainement amené à sortir pour un instant. C’est Florence que nous trouvons dans la cuisine, en compagnie de son jeune frère. Toujours fidèle à son voile de cache-tête. Elle plonge un chiffon dans de l’eau chaude qu’elle porte à son visage. Est-elle en train de se soigner ?

Un père démuni

Elle nous reconnaît et semble visiblement toute heureuse de nous voir à nouveau. Son père, dit-elle, est dans les environs et ne tarderait pas à rentrer. C’est du moins ce que nous avons cru comprendre. Ses propos sont à peine audibles. Il faut être habitué à elle pour comprendre ce qu’elle dit. Sa voix rauque n’est pas loin de ressembler à un grognement. Elle s’apprêtait à nous installer quand le père fait son entrée. Prévenu de l’objet de notre visite, il s’empresse de partager avec nous les nouvelles de sa fille. « Depuis que nous avons quitté le tribunal pour le village, ma fille est toujours dans le même état. Pis, chaque jour qui passe en rajoute un peu plus au volume de sa tumeur “ déplore-t-il, avant de faire appel à Florence pour que nous la voyions de plus près. Contrairement à ce qui nous avait été donné de constater lors de notre dernière visite, cette fois-ci, le mal a évolué en prenant du volume. La patiente a même honte de mettre à nu toute la monstruosité qui se cache sous son voile. Tant mieux, la découverte était dure à supporter. Elle retourne à la cuisine, pour continuer son traitement à l’eau chaude. Nous demandons l’objet de ce traitement. « Ce n’est pas un traitement en tant que tel. Elle s’applique simplement un chiffon trempé dans de l’eau chaude. Elle le fait par habitude. Ma fille n’a reçu aucun soin jusqu’à ce jour, que ce soit du côté de la médecine moderne ou de la médecine traditionnelle », révèle le père.
Qu’est-ce qui peut bien expliquer cette négligence du père vis-à-vis de sa fille ? «Je ne la néglige pas».

Rejetée par la société

Compte tenu de ma situation sociale, je n’ai entrepris aucune démarche pour lui apporter des soins. A dire vrai, je n’ai aucun moyen financier et aucun soutien. Voir un médecin nécessite de l’argent et surtout pour un cas comme celui-là, il va falloir débourser gros. A moins qu’une âme charitable me vienne en aide. Voir ma fille dans cet état me fait de la peine », dit-il entre plusieurs soupirs, les larmes pratiquement aux yeux. « Je suis impuissant face à la situation de ma fille, aidez-moi » ajoute-t-il la tête basse. Visiblement, il a du mal à supporter notre regard. Nous l’encourageons en lui disant qu’il y a encore de l’espoir pour sa fille « La médecine est encore capable de faire quelque chose », tentons-nous de le rassurer. Un chirurgien du Chu de Cocody avait, en effet, conseillé à la famille de venir faire examiner la malade, en vue d’un traitement. « J’attends que cela se réalise. Je suis prêt à accueillir tous ceux qui voudraient m’aider. Y a-t-il un parent qui refuserait qu’on soigne son enfant ?, s’interroge-t-il. En attendant une éventuelle guérison, Florence vit en vase clos. « Au début, elle se rendait à la pompe pour chercher de l’eau, mais je lui ai dit de ne plus y aller à cause de son état », explique le père. Selon lui, sa fille est mal vue dans le village. A cause de son visage hideux, tout le monde la rejette. Ses camarades lui ont tourné le dos. Pas de visite à Florence. Elle n’est pas non plus la bienvenue chez ses amis lorsqu’elle décide de braver lazzis et médisances pour aller les saluer. La solution que Florence a trouvée, est de passer sa journée en compagnie de son jeune frère. Elle aurait été expulsée de l’église où elle partait prier les dimanches. « Certainement à cause de son physique », pense le père. Depuis lors, elle n’y a plus jamais remis les pieds. Le père nous apprend que des gens viennent d’ailleurs pour voir si effectivement Florence a un visage inhumain. “ C’est surtout pendant les funérailles. Ils disent avoir appris qu’une fille a été transformée en porc et qu’ils voulaient la voir “, raconte le géniteur de Florence.

Objet de curiosité

Cela lui fait davantage mal au cœur de constater que sa maison est devenue un site touristique, où des visiteurs accourent pour satisfaire leur curiosité. Il en est de même pour sa fille qui n’arrive plus à supporter le regard des autres sur elle. Elle ne peut plus supporter la marginalisation dont elle est victime. D’où l’appel du père.
Nous prenant à témoin, il déclare “ vous êtes venus ici plus d’une fois et vous savez que je manque de moyens pour soigner mon enfant. Je voudrais que vous portiez ma voix pour qu’on m’aide à sauver ma fille, voire plus. Je souffre au même titre qu’elle, voire plus. Sa guérison sera aussi la mienne “, termine-t-il, espérant que son appel aura un écho favorable.

Alain Kpapo à Gagnoa
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