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Art et Culture Publié le lundi 31 mai 2010 | Demain

Musique/Interview de Larry Cheick : "Je suis un incompris"

C’est à l’âge de 10 ans qu’il compose ses premières notes qui, à l’époque déjà, sont très appréciées par ses proches. Mais, c’est en 1983, lorsqu’il est découvert par l’animateur Roger Fulgence Kassy (RFK) que sa carrière débutera réellement. Par la suite, il rejoindra le ‘‘Solar System’’ d’Alpha Blondy qu’il quittera finalement pour former ‘‘Reggae Root’’ au sein duquel il affûtera son style. Mais l’artiste sera plus attiré par une carrière solo qu’il entame avec un premier album intitulé « Code pénal». C’est le début d’un ‘‘success story’’, qui ne sera cependant pas à la hauteur de son talent. Après quelques années de silence, il revient au-devant de la scène avec un ‘‘best of’’ et un maxi single. C’est Larry Cheick. A l’occasion de ce ‘‘come back’’, il a accepté de se confier à nous.

Depuis 2002, date de votre dernier album, vous avez disparu. Que s’est-il passé ?

Si les mélomanes ivoiriens ne me voient plus, c’est parce que je me suis engagé dans l’humanitaire. Je suis également le président de l’Aremci (Association des reggae makers de Côte d’Ivoire). Vous voyez donc que j’étais très occupé. Vous savez, je ne suis pas du genre à faire la queue dans les rédactions pour ne rien dire. C’est pourquoi on n’a pas trop entendu parler de moi ces dernières années.

Est-ce la mode chez les reggae-stars de faire de l’humanitaire ? Après Alpha blondy et Tiken Jah, c’est maintenant vous qui vous y lancez. Cela répond à quel besoin ?

Toutes nos actions sont complémentaires, et c’est tant mieux. Avec la mondialisation, c’est dangereux pour l’Afrique qu’il y ait encore des analphabètes sur le continent. Au début de la guerre, je m’étais rendu dans le nord du pays, et ce que j’y ai vu m’a vraiment marqué. C’est là que j’ai constaté qu’une grande partie de notre population ne savait ni lire, ni écrire. J’y ai rencontré une femme analphabète qui a perdu sa fillette, à cause de son ignorance. Cette dame avait un grand besoin de moustiquaire imprégnée, elle en voulait plusieurs ; mais chaque fois qu’elle partait en chercher avec sa fille, on donnait des gouttes à son enfant. Comme elle ne savait pas lire, elle ignorait que sa fillette risquait un surdosage, à force de recevoir les mêmes gouttes. Au final, l’enfant est décédé. Ce sont toutes ces histoires qui m’ont touché et qui m’ont incité à me lancer dans l’humanitaire. Et pour joindre l’acte à la parole, tous les bénéfices de mon ‘‘best of’’ seront reversés à la cellule d’alphabétisation du Ministère de l’Education nationale.

Après ce si long silence, pourquoi sortez-vous du même coup, ‘‘un best of’’ et un album ?

Le ‘‘best of’’ (Larry story), c’est pour mes fans. Il réunira mes meilleurs titres, remixés. Ensuite, il y a mon maxi single, mais aussi un album de 14 titres que je prépare et dont le squelette est déjà prêt.

Est-ce pour combler un manque d’inspiration que vous avez passé autant d’années (8 ans) sans sortir d’album ?

Non, la pensée à des ailes, et nul ne peut arrêter son envol. Je n’étais pas en manque d’inspiration comme vous semblez le croire. Ce n’est pas parce que je ne m’étale pas dans les médias pour dire que j’ai joué dans tel ou tel pays, que cela veut dire que j’ai été inactif. Bien au contraire, j’ai beaucoup tourné. Et avec la présidence de l’Aremci, j’ai été très occupé.

Les gens se plaisent à dire qu’Abidjan est la troisième capitale du reggae, après Kingston et Londres. Pensez-vous que cela est vrai, quand on voit qu’aucune manifestation, ni festival reggae n’est organisé ici, en dehors des commémorations de la mort de Bob Marley ?

C’est vrai que nous nous sommes endormis sur nos lauriers depuis quelques années. Mais avec le Remci, nous allons remédier à cela. Très bientôt, nous allons mettre sur pied un festival reggae qui se déroulera tous les deux ans, pour promouvoir notre musique, mais aussi pour aider la jeune génération.

Cette génération, selon vous, arrive-t-elle à tenir le flambeau ?

C’est vrai que nous avons mis la barre haut avec Alpha Blondy, Reggae Roots et bien d’autres. Mais je trouve que la jeune génération est très talentueuse. Tiken Jah n’est plus à présenter, et il porte haut le drapeau de la Côte d’Ivoire. J’aime bien Jim Kamson, Djakiss, Hamed Farras, Fadal Day et j’en passe.

Fadal Day déclarait récemment dans des journaux, que son album «Méa culpa» est censuré par la Rti. En tant que président des reggae makers ivoirien, que faites-vous dans ce cas ?

Je n’ai pas encore eu vent d’une quelconque censure de l’album de Fadal Day par la Rit. J’ai d’ailleurs écouté l’album, et je trouve qu’il est très bien fait. Mon avis est que la télévision ivoirienne n’a aucun intérêt à censurer l’album d’un artiste. Quelques titres seulement oui, car nous avons tous été victimes de cela ; mais pas tout un album. Tout de même !

On se rappelle que, dans votre chanson à succès «Férima», vous mimiez des scènes d’amour assez osées. N’avez-vous pas eu de problème avec les religieux, notamment les musulmans, surtout que vous en êtes un ?

Il faut que vous sachiez que mon père était un imam. Plutôt que de s’attarder sur la gestuelle, je pense qu’il faut s’intéresser davantage au message que je véhicule. De plus, en tant qu’artiste, je cherche à choquer ; et cela est tout à fait normal. Une chose aussi que les gens ignorent, c’est qu’avec cette chanson, j’ai contribué à diminuer le taux de mortalité en Côte d’Ivoire. Contrairement aux autres artistes qui ne font que dénoncer, moi je fais des propositions dans mes chansons. Dans «Férima» par exemple, je proposais aux femmes de se marier.

Le reggae est connu pour être une musique d’engagement. D’Alpha Blondy à Tiken Jah, de qui vous sentez vous le plus proche ?

Vous savez, chacun est libre de ses engagements. Moi, je ne m’attaque pas aux hommes politiques, surtout que je trouve que cela ne sert à rien. Comme je l’ai dit plus haut, je pense qu’il faudrait plutôt faire des propositions. C’est d’ailleurs ce que je fais dans ma chanson « Un procès pour l’Afrique». Dans cette chanson, je demande aux Africains d’intenter un procès en réparation de l’esclavage, de la colonisation au cours desquels nous avons subi les pires atrocités, plutôt que d’aller se gratter la tête devant les Blancs pour leurs demander de l’argent.

N’est-ce pas utopique comme action ?

Non, je ne le pense pas. Les Juifs sont bien payés par les Occidentaux, même si cela se fait en catimini. Alors, pourquoi pas nous ?

Êtes-vous sociétaire du burida ?

Oui. J’en suis même l’un des premiers, car le Burida est notre maison ; et nous les artistes, devons tous y adhérer.

Le Burida est ébranlée par un scandale financier dans lequel serait impliqué votre Pca Gadji Céli. Que se passe-t-il encore là-bas?

Ce que la population ne sait pas, c’est que l’ancien Pca Obou Armand, qui est d’ailleurs en fuite, doit près de trois milliards de francs cfa au Burida. Le président Gadji est assis sur une braise de feu et malgré cela, il essaie, n’en déplaise à certaines personnes, de redresser la maison. Grâce à lui, des artistes qui n’avaient pas perçu de droits d’auteur depuis sept ou huit années ont eu au moins un perdiem. Toujours grâce à ce monsieur, nous bénéficions aujourd’hui de la parafiscalité, de l’assurance maladie. Nous avons aussi en projet la construction de maisons pour les artistes ivoiriens. Lui au moins, il travaille, il pose des actions concrètes, contrairement aux anciens dirigeants du Burida. Avant, il y avait à la tête de notre maison un club d’amis qui faisait un peu ce qu’ils voulaient au point de s’auto payer. Mais avec notre nouveau Pca, c’est différent, et il faut le reconnaître.
Il y a une chose que les détracteurs de Gadji Céli doivent savoir, c’est que nous sommes partis à l’école et, on ne peut pas mettre une analphabète à la tête du Burida. Il faut que nous nous respections. Certains artistes à la solde de je ne sais qui, ont raconté dans certains journaux que Gadji Céli aurait détourné trois millions. S’ils ont les preuves de ce qu’ils avancent, qu’ils viennent nous les montrer. S’il a vraiment détourné de l’argent, il aura forcément laissé des traces. Nous attendons qu’ils nous le prouvent.

Quels sont vos rapports avec les femmes?

J’aime les femmes, mais il faut savoir que je suis un éternel incompris. J’ai souvent eu des rapports difficiles avec les femmes. Certaines m’ont fait d’énormes scandales dans la rue, d’autres m’ont carrément bousillée des millions de francs cfa de cachets, et tout cela pour des malentendus. Les femmes que j’ai côtoyées n’ont pas souvent été à la hauteur de mes attentes. Je suis un artiste, et elles se disent que chaque fois que je m’attarde dehors, c’est pour leur faire des infidélités. Mais un artiste ne peut pas rester à la maison ; sinon, comment gagnera-t-il sa vie ? Donc je cherche toujours celle qui me comprendra et qui m’acceptera tel que je suis.
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