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Politique Publié le vendredi 21 mai 2010 | Le Patriote

“Refondation : comme sous le pouvoir des “blakoros”

© Le Patriote Par Prisca
Politique/Front populaire ivoirien: Ouverture de la 20è édition de la Fête de la liberté, en présence du président du parti, M. Pascal Affi N`guessan
Jeudi 29 avril 2010. Abidjan, Yopougon. Célébration de la Fête de la Liberté sur le site du futur siège du Front populaire ivoirien (FPI)
Le verbe ne s’est pas transformé en actes. La magie de la parole n’a pas fonctionné. Depuis dix ans qu’ils sont au pouvoir en Côte d’Ivoire, Gbagbo et les siens, qui viennent de célébrer, non sans faste, la fête de la « liberté », justement bâillonnée et embastillée sous leur règne, apprennent à leurs dépens que l’exercice du pouvoir d’Etat n’est pas chose aisée. Que la gestion de la chose publique est aux antipodes des grands discours, des meetings et autres slogans creux et inopérants, juste inaugurés pour attendrir les masses. Entre les années d’opposition, à proclamer des idées généreuses et à donner dans la critique tous azimuts, et la gestion des biens de la République, la part de déperdition est grande, et le hiatus considérable. Entre les professions et prophéties d’antan et la réalité du moment, c’est le jour et la nuit, la lumière et l’ombre.

AINSI PARLAIT LAURENT GBAGBO….

En créant le Front Populaire Ivoirien dans les années 80 et en le dévoilant en 1990, à la faveur de la restauration du Multipartisme, les ambitions de Laurent Gbagbo et des pontes du parti dit socialiste étaient très claires. Il s’agissait d’arracher le pouvoir à Félix Houphouët Boigny et au PDCI taxé de parti de « godillots », d’adeptes de la prédation, de la concussion et des détournements des deniers publics. Afin de « refonder la Côte d’Ivoire » et de « gouverner autrement et mieux ». A l’écouter, Laurent Gbagbo, sans humilité aucune, se présentait comme l’homme de la situation. Pour ses partisans et inconditionnels chauffés à blanc, l’ancien opposant historique était semblable au « Messie ». Il était l’homme providentiel qui viendrait « sauver » le pays, pourtant sans danger réel. Convaincu du panégyrique de ses missi dominici, Gbagbo a produit d’abord des ouvrages, notamment « Pour une alternative démocratique en Côte d’Ivoire », « Agir pour les libertés » et « Propositions pour gouverner la Côte d’Ivoire ». A travers ses livres, théoriques bien sûr, le camarade socialiste était parvenu à se convaincre d’avoir un destin national. Dans ces bréviaires, Laurent Gbagbo, comme « un prophète des aurores », se vantait d’avoir libéré la parole, de nous avoir ôté « le bâillon qui nous empêchait de parler ». Face au régime PDCI, qu’il qualifiait de « dictature du silence », le chef des frontistes nous proposait, une fois au pouvoir, la démocratie, le règne de la liberté. Devant un régime qu’il accusait sans preuve de piller les ressources nationales, d’opérer « une gestion partiale, partisane et patrimoniale », Gbagbo se faisait le chantre de la bonne gouvernance, de la lutte contre la corruption, de la répartition équitable des bénéfices économiques. Face à Félix Houphouët Boigny qu’il accusait de « brandir l’épouvantail du tribalisme » pour justifier la dictature, le « seplou » de Mama se proposait d’ouvrir les vannes de la démocratie et de donner toutes ses chances à la République. Pour faire passer « cette voie » qu’il nous indique, celui qui va se définir comme le plus grand marcheur et beau parleur de la Côte d’Ivoire, va sillonner le pays du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, en passant par le Centre, pour « prêcher la bonne nouvelle du salut ». Aux paysans et agriculteurs, il fait miroiter un nouveau prix d’achat du café et du cacao à 3000 FCFA. Aux étudiants, il fait la promesse de construire dix universités, dont une par région. En somme, il demande de lui donner « le pouvoir pour qu’il nous le redonne ». Comme Merlin l’Enchanteur, cet espiègle de la magie, il envisageait des réformes au niveau de l’économie, du logement, de la santé, du bien être des populations. Arborant les habits d’homme du changement et de la rupture avec l’ordre ancien et ses pratiques, il s’affublait du titre de détenteur du « ministère de la parole ». A la limite, l’homme a tellement parlé et même déparlé que certains de nos compatriotes se surprenaient à souhaiter son arrivée au pouvoir pour mesurer la vanité de ses proclamations. Par la pire des façons, cela s’est produit en octobre 2000, où par des intrigues politico- politiciennes, il a réussi à faire écarter des candidats redoutables de la course à la Magistrature Suprême et à s’installer au pouvoir par un bain de sang, entretenu par un « soulèvement populaire».

UN BEOTIEN AU POUVOIR : LA CATASTROPHE

Le moment était donc venu pour Laurent Gbagbo de mettre en pratique tous ses discours, propositions et promesses à couper le souffle. Pour sûr, des gens attendaient beaucoup de cet homme qui se vantait de lutter pour la démocratie, la bonne gouvernance et le développement économique de la Côte d’Ivoire. Depuis dix ans qu’il se trouve à la tête du pays, Laurent Gbagbo a fini de montrer qu’entre le discours et la réalité, l’harmonie est loin d’être de mise. Il est bien loin le temps, où l’homme arc-bouté sur des certitudes et convenances, il envisageait de refaire le monde, de réinventer l’eau chaude et de transformer la Côte d’Ivoire en un eldorado. Le rêve annoncé a vite tourné au cauchemar. Le quiproquo était saisissant. En fait de mutations, il parlait de lui et de ses proches. Pendant une décennie de présence au sommet de l’Etat, Gbagbo et les socialistes d’un type dévastateur, ont défiguré et balafré la Côte d’Ivoire. A tous les niveaux de la vie sociale, ils ont conduit le pays à la banqueroute. La vague refondation, comme un navire sans gouvernail a entraîné la nation sur « des gouffres amers ». Depuis dix ans, le navire ivoire, ivre de tant de maux décriés par le passé, est en déconfiture. De prime abord, ceux qui sont pour la grande majorité des enseignants, ont tué l’école. Pour sûr, le système éducatif, qui devait former des cadres, ne produit que des voyous, des délinquants, qui ont transformé nos lycées et universités en des lieux d’expression de la violence politique, avec son lot de « jeunes patriotes » et de miliciens, instrumentalisés sur le terreau d’un patriotisme obtus et d’un nationalisme grégaire. La refondation a réussi le miracle de faire la promotion des contre-valeurs de la tricherie, de la médiocrité. Gbagbo l’a même dit devant la nation, éberluée : « on n’a pas besoin d’aller à l’école pour être riche ». Le message a été bien perçu par Blé Goudé et ses amis qui, sans diplôme et sans travail, sont parvenus à amasser des fortunes colossales. Au plan économique, la situation est loin d’être reluisante. Ceux qui nous proposaient une répartition des ressources nationales ont oublié leurs professions de foi. Depuis dix ans, rien n’a été renouvelé en Côte d’Ivoire. Même les travaux de Yamoussoukro que Laurent Gbagbo brandit comme une preuve de son appartenance à l’Houphouétisme, ne sont que les fruits d’une vaste escroquerie. En avance sur son temps, le premier président ivoirien avait déjà prévu ces réalisations, bien visibles sur la maquette de la ville qu’il avait confectionnée de son vivant. Ce n’est nullement un fait du hasard si Laurent Gbagbo s’est attaché les services de l’architecte Pierre Fakoury, qui a travaillé avec « le père fondateur de la Côte d’Ivoire moderne ». Pour tout exploit, Gbagbo et les siens n’ont de mérite que celui d’avoir mis l’économie nationale en coupe réglée. Ils ont désormais entre leurs mains, les mannettes de commande de la filière café-cacao, du pétrole, du gaz et s’en servent comme bon leur semble. Pendant près de dix ans, l’argent du pétrole que tout le monde sait important, n’a jamais figuré dans le budget national. Il est géré au profit du clan et de ses missi dominici. Ceux qui peinaient naguère à avoir un repas quotidien, que les Ivoiriens ont vus dans la misère, il ya dix ans, sont maintenant parmi les grosses fortunes africaines. L’enrichissement illicite, les détournements de deniers publics sont devenus les vecteurs communs à ceux qui se prévalaient du titre ronflant et prétentieux de « poches de moralité ». En dix ans, que de scandales financiers sous le règne de ces donneurs de leçons. Les scandales du café-cacao, de l’usine fictive de 100 milliards de Fulton aux Etats-Unis, des déchets toxiques, des faux dollars, du pétrole, des 100 milliards de Trafigura… Une situation intenable qui a valu le célèbre pamphlet d’un ponte du régime, Mamadou Koulibaly, « le blues de la République », où l’auteur fustige la course au gain facile des proches du pouvoir. A présent, la bipolarisation du pays est frappante. D’un côté, la minorité de rassasiés du FPI qui affiche des signes ostensibles de biens mal acquis et de l’autre, la grande majorité des Ivoiriens rendus affamés, faméliques et clochardisés par une politique désastreuse et cynique. Pendant que les populations subissent la vie chère, la hausse du carburant, le chômage accru, les frontistes déclarent que tout va bien et que le pays est bien géré. Il faut les comprendre. Gbagbo qui s’est taillé la part du lion avec un fonds de souveraineté de plus de 75 milliards par an et les socialistes ivoiriens sont en croisière dans un pays à la croisée des chemins. Enivrés par les délices et privilèges du pouvoir, vivant dans l’aisance, l’opulence et la jouissance sans frein, et « les deux pieds dans la rivière » de leur statut de « nouveaux riches », ils n’entendent pas les cris et douleurs du peuple, presqu’à l’article de la mort. Comme si le mal n’était pas suffisant, la refondation a sapé les bases de l’unité nationale, en nous envoyant une guerre qui, depuis huit ans, ne finit pas d’assécher la République.
A dire vrai, personne ne s’est mépris sur la tragédie que vit la Côte d’Ivoire depuis l’intrusion de la refondation dans notre quotidien. Comme ces « Blakoros », ces « incirconcis » et non initiés de la gestion de la chose publique, ils ne pouvaient que nous servir des « Blakoroteries », sortes de mauvaise gouvernance et de pillage systématique des biens publics. Comment espérer le miracle pour des gens qui n’ont jamais géré une quelconque structure ? Qui détruisent tout ce qu’ils touchent, qui gardent par devers eux, le beurre et l’argent du beurre. Ce qui arrive au pays n’a de commune mesure que la première expérience dans le transport vécu par Laurent Gbagbo et les siens pendant l’opposition. Pour montrer leur aptitude à bien gérer, ils avaient mis sur pied une société de transport, du nom de « Toyoué », reliant Gagnoa à Abidjan. Celle- ci n’a résisté que quelques mois, tant ses initiateurs ont vite fait de confondre capital et bénéfice. « Toyoué » est morte de sa belle mort. A l’échelle nationale, il est donc loisible d’imaginer le ravage que de telles personnes, qui n’ont jamais géré, peuvent causer aux biens publics.
Nimaga Bakary
(Journaliste)


“La désespérance d’une Refondation mauvaise”
J’étais en Californie, pour la cérémonie de « Graduation » de mon fils qui a obtenu le Master en Sciences de l'Informatique. Ce fut une grande et belle cérémonie, qui m'a révélé tout le respect que les Américains accordent au Savoir et à l'Education. C'était très émouvant ! C'était quelque chose d’assimilable aux cérémonies de sortie du « Bois sacré », que nos vieilles sociétés avaient su concevoir, pour célébrer l'Education des enfants et, par-delà, celle du citoyen qui allait, bientôt, se mettre au service de sa société.
Inutile, de dire que j'étais fier de mon fils. De le voir (un des rares Noirs de cette Université et, bien sûr, le seul Ivoirien), être congratulé par le président de l'Université, d'être félicité par ses camarades étudiants, et de poser, fièrement, devant le drapeau américain !...
Et je me suis alors demandé : « Quand créerons-nous ce type d'institutions, où les plus brillants de nos écoles et universités, iront poser, fièrement, devant le drapeau national ? » En tout cas, pas sous le régime ''intelligentivore'' des refondateurs, dont le seul souci est de s'enrichir en pillant, de manière éhontée, les richesses de notre pays, pour s'acheter des cylindrées et se construire des châteaux nègres. Comme c'est nul et triste !!!
Combien d'enfants brillants de notre pays, se retrouvent-ils, aujourd'hui, au bord des trottoirs, ne sachant quoi faire de leurs diplômes, ni à quelle porte frapper, pour avoir du travail ? A peine son diplôme obtenu, mon fils a, aujourd'hui, l'embarras du choix, face aux multiples propositions d'embauche qu'on lui fait. Et, tout comme lui, j'ai pensé aux milliers de gosses brillants de notre pays, qui n'ont pas eu ces opportunités qu'il a, lui. Et j'ai mesuré tout le poids des insuffisances de nos dirigeants — les actuels surtout. Laurent Gbagbo et son régime sont coupables du plus grand crime qu'un régime puisse perpétrer contre un peuple : tuer l'intelligence. Assassiner la jeunesse. Tuer la Culture du Travail. Ce noble concept de Travail qui est, pourtant, un des mots clé de la devise de notre beau pays d'hier !...
Quand j’ai évoqué la question de son retour au pays, mon fils m'a dit : « Désolé, papa, mais je ne peux plus retourner en Afrique. La Côte d'Ivoire n'a rien à me proposer ». Cela faisait un bon bout de temps qu’il me tenait de tels propos, dans ces emails. Mais je m’étais dit que c’est une question que j’allais régler, dès que je le retrouverai, là-bas, en Californie. Et je l’ai vu. Nous avons échangé sur la question, et j’ai compris qu’il était déterminé dans son choix. Mais j’ai surtout compris que ce n'est pas à lui, personnellement, que ce pays et ce régime n'ont rien à proposer. C'est à toute cette jeunesse ivoirienne sacrifiée sur l'autel des rêves débiles d'un petit monarque attardé qui s'appelle Gbagbo Laurent.
Ah, ce Gbagbo et son amour des clubs et motions de soutien, ses rires et larges sourires ‘‘bananias’’, ses déclarations tonitruantes et renversantes, ses milices, ses patriotes, ses éditions télé sur sa personne, ce culte ridicule, nègre et anachronique de la personnalité, ce... je ne sais même plus quoi. Comment un homme qui a fait des études jusqu'à un niveau universitaire, écrit des livres, proposé des idées qui nous ont fait rêver, et incarné tant d’espoirs, peut-il être si rétrograde, si ‘‘villageois’’, en matière de gestion d'un peuple, dès que parvenu au pouvoir ? Comme de nombreux étudiants ivoiriens de ma génération, j’étais convaincu que cet homme nous ferait avancer, et qu’il ferait mieux qu’Houphouët et le PDCI, ce régime de « ministres tocards » — c’est lui, Gbagbo, qui l’a dit, au cours des années 1990, sur les antennes de la télévision ivoirienne. Et j’étais d’accord avec lui, tant le PDCI nous paraissait incompétent, nul, en comparaison avec ce que Gbagbo nous promettait de faire, quand il serait parvenu au pouvoir. Il a eu, enfin, ce pouvoir tant convoité ! Et j’ai vu, nous avons, tous, vu, ce qu’il nous a servi et continue de nous servir : un règne médiocre, décevant, comique…

Houphouët : une voie

J'ai vu et visité la Cal state — l'Université où mon fils a fait ses études. Et j'ai pu évaluer et mesurer tout l'intérêt que le président Houphouët avait accordé à la chose éducationnelle, dans notre pays : oui, je te le dis, les Grandes Ecoles de Yamoussoukro n'ont rien à envier, du point de vue de l'infrastructure (conception architecturale, étendue de l'établissement, viabilité de l'espace — parkings, salles de jeux, terrains de sports, salles d'études, amphithéâtres, etc.), à ce que j'ai vu dans cette prestigieuse université de la Californie, ainsi que d'autres de cet Etat prospère des USA. Et mon respect pour l'œuvre accomplie par Houphouët et le PDCI, s'est décuplé.
Au cours d’une causerie, j'ai dit à des professeurs de cette université (dans un anglais obscur — je ne suis pas un disciple de Shakespeare), qui me vantaient la qualité infrastructurelle de leur établissement, qu'en Côte d'Ivoire, on en avait de pareilles ; et qu'elles avaient été construites par Félix Houphouët-Boigny, notre premier président. J’ai vu qu’ils étaient sceptiques ; et puis, apparemment, ils ne savaient pas qui était ce Houphouët-Boigny — ce qui avait donc renforcé leur scepticisme ; et je les comprends. Mais mon fils (qui a fait l’Institut Polytechnique de Yamoussoukro) est venu à mon secours, en confirmant (dans un anglais honnête) mes propos. Et là, ils m'ont paru moins sceptiques...
Plus que jamais donc, je reste convaincu qu’Houphouët, par son refus du misérabilisme et de l'ignorance, fut une réponse aux problèmes du Tiers-monde, précisément de l'Afrique. Oui, refuser la tourmente des discours et slogans ravageurs, former patiemment et sérieusement ses cadres, transformer qualitativement nos cerveaux pour nous amener à rivaliser avec ceux qui nous avaient vaincus, hier, par leur savoir, et parvenir à leur ‘‘voler’’ le secret de leur réussite afin de relever le défi du développement : voilà, en gros, l’exposé de la politique d’Houphouët et de son parti. C’était une grande vision, et une politique saine de construction d’un pays et d’une nation qui aspirent à l’élévation ! Et c’est ce que Félix Houphouët-Boigny, à l’instar de la majestueuse Grande Royale de Cheick Hamidou Kane (in L’aventure ambigüe), avait compris et entrepris de faire, pour nous. Pour l’Afrique.
Oui, aujourd’hui, plus qu’hier, il faut aller à leur école, cette Ecole de l’efficacité et du rendement, pour « apprendre à lier le bois au bois » afin de pouvoir « construire des édifices de bois », et « vaincre sans avoir raison — C. H. Kane ». Là se trouve notre salut. Les Asiatiques l’ont compris. Aujourd’hui, sur le terrain de l’inventivité technologique qui était leur fief, les Allemands, les Français et les Américains, courtisent l’Inde, la Chine et le Japon. Pendant ce temps, l’Afrique et ses Kagamé, ses Gbagbo, ses Biya, ses Wade…, prospèrent dans la culture du crime, du délire mystique, des louanges moyenâgeuses, du tam-tam, du népotisme infect, de la transe face à l’argent facilement acquis.
Quand je pense au sabotage de l'Ecole auquel se livrent les refondateurs (des enseignants), dans mon pays, je ne peux qu'être de plus en plus convaincu de la justesse de mon positionnement politique et idéologique actuel : le Néo-houphouétisme ; et, surtout, être révolté contre ce régime, qu'il nous faut continuer de combattre. Avec acharnement. Le combattre, Denis. Le combattre, avec tous les risques que cela suppose, car ils ont détruit le temple de l’Intelligence. Ce que le paysan Houphouët avait compris, il y a de cela plus d’un demi-siècle, les universitaires de la refondation n’ont pas réussi à comprendre, malgré l’épaisseur de leurs parchemins. Ils sont mauvais. Et pour cela, rien que pour cela, je ne cesserai de les combattre, afin de permettre à la Côte d’Ivoire de rêver à sa renaissance et de la réaliser, sous la gouvernance de cerveaux sains, d’âmes salubres et de mains expertes...
Cela fait plus d’une décennie que le célèbre Lycée scientifique de Yamoussoukro d’où sont sortis des cerveaux scientifiques comme Fofana Mouramane, est tombé en désuétude. J’avais espéré que notre régime d’enseignants avec, à sa tête, M. Gbagbo, réhabiliterait cet établissement, afin de donner un signal fort et lisible quant à notre intention de promouvoir l’esprit scientifique. Que neni ! En lieu et place d’une réhabilitation du Lycée scientifique, M. Gbagbo est allé construire un… vilain palais chinois de députés, à Yamoussoukro. Et il s’attèle à la construction d’un Sénat. C’est tout dire de l’intérêt que ce régime porte à l’avenir de la jeunesse et au progrès de la Côte d’Ivoire ! Comment peut-on croire et vouloir enseigner aux jeunes gens que, la seule chose qui importe dans une vie, (surtout si on est un fils de pauvre) c’est de faire de la politique, afin de devenir, un jour président ?
Cela fait plus d’une décennie que le diplôme du Bac est réduit à un misérable bout de papier (une attestation) que l’on tend à nos lycéens. On en connait la raison : il n’y a pas d’argent pour imprimer ces diplômes ! Il n’y a pas d’argent ; mais les parcs autos de nos ministres de l’Education, sont fournis plus que de raison, et ces ministres sont des gens prospères ! Les enseignants se cachent, et opèrent nuitamment, comme des larrons, pour afficher, sur des tableaux sales et suspects, les résultats des examens et concours ! Tout, dans nos pays, est régi par la symbolique de la nuit, et soumis à la sémantique de l’obscur et du bizarre. Pourquoi ne pas récompenser, au vu et au su de tout le monde, les meilleurs d’entre nous ? Pourquoi ne pas célébrer, officiellement, sans calcul politicien, les plus brillants d’entre nos élèves et étudiants ? Pourquoi ne pas dresser des stèles aux intelligences révélées et affirmées ? Le président de la République n’a pas à offrir un déjeuner télévisé aux élèves méritants. C’est le rôle des institutions scolaires et universitaires…

Rêver le progrès

Fofana Mouramane, dans son livre « Rêver le progrès » avait affirmé, après avoir visité la Silicone Valley, que nous étions capables d’en réaliser, en Côte d’Ivoire. Il était jeune, et il croyait encore au rêve d’une Afrique et d’une Côte ambitieuses. Il a déchanté depuis!
Dans la Côte d’Ivoire de Gbagbo, seule la politique paye. Les dribles, feintes machiavéliques et autres tacles stupéfiants du nouveau monarque à ses adversaires politiques, sont considérés comme une marques de génie ! Un talent inouï de politicien ! Et même le respectable Laurent-Dona Fologo, ne se gène pas pour proclamer, superbe de ridicule : « Gbagbo est un don de Dieu ! ». Ce n’est plus de la mystification politique ; c’est un délit conceptuel. Un affreux rapt éthique !...
« Désolé, papa, mais je ne peux plus retourner en Afrique. La Côte d'Ivoire n'a rien à me proposer ». Je n'ai rien pu répondre à mon fils. Quelle réponse, d’ailleurs, lui donner, Denis ? Tragédie d'un père ! Désolation d’un enseignant vexé…
« La Côte d'Ivoire n'a rien à me proposer ! » Cette phrase continue de me tourmenter, Denis. Hier, sous Houphouët, tous ceux de ma génération, qui faisaient des études à l'étranger, étaient pressés de rentrer au pays en quittant, qui, la France, qui, l'Allemagne, les USA, le Japon, la Belgique, etc., pour venir travailler en Côte d'Ivoire, et se mettre au service du pays. Aujourd'hui, nos enfants nous disent : « (...) je ne veux plus retourner en Côte d'Ivoire. Mon pays n'a rien à me proposer »...
Et ils sont, ainsi, des milliers de jeunes, qui rêvent de se retrouver de l'autre côté de la mer. Les plus désespérés d'entre eux s'embarquent sur les pirogues de la mort, pour tenter de séduire la chance ou... la mort. En Europe. Parce que l'Afrique et ses roitelets du genre Gbagbo, Wade, Paul Biya..., parce que la Côte d'Ivoire de Gbagbo et ses chefs guerriers, ses Com zones, ses Com théâtres, ses dozos, ses rebelles repentis, ses malfrats politiques avides de sang juvéniles pour asseoir des pouvoirs démoniaques et incompétents, n'ont rien à offrir à leurs jeunesses. Rien d’autre que l’amertume pour les idéalistes déçus, la menace d’un infarctus, des conteneurs d’alcool pour ‘‘idiotiser’’ les jeunes, la bible pour les paradis artificiels, et l’art de la reptation indigne, pour les caméléons politiques, uniquement soucieux de… faire bouillir leurs marmites grosses comme des chaudrons du diable !
En Côte d'Ivoire, précisément, rien d’autres que de l'argent facile, en récompense au militantisme politique : villas, gardes de corps, comptes en banques, véhicules, chauffeurs, etc., sont immédiatement assurés à de petits vauriens, incultes, tricheurs et assassins de bas étages ; tous, camouflés sous les manteaux de ‘‘Patriotes’’, de ‘’Rebelles’’, ou de ‘‘défenseurs de la légalité républicaine’’ ! Des mots, rien que des mots vilains, vides et suspects, pour maquiller la médiocrité et la soif de grandeurs malsaines qui ruinent leurs âmes...
J'ai rencontré, à San Francisco, une communauté d'Ivoiriens. Elle m'y avait invité pour un débat sur « La crise, la société ivoirienne, et le Néo-houphouétisme ». Elle a profité de cette occasion pour vous transmettre, à toi et tes collaborateurs de Le Nouveau Réveil, ses encouragements, pour le noble combat que vous menez. Ce débat s'est tenu sur l'initiative d'Adoubou Traoré, un condisciple du Lycée moderne de Korhogo. C'est un garçon brillant. Il fut le major de notre promotion...
Tous ceux qui étaient de cette rencontre, étaient des gens bien placés à San Francisco. Ils travaillent, tous, dans de grosses structures. Et ils se suffisent. Ce sont, tous, des cadres ivoiriens, brillants et sollicités aux USA, par de respectables boîtes américaines. Adoubou Traoré (alias Tom — pour les amis), est Directeur exécutif d'un Centre qui s'occupe des Immigrés et des Réfugiés politiques de tous pays. Il rencontre des personnalités importantes de la ville de San Francisco. Il m'a fait la proposition (une plaisanterie sans doute, entre amis de longue date) de m'inscrire sur la liste de ‘‘ses réfugiés’’ ! Je lui ai dit : « Merci, pour ta gentillesse. Mais je ne peux pas quitter la Côte d'Ivoire et abandonner, comme cela, le combat que nous y menons contre l'incurie du régime de Gbagbo »...

L’épineuse question
de la diaspora

Des cadres brillants, comme je te le dis, Denis. Mais, aucune intention de retourner au pays ne les habite. Et je t'avoue que j'ai partagé et même, encouragé leurs positions sur cette question : qu'est-ce que la Côte d'Ivoire d'aujourd'hui, la Côte d’Ivoire de Gbagbo et des prédateurs de nos richesses, cette Côte d'Ivoire des crimes, du culte du sang, de la médiocrité, de la saleté, de l'insécurité, de l'indiscipline, cette Côte d’Ivoire des charlatans déguisées en pasteurs, cette Côte d’Ivoire du vacarme et de la fainéantise, ce pays du vagabondage politique et de la déchéance éthique, a à offrir à des cadres compétents, aux formations achevées, instruits et éduqués à une haute culture du travail, de l'effort, du rendement, de la performance et de la compétitivité ? Encore rien. Rien d'autres que d'ennuyeux reportages ‘‘présidentiels’’ télévisés, des articles insipides de journaux animés par des griots au langage vacillant et malhabile. Rien d’autres que des grognements tympanisants appelés ‘‘zouglou’’, ‘‘coupé décalé’’, ‘‘danse de la grippe aviaire’’, ‘‘danse du cochon’’, ‘‘danse du cafard’’, ‘‘danse de...’’ N'importe quoi ! Inouï ! Bref : rien qu'une « Société absurde », comme en dit l'essayiste et ami, Ernest Kakou Tigori...
Au contraire de la diaspora asiatique, cette diaspora ivoirienne ne constitue pas, cependant, une force, à San Francisco. Elle ne pèse d’aucun poids sur les décisions des gouvernants, parce qu’elle est faible, économiquement. Ses membres sont, individuellement, des gens hors des besoins primaires, certes ; mais, il manque à toute l’organisation, ce qui fait la force de la diaspora asiatique : la solidarité agissante, autour d’un idéal : être forts, pour vaincre. J’ai visité Chinatown. Impressionnant ! A San Francisco, comme à Los Angeles, et à Paris, le constat reste le même. Triste, désolant : en moins de temps de présence en Occident que les Africains, les Asiatiques se sont bâtis de véritables puissances financières, un lobbying, une représentativité politique et symbolique. Aujourd’hui, à Paris, ce sont les Chinois qui détiennent le monopole de la vente des produits africains aux consommateurs ; ce sont eux qui maîtrisent le circuit d’écoulement de ces produits. Des produits africains. Où sont les Africains ? Où sont les Ivoiriens ? Quand aurons-nous nos ‘‘ African town’’ ou nos ‘‘Ivoire town’’, en Europe ?...
Ces cadres ne retourneront pas au pays ; du moins, pas dans les conditions actuelles. Du coup, se trouve posée, la tragique question de l’utilisation du matériel humain — le capital le plus fondamental dans le développement d’un peuple. Hier, sous le règne du patriarche que ma génération (elle est aujourd’hui au pouvoir) avait contesté, nous avions, tout de même, réussi, sinon à construire un grand pays, du moins, poser les bases de notre développement grâce à une programmation intelligente et visionnaire du capital humain. Oui, le « Miracle ivoirien » n’a été possible que parce que, de tous les pays de la sous région, la Côte d’Ivoire était le seul qui avait gardé sur place ses cadres, ses technocrates. Le matériel humain était bon, compétent et performant. Ceux que les gouvernants avaient envoyés au-delà les mers pour chercher le savoir, sont rentrés au pays pour y investir leurs savoirs.
Cela fut ainsi, parce que l’homme qui nous dirigeait, avait compris que le premier investissement à faire, pour développer un pays, c’est l’investissement cérébral, pour constituer un bon CAPITAL INTELLIGENCE. Le café et le cacao n’étaient, en fait, que des moyens ponctuels, pour régler des problèmes immédiats. On comprend donc pourquoi Félix Houphouët-Boigny avait tant investi dans la création de Centres de recherches scientifiques, dans le domaine de l’Agriculture. Les succès de notre pays dans la recherche sur le palmier à huile sont là, pour confirmer notre thèse. Et même si « Le succès de ce pays repose (ait) sur l’agriculture » — c’était un spot publicitaire célèbre de l’époque —, Houphouët avait compris que cette agriculture ne pouvait être performante que soutenue par la recherche scientifique. L’importation (malheureusement massive) de la main d’œuvre étrangère, a hypothéqué ou retardé les chances de mécanisation de notre agriculture. Mais l’intention et les bases de cette mécanisation étaient, au moins, là…
Aujourd’hui, il ne reste rien de tout cela que le bradage de notre richesse cacaoyère et caféière à des prédateurs du milieu agricole, et à des razzieurs appelés abusivement « rebelles », qui vendent ces richesses à des pays receleurs, qui n’en produisent pas. Et ce sont ceux-là, aujourd’hui, qui dirigent la Côte d’Ivoire, se baladent tranquillement à Abidjan, dans des cortèges de cylindrées et de blindés, acquis au prix de la sueur d’honnêtes travailleurs ! Sirènes d’enfer, cortèges noirs, vestes et cravates ! Je vous salue, roitelets nègres ! Je salue vos crimes nocturnes, vos médiocrités, vos ignorances bien rémunérées !…

Quelle solution ?

Que proposer à notre diaspora ? Notre culture de l’improductivité ? Notre amour anormal du désordre, du vacarme, de l’insalubrité ? Notre passion des transes mystiques ? Elle (cette diaspora) nous dit, ferme : « Non, je refuse ! » Qu’a-t-elle, en retour, à nous proposer ? Une culture du travail et du rendement. Un refus ferme de la facilité et des nègreries humiliantes qui caractérisent tant nos pays. Parce que la vision du monde qu’ils ont acquise et conservée dans les pays développés, les automatismes et bons réflexes sociaux qu’ils ont intériorisés, ne les autorisent plus à s’accommoder de nos absurdités, et à les accepter.
Aucun pays ne peut se permettre d’ignorer sa diaspora. Ce ne sont pas les Juifs de Tel Avive, qui construisent Israël ; ce sont les juifs de la diaspora. Parce qu’Israël et ses dirigeants leur donnent des raisons de procéder ainsi. Les élites africaines qui retournent aux sources, finissent, presque toutes, par se perdre dans de viles compromissions ou par sombrer dans le désespoir, face aux indigences de roitelets loufoques (nos pseudos chefs d’Etat aux budgets de souveraineté faramineux — pendant ce temps, leurs peuples sont pauvres) aux discours médiocres, stupéfiants d’insuffisance, et sans aucune intention futuriste…
L’Afrique est pauvre, nous chante-on. Et la Côte d’Ivoire, comme de nombreux pays africains, ne se prive pas de continuer sa politique rachitique de mendicité auprès de l’Europe, sans même songer, un seul instant, à chercher à poser, lucidement et intelligemment, la problématique de la Production et du Rendement. Et des fonctionnaires de ce pays sont riches ! Ils ont acquis, subitement, fortune et respectabilité, au bout de la pratique du dol impuni…
A l’occasion de l’arrivée du corps de mon ami Bernard Ahua (décédé en France), j’ai, à l’instar de tous ceux qui attendaient, comme moi, à l’aéroport, observé une scène révoltante : le directeur du Port autonome d’Abidjan venait d’arriver d’un voyage à l’étranger. Ses subalternes sont allés le chercher. Le cortège qui l’accompagnait comprenait douze cylindrées (j’ai bien compté) et d’autres véhicules remplis de gardes de corps en armes. Cet homme n’est pas un industriel, ni une personnalité de l’Etat. Il ne produit ni richesse matérielle, ni richesse cérébrale. En tout cas, il n’est pas une référence en matière d’intelligence théorique, en Côte d’Ivoire. De fortes présomptions ont pesé sur lui dans l’affaire des déchets toxiques. Et, comble de l’indécence, il continue de vivre comme un pacha, au détriment de la masse productive ! Et c’est cela, l’Afrique. C’est cela, la Côte d’Ivoire de Gbagbo...
L’Europe, qui a pourtant suffisamment produit, est toujours à la recherche de cerveaux, pour enrichir, davantage, son « capital intelligence ». Nicolas Sarkozy peut ainsi décréter « L’Immigration choisie ». Et les Africains hurlent à l’injustice. D’aucuns parlent même de racisme. Que non ! L’immigration choisie consiste, en réalité, à appâter les Intelligences productives des autres peuples, au bénéfice de la France. Et M. Sarkozy a raison. Et tant pis, si Wade n’a pu rien comprendre à cette décision sensée ! L’Afrique et la Côte d’Ivoire de Gbagbo, ne tirent aucune leçon de cette attitude de l’Europe.
Plus que jamais, nos pays ont besoin de leurs cerveaux. Mais ceux-ci se trouvent en Europe. Et cela, quels que soient leurs domaines de compétences : si la Côte d’Ivoire et l’Afrique ont révélé Laurent Pokou, c’est la France qui a permis à ce génie rare du football, de vivre un tant soit peu de son talent. On peut payer Henri Michel à plus de 30 millions de F par mois, quand, pour le même travail, on ne donnera jamais le dixième de ce salaire à Yéo Martial, ni à Pokou ou à Kallet. Didier Drogba n’est pas un produit de l’Afrique, moins encore de la Côte d’Ivoire ; c’est l’Europe qui l’a fait. Il serait resté en Côte d’Ivoire, qu’il croupirait aujourd’hui, quelque part, dans une ‘‘deux pièces’’ désolées, à Yopougon, avec de vilains cors aux pieds, et des boutons indignes et insolents sur les fesses !...
Hier, les Blancs, avec la complicité de monarques nègres en déficit d’humanisme, avaient contraint nos bras valides à traverser les mers, pour produire les richesses de l’Occident. Le sang et la force musculaire des Noirs ont constitué, indiscutablement, les fondations énergétiques de la richesse capitaliste. Aujourd’hui, c’est avec la même complicité de nos élites dirigeantes en déficit de vision et de projection historique, que notre capital humain traverse les mers, pour se rendre (contre le gré des Blancs, cette fois-ci) en Europe, afin de trouver des moyens d’épanouissement, et la possibilité de vivre le rêve élémentaire d’exister. Par-delà le temps, la tragique problématique reste la même : l’Afrique cède son capital humain à l’Occident. Qui construira donc ce continent ? Adolescents, trentenaires, quadragénaires et mêmes cinquantenaires compétents et brillants, tous, décident d’aller et de rester en Occident. Parce que l’Afrique des présidents rigolos et improductifs, l’Afrique des dirigeants affameurs et assassins de leurs peuples, n’a rien à leur offrir, malgré leurs expertises, leurs génies.
Oui, rentrer au pays, serait, pour nos élites de la diaspora actuelle, un suicide. Et la peur du chômage, la peur de vivre sans idéal, sans perspective, les habite. Et ils ont raison…
Je viens d'apprendre le cas tragique d'un des nôtres de la diaspora (je tais volontairement son nom) qui a ‘‘pété les plombs’’, récemment, après un séjour de... trois semaines, en Côte d'Ivoire : le vacarme, la saleté, la télé de Gbagbo, la politique, la fainéantise, l'anarchie, les rues barrées par les flics, l'inertie du peuple et des intellectuels, l’improductivité, etc., tout cela a fini par le rendre fou. Et nous finirons, sans doute, pour la plupart d'entre nous, fous, dans ce pays insolite, si nous n'y prenons garde, Denis. Ce pays est, désormais, un immense asile d'aliénés qui s'ignorent. Un pays de « gens anormalement normaux » — pour employer ces mots du célèbre psychanalyste C.G. Jung. Une société réellement absurde. Et je me demande bien, comment nous faisons pour y sur-vivre !!!
Non, il ne s’agit même plus d’une fuite des cerveaux, Denis. Il s’agit d’une échappatoire, d’une tentative tragique de fuir l’enfer que constituent nos pays que nous avons livrés aux mains de dirigeants nocifs et désespérants. Et, pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, la Refondation me paraît l’expression achevée de cette faillite des gouvernances nègres…
Comment tout cela finira-t-il, un jour ? J’ai peur de le dire. Un seul mot est sorti de ma plume : ce sera EFFROYABLE, le jour où nos populations, nos jeunesses surtout, fatiguées de ces règnes brouillons et décevants, las des mensonges et de tous ces actes de prévarication impunis, envahiront les rues, occuperont les pavés de nos villes et, la colère sous la langue, incendieront nos cités de clameurs rouges, sauvages et désespérées !
Il nous faut éviter cette solution désespérée, Denis. Il nous la faut conjurer. Et c’est pourquoi, nous devons continuer le combat de Venance Konan, le combat de Sylvestre Konin (qui s’est, enfin, réveillé) ; le combat de Jeannot Ahoussou Kouadio, le combat de notre cadette Christiane Djahuié, le combat du jeune Assalé, du député Alomo, le combat de Mme Faust Didi et de Guy-Charles Wayoro ; enfin, le combat de ces milliers d’Ivoiriens anonymes (ménagères, enseignants honnêtes, médecins, etc.), que ton journal incarne. Surtout, ne baissez pas les bras, malgré les menaces des criminels. Ne cédez pas à l’intimidation. Nous gagnerons ce combat. Parce qu’il est juste et bon

Tiburce Koffi
(Journaliste)
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