Des années 1960 à ce jour, Abidjan est passé du rang de capitale de la Côte d’Ivoire à celui de phare culturel de l’Afrique francophone. Galvanisés par l’énergie urbaine et le "miracle économique ivoirien", les musiciens ont inventé des musiques nouvelles, aussi fastes que l’époque qui les a vus naître. Mais, dans le sillage des indépendances, quelques artistes font émerger à Abidjan une musique urbaine, d’une capitale qui deviendra courant 1970, le carrefour musical de tout le continent.
La première génération : Les précurseurs
Amédée Pierre, cette figure clef de la musique ivoirienne se rebelle contre l’ancienne puissance et commence à composer en bété. Quand il chante, les gens restent-là, éveillés jusqu’au petit matin, selon lui. En une soirée, Amédée Pierre conquiert son public et balaye le souvenir des Congolais du Rico Jazz, venus jouer trois mois plus tôt à Abidjan. Il enregistre, les années suivantes, des centaines de disques, qui sont autant de succès populaires. En quelques années, Amédé Pierre devient le précurseur, qui ouvre la voie à une nouvelle génération d’artistes ivoiriens. D’autres orchestres, comme le Yapi-Jazz de Yapi René, l’Ivoiris Band d’Anouma Brou Felix, l’Ofi de Bouaké ou le Conseil de l’Entente fondé en 1962 par le guitariste Mamadou Doumbia que son séjour aux Îles Canaries a influencé suivent la même trajectoire. Ils cessent de chanter en français ou en espagnol pour composer des paroles en bété ou en dioula. Mamadou Doumbia, s’impose lui aussi comme une pierre angulaire de la musique ivoirienne moderne. En 1963, son premier enregistrement en dioula s’intitule : "Le destin est comme une ardoise sur laquelle on écrit et qu’on peut effacer". Le sien sera tout entier dédié à réhabiliter et revaloriser la musique ivoirienne… A la même période, les Sœurs Comoé, des jumelles, font rentrer les femmes dans l’ère de la musique urbaine. Leur incroyable saga ouvre la voie à d’autres chanteuses, beaucoup plus nombreuses dans le courant des années 1970, comme Aïcha Koné.
Deuxième génération : Les réformateurs
En 1968, James Brown se rend pour la première fois en Afrique : il vient donner un concert privé pour le président Félix Houphouët-Boigny. Ce passage laisse des traces tant musicales que vestimentaires dans tout le pays... Parallèlement, l’explosion des cours mondiaux du cacao favorise le faste, en politique, en urbanisme, en mode ou en musique : la Côte d’Ivoire voit les choses en grand. Abidjan devient le rendez-vous le plus funky de tous les musiciens d’Afrique. Le Malien Boncana Maïga, à l’étroit à Bamako, s’installe à Abidjan en 1974, tandis que le saxophoniste camerounais Manu Dibango est appelé pour diriger, en 1975, le nouvel orchestre de la Radio Télévision Ivoirienne. Il reste quatre ans en Côte d’Ivoire et arrange à l’occasion, les morceaux de la nouvelle génération de musiciens ivoiriens, fortement influencée par la première, comme François Lougah ou Ernesto Djédjé. Ernesto Djédjé a été le "petit" d’Amédée Pierre et le chef d’orchestre de son ‘’Ivoiro Star’’ de 1965 à 1968, avant d’inventer le révolutionnaire ziglibithy, un mélange de rythmes du terroir bété, de funk ou de soul … et de se brouiller définitivement avec son aîné. Le Ziglibithy et les déhanchés de son initiateur font mouche. Pour sa part, Bailly Spinto, "le chanteur à la voix aux mille et un octaves" est considéré par Amédée Pierre comme son "fils". En 1979, son langoureux ‘’Taxi Sougnon’’, s’écoulera à 30.000 à 40.000 exemplaires. François Lougah, Séry Simplice ou Jimmy Hyacynthe, l’arrangeur, gravent les plus beaux sillons de la musique ivoirienne de cette fin des années 1970. Au début des années 1980, Ernesto Djédjé décède à 35 ans, d’un mal mystérieux. Pourtant, alors que les cours du cacao chutent brutalement, en entraînant l’ensemble de l’économie ivoirienne dans le marasme, le miracle culturel continue. Alpha Blondy enregistre en 1982, ‘’Brigadier Sabari’’, un titre sur les violences policières qui fait le tour du monde et ouvre un nouveau chapitre, plus international, de la success-story des musiques ivoiriennes.
Troisième génération : Les DJ envahissent la cité
2002, début de la crise ivoiro-ivoirienne. Les ivoiriens, stressés, meurtries par les atrocités qu’ils ont connues pendant cette crise, ont accueilli la nouvelle génération d’artistes musiciens, les DJ, faiseurs de ‘’coupé-décalé’’. Feu Douk Saga et ses amis de la Jet-set font ainsi leur entrée en Côte d’Ivoire pour apporter une autre atmosphère dans le climat ivoirien. Du coup, tout à changé et jusqu’aujourd’hui, les rythmes et les concepts ne cessent de pleuvoir.
Adèle Kouadio
La première génération : Les précurseurs
Amédée Pierre, cette figure clef de la musique ivoirienne se rebelle contre l’ancienne puissance et commence à composer en bété. Quand il chante, les gens restent-là, éveillés jusqu’au petit matin, selon lui. En une soirée, Amédée Pierre conquiert son public et balaye le souvenir des Congolais du Rico Jazz, venus jouer trois mois plus tôt à Abidjan. Il enregistre, les années suivantes, des centaines de disques, qui sont autant de succès populaires. En quelques années, Amédé Pierre devient le précurseur, qui ouvre la voie à une nouvelle génération d’artistes ivoiriens. D’autres orchestres, comme le Yapi-Jazz de Yapi René, l’Ivoiris Band d’Anouma Brou Felix, l’Ofi de Bouaké ou le Conseil de l’Entente fondé en 1962 par le guitariste Mamadou Doumbia que son séjour aux Îles Canaries a influencé suivent la même trajectoire. Ils cessent de chanter en français ou en espagnol pour composer des paroles en bété ou en dioula. Mamadou Doumbia, s’impose lui aussi comme une pierre angulaire de la musique ivoirienne moderne. En 1963, son premier enregistrement en dioula s’intitule : "Le destin est comme une ardoise sur laquelle on écrit et qu’on peut effacer". Le sien sera tout entier dédié à réhabiliter et revaloriser la musique ivoirienne… A la même période, les Sœurs Comoé, des jumelles, font rentrer les femmes dans l’ère de la musique urbaine. Leur incroyable saga ouvre la voie à d’autres chanteuses, beaucoup plus nombreuses dans le courant des années 1970, comme Aïcha Koné.
Deuxième génération : Les réformateurs
En 1968, James Brown se rend pour la première fois en Afrique : il vient donner un concert privé pour le président Félix Houphouët-Boigny. Ce passage laisse des traces tant musicales que vestimentaires dans tout le pays... Parallèlement, l’explosion des cours mondiaux du cacao favorise le faste, en politique, en urbanisme, en mode ou en musique : la Côte d’Ivoire voit les choses en grand. Abidjan devient le rendez-vous le plus funky de tous les musiciens d’Afrique. Le Malien Boncana Maïga, à l’étroit à Bamako, s’installe à Abidjan en 1974, tandis que le saxophoniste camerounais Manu Dibango est appelé pour diriger, en 1975, le nouvel orchestre de la Radio Télévision Ivoirienne. Il reste quatre ans en Côte d’Ivoire et arrange à l’occasion, les morceaux de la nouvelle génération de musiciens ivoiriens, fortement influencée par la première, comme François Lougah ou Ernesto Djédjé. Ernesto Djédjé a été le "petit" d’Amédée Pierre et le chef d’orchestre de son ‘’Ivoiro Star’’ de 1965 à 1968, avant d’inventer le révolutionnaire ziglibithy, un mélange de rythmes du terroir bété, de funk ou de soul … et de se brouiller définitivement avec son aîné. Le Ziglibithy et les déhanchés de son initiateur font mouche. Pour sa part, Bailly Spinto, "le chanteur à la voix aux mille et un octaves" est considéré par Amédée Pierre comme son "fils". En 1979, son langoureux ‘’Taxi Sougnon’’, s’écoulera à 30.000 à 40.000 exemplaires. François Lougah, Séry Simplice ou Jimmy Hyacynthe, l’arrangeur, gravent les plus beaux sillons de la musique ivoirienne de cette fin des années 1970. Au début des années 1980, Ernesto Djédjé décède à 35 ans, d’un mal mystérieux. Pourtant, alors que les cours du cacao chutent brutalement, en entraînant l’ensemble de l’économie ivoirienne dans le marasme, le miracle culturel continue. Alpha Blondy enregistre en 1982, ‘’Brigadier Sabari’’, un titre sur les violences policières qui fait le tour du monde et ouvre un nouveau chapitre, plus international, de la success-story des musiques ivoiriennes.
Troisième génération : Les DJ envahissent la cité
2002, début de la crise ivoiro-ivoirienne. Les ivoiriens, stressés, meurtries par les atrocités qu’ils ont connues pendant cette crise, ont accueilli la nouvelle génération d’artistes musiciens, les DJ, faiseurs de ‘’coupé-décalé’’. Feu Douk Saga et ses amis de la Jet-set font ainsi leur entrée en Côte d’Ivoire pour apporter une autre atmosphère dans le climat ivoirien. Du coup, tout à changé et jusqu’aujourd’hui, les rythmes et les concepts ne cessent de pleuvoir.
Adèle Kouadio