Installé aujourd’hui dans un bureau annexe du Palais présidentiel, en tant que conseiller spécial du Président de la République, chargé des réformes en matière de communication, Georges Wenceslas Simbi Aboké n’a pas l’habitude de se répandre dans la presse. Dans cette interview exclusive, l’ex-Dg de la Rti (Radiodiffusion Télévision Ivoirienne) crache ses vérités sur des questions qui taraudent l’esprit des Ivoiriennes et des Ivoiriens.
Comment se porte Georges Aboké ?
Je me porte très bien. Ça se voit non ? (Rire).
Pouvez-vous nous parler de votre nouvelle vie à la Présidence de la République ?
Je suis conseiller spécial du Président de la République, chargé des réformes en matière de communication. Mon rôle est d’informer le Président de la République sur les réformes en communication. Parce qu’aujourd’hui, ce secteur d’activités est en chantier, un vaste chantier. On voit que la population a de nombreuses attentes. Au niveau de l’audiovisuel où l’on attend la restructuration de la Rti (Radiodiffusion Télévision Ivoirienne) de l’ouverture du paysage audiovisuel ou en matière de presse écrite, où l’on s’attend à une amélioration des conditions de vie et de travail des journalistes, mais aussi de la qualité des productions de ceux-ci.
Comment concevez-vous la libéralisation de l’espace audiovisuel ?
Depuis des années, la Côte d’Ivoire est arrivée à un point où la demande en matière de programmes audiovisuels est devenue forte et dépasse l’offre de la Rti. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, les Ivoiriens attendent beaucoup plus en matière de programmes de radio et de télévision. Il y a une réelle pression. Il faut pouvoir donner satisfaction à cette attente-des populations ivoiriennes. La Côte d’Ivoire a atteint un niveau de développement et ses populations se sont accrues. Aujourd’hui, il faut s’attendre à l’ouverture du paysage audiovisuel. Des gens pensent qu’il y a un blocage. Il n’y a pas de blocage. N’oublions pas que nous sommes dans un pays en crise. Un pays qui met tous ses moyens dans la résolution de la crise et donc, qui reporte tout ce qui est développement à l’après crise. Forcément, l’ouverture de l’espace audiovisuel va se faire après la crise, parce qu’avant de le faire, il y a un gros travail d’investissement que l’Etat de Côte d’Ivoire doit réaliser. C’est-à-dire qu’on doit passer de l’analogique au système numérique, ce qui permettra une pléthore de possibilités du point de vue fréquences.
Ne faut-il pas craindre un chevauchement des chaînes une fois l’espace audiovisuel ouvert ?
En fait, l’ouverture de l’audiovisuel consacrera la diversité, mais aussi une grande concurrence. Forcément, certaines chaînes feront la même chose et se chevaucheront. Alors le public seul décidera. Plus l’offre des programmes est diversifiée, plus les téléspectateurs et les auditeurs peuvent s’attendre à être satisfaits. Par ailleurs, l’on évoluera sur un échiquier comprenant des chaînes généralistes et progressivement des chaînes dites spécialisées ou thématiques. Voilà, comment se présente l’offre diversifiée de programmes si l’espace audiovisuel est ouvert.
Vous avez été locataire de la Maison bleue de Cocody. Peut-on savoir les innovations que vous avez apportées à la Rti ?
Quand j’ai été nommé à la tête de la Rti, ma préoccupation principale a été la restructuration. Le reste était accessoire. On ne peut pas fermer la Rti, régler les problèmes et ensuite l’ouvrir. La Radiodiffusion télévision ivoirienne avait tous les signes au rouge : personnel pléthorique et pas toujours qualifié, équipements techniques insuffisants et obsolètes, finances en déça des besoins, et textes inadaptés; toutes les dispositions qui fondent la Rti étaient caduques. La Rti est une société qui doit normalement mettre la clé sous le paillasson. D’où l’impossibilité pour la Rti de produire pour ses téléspectateurs et auditeurs des émissions intéressantes. Mais, comme c’est l’unique service public de radio et de télévision dans le pays, il fallait continuer de fonctionner. On a réussi en partie. D’abord, il fallait que l’Etat décide de mettre la Rti en restructuration, ce qui a été fait. Ensuite, les travaux de cette restructuration ont été réalisés. Au moment où je partais, il existait un pré-rapport, il suffisait de le compléter et de le faire adapter. Même aujourd’hui, les données de la Rti n’ont pas changé. Elles sont toujours au rouge. Cette restructuration est nécessaire et même incontournable. Si on veut que le service public de radio et de télévision s’améliore, il faut obligatoirement opérer cette restructuration. A côté de cela, on a eu à remettre les programmes sur pied et à faire un assainissement au niveau des finances. Par exemple, la Rti était très endettée vis-à-vis de la Cie (Compagnie ivoirienne d’électricité). Il y avait un plan d’apurement qu’on a dû suivre jusqu’au bout. En 2003, quand je partais, la Rti ne devait plus rien à la Cie. Autres exemples de taille, le transfert du Plateau à Cocody de la direction Générale, de la Direction financière, de la Drh et de Rti Publicité, ce qui permet de ne plus s’endetter et même de réaliser d’énormes économies.
On se souvient que sous votre règne, le Premier ministre Guillaume Soro, alors ministre d’Etat, ministre de la Communication, a été séquestré dans les locaux de Rti. Que s’est-il passé ce jour-là ?
(Sourire). Tout le monde a vu ce qui s’est passé ce jour-là. Nous étions en 2003, la guerre venait d’éclater. Tout était encore très frais dans les esprits. Tout ce qui devait arriver, arriva. Des gens ont pensé que c’était moi qui avais … Enfin, je pense que ceux qui l’ont pensé, sont volontairement de mauvaise foi. Parce que le cortège qui amenait Soro Guillaume est passé devant des manifestants surexcités. Donc, ils -les manifestants- n’ont fait que suivre le cortège. Il s’en est suivi une séquestration. Et ce qui devait arriver, n’est même pas arrivé. Nous nous sommes battus pour que le ministre de la communication Soro Guillaume soit sauvé. Il s’en est sorti. Ça m’a coûté ma place. Mais qu’est-ce que vous voulez ? C’était la période ! C’était une période très trouble. J’ai été suspendu de mes fonctions. Mais, j’ai réagi aussitôt !
Vous avez porté plainte pour ‘’abus de pouvoir’’...
J’ai porté plainte à la Chambre administrative de la Cour Suprême, qui a trouvé fondés mes arguments pour ‘’Abus de pouvoir’’, et donc elle m’a donné raison. J’ai gagné mon procès. C’est pourquoi j’ai réintégré mon poste après deux (2) mois de suspension. Il ne revenait pas au ministre de la communication de limoger ou même de suspendre le Dg de la Rti. Il eut fallu s’en remettre au Conseil d’administration. Des années plus tard, Soro Guillaume et moi, nous nous sommes expliqués et compris.
Le Fpi avait jugé que cette suspension s’inscrivait « dans une chasse aux sorcières » initiée par le Premier ministre Seydou Elimane Diarra. Qu’en pensez-vous ?
D’après les informations que j’ai en ma possession, c’est le Premier ministre Seydou Elimane Diarra qui a exigé mon départ. Moi, je n’en pense rien du tout. Je suis parti. Lui aussi est parti un autre jour. (Rires). Personne n’est inamovible. C’est la leçon que je donne à Monsieur Seydou Elimane Diarra. (Rires). Celui qui fait partir les gens de force, doit savoir qu’il peut partir aussi par la force des choses. C’était une injustice ! Tout ça fait partie de la vie et de l’expérience que j’ai aujourd’hui. Dans la vie, il faut refuser de subir des injustices. Mon problème n’était pas de ne pas partir de la Direction générale de la Rti, mais, c’est la façon qui n’était pas normale. Un jour, je vous expliquerai les petites motivations de Seydou Diarra.
Dans quel parti militez-vous ?
Pourquoi vous voulez le savoir ? (Rires). Est-ce que vous m’avez montré votre carte ? Je pense que ce n’est pas important. Moi, je suis un homme de gauche. Je suis un pro Gbagbo.
Pourquoi le Président Laurent Gbagbo ?
Le Président Gbagbo incarne de grandes valeurs. N’oubliez pas qu’il a fait venir la démocratie en Côte d’Ivoire, le pluralisme. C’est lui qui se bat contre vents et marrées… Il y a certaines choses qui paraissent normales aujourd’hui, mais il a fallu se battre pour les avoir, il a ouvert des portes. Dernièrement, il y a eu le 20è anniversaire de la fête de la liberté. Si vous regardez la presse ivoirienne aujourd’hui, nous sommes dans une presse libre. Elle dit ce qu’elle veut, et même des fois dit des choses très graves. Le Président Gbagbo a défendu et continue de défendre des valeurs qui sont importantes pour nous.
Que fait le conseiller Aboké lorsque les manchettes des journaux sont assez provocatrices ?
Nous conseillons que les pratiques de la presse changent. La plupart des organes de presse sont adossés à des partis politiques. Ce qui serait bon, c’est de créer une ouverture en donnant la parole à tout le monde, même aux adversaires politiques. L’autre constat qu’on peut faire, c’est que notre presse est libre mais pas indépendante. Je pense qu’il est temps que des hommes d’affaires, se rendent compte que le domaine de la presse, est un domaine dans lequel on peut gagner de l’argent en créant des journaux ou des entreprises de presse. Ces journaux seraient indépendants et cela pourrait faire avancer en matière de qualité. Parce que celui qui voudra gagner de l’argent en vendant des journaux, ne fera pas n’importe quoi comme on le voit en ce moment. Actuellement, les journaux s’engagent dans des combats. Même quand on sait qu’ils sont de mauvaise foi, on engage quand même le combat et on dit alors des contre vérités. Le tout actuellement, c’est de pouvoir faire le plus de mal possible à l’adversaire. Troisième point. Pourquoi les journaux d’une même obédience idéologique ne se regrouperaient pas, vu que le marché des lecteurs est étriqué.
Vous disiez ceci récemment : « Il ne faut pas seulement faire la promotion de la musique mais il faut penser aux autres arts. Je ne comprends pas pourquoi les gens laissent faire la Rti ». Que vouliez-vous dire exactement ?
Absolument ! La musique, tout comme les autres arts du spectacle, a des problèmes. Pourquoi décide-t-on de régler spécialement, au niveau de la Rti, les problèmes de la musique et de mettre en veilleuse ceux des autres arts ? Qu’est ce qui milite en faveur de la création d’une chaîne musicale ? Alors que la chose la plus logique, aurait été d’ouvrir une chaîne culturelle plutôt que de dire Rti-music, on devrait dire Rti-culture. Tous les autres arts sont en difficulté et ont besoin d’être valorisés ou revalorisés. Nous avons par exemple besoin de réveiller le théâtre, le cinéma, la peinture, les sculpteurs etc. Et d’ailleurs, après plusieurs d’années d’existence de Rti music, qu’on nous dise quel est le résultat ? Le résultat c’est zéro ! Alors on gagnerait à faire la promotion de tous les arts. Et si plus tard, on a la possibilité de créer davantage de chaînes, alors on passerait encore plus au niveau de la spécialisation. En matière de télévision, on part du général au particulier. Pour le moment, Rti-music est prématuré. Et c’est comme chez les médecins : il faut d’abord trouver des généralistes, avant d’atteindre des ophtalmologues, des pédiatres, toute sorte de spécialités. Quand on aura avancé, quand on aura vu qu’il y a une nécessité de créer une chaîne spécifiquement musicale, alors on le ferait. Et on le ferait autrement pas comme ils le font. Parce que je ne sais quelle bonne musique on promeut. Regardez aujourd’hui, le Burida s’est recentré. A l’époque, on ne parlait que de musique. Maintenant, les choses se sont recadrées. Gadji Céli vient du domaine de la musique certes, mais au Burida, vous avez tout le monde dans cette maison : les plasticiens, les écrivains, les comédiens, etc. Et je pense que tout ce monde devrait faire pression sur la Rti, pour lui demander de recadrer les choses. Il n’y a pas à rougir. Je pense qu’on peut passer de Rti-music-sport à Rti-culture-sport.
Il se raconte qu’il existe des clans à la RTI. D’un côté, les journalistes qui soutiennent le parti au pouvoir, et de l’autre ceux de l’opposition. Que répondez-vous ?
Moi, je ne pouvais pas ouvrir la tête de chacun pour savoir de quel parti il est. Les journalistes sont des hommes comme tout le monde et forcément ils ont des sensibilités à tous les niveaux. A savoir sensibilités artistique, politique, etc. je ne crois pas que cela fasse l’objet spécifiquement de clans et de problèmes particuliers.
Certains partis politiques parlent du zèle de Monsieur Brou Amessan Pierre, Dg actuel de la Rti, et lui reprochent de montrer son attachement au parti au pouvoir ? Est-ce aussi votre avis ?
Je ne crois pas avoir vu Brou Amessan animer des débats politiques. Ce que vous dites, c’est ce que vous ressentez et que vous pensez être vrai ? (Rires). Il n’est pas interdit à la Rti de sortir des archives et de les diffuser des fois. Parce que cela correspond à l’actualité par exemple. La seule réponse que je voudrais vous donner, c’est qu’aujourd’hui, il y a des organes de régulation dont le Cnp (Conseil national de la presse) pour la presse écrite, et le Cnca (Conseil national de la communication audiovisuelle) pour l’audiovisuel. Ces organes sont chargés de faire la police. Lorsque quelqu’un dérape, on le ramène sur les rails. Si le Cnca n’a pas sorti son bâton, c’est qu’il n’y a pas dérapage. Il faut qu’on apprenne à respecter les institutions que nous nous sommes données. Je vois dans la presse les nombreuses réactions du Cnp quand il y a problème.
Quel est votre regard sur l’émission ‘’Tempo’’ surtout sur son caractère itinérant ?
(Rires). Je ne gère pas la Rti. Je n’ai pas d’avis à donner. Le staff de ‘’Tempo’’ fonctionne selon sa sensibilité, ses moyens, etc. Donc mon avis ne compte pas. Tout ce que je peux dire c’est que ‘’Tempo’’ se comporte toujours comme une des émissions phares de la Rti. C’est tant mieux ! Donc quelque part pour moi il y a un brin de fierté, mais c’est tout ! Je pense que si cette émission arrive à faire la joie des artistes et des mélomanes, c’est tant mieux !
Si on vous demandait de retourner à la Rti. Que diriez-vous ?
Revenir à la Rti pour y occuper quel poste ? Pourquoi vous voulez absolument qu’on me demande de retourner à la Rti ? Non ! Non ! Je n’ai pas été le premier ni le dernier Dg de la Rti, donc voilà c’est tout ce que je peux répondre. Chacun fait ce qu’il peut et passe. Quand vous êtes nommé quelque part, vous devez vous dire qu’un matin vous partirez. Je n’ai aucun regret ! (Rires). Moi, je pense qu’il n’y a pas d’homme indispensable. Ce que je souhaite, c’est qu’il y ait une continuité dans les différentes successions. Parce que j’ai mal au cœur de savoir que dans la restructuration de la Rti, on était arrivé à un pré-rapport qui a coûté de l’argent et qu’on ait oublié cela comme ça ! Les cassures dans le fonctionnement d’un service ne sont pas bonnes. Même si chacun imprime sa marque, il y a quand même un minimum de continuité à préserver, d’un dirigeant à un autre.
Il se raconte également que pendant les moments chauds de l’actualité, de votre siège à la Présidence, c’est vous qui dirigez la Rti ?
Je crois que c’est une injure aux autorités actuelles de la Rti. Ils sont assez responsables et donc, qu’ils prennent leurs responsabilités ! Non pas du tout ! C’est complètement faux. Pensez-vous que je peux téléguider quelqu’un ? Mais vous me donnez beaucoup trop de puissance ! Il faut respecter les dirigeants de la Rti, qui se battent au quotidien parce que la Rti est une entreprise en difficulté. Faire tourner une société comme celle là, ce n’est pas évident ! Moi, j’émets des avis. Je les émets spécialement pour mon patron, le Président de la République.
Réalisée par Krou Patrick
Comment se porte Georges Aboké ?
Je me porte très bien. Ça se voit non ? (Rire).
Pouvez-vous nous parler de votre nouvelle vie à la Présidence de la République ?
Je suis conseiller spécial du Président de la République, chargé des réformes en matière de communication. Mon rôle est d’informer le Président de la République sur les réformes en communication. Parce qu’aujourd’hui, ce secteur d’activités est en chantier, un vaste chantier. On voit que la population a de nombreuses attentes. Au niveau de l’audiovisuel où l’on attend la restructuration de la Rti (Radiodiffusion Télévision Ivoirienne) de l’ouverture du paysage audiovisuel ou en matière de presse écrite, où l’on s’attend à une amélioration des conditions de vie et de travail des journalistes, mais aussi de la qualité des productions de ceux-ci.
Comment concevez-vous la libéralisation de l’espace audiovisuel ?
Depuis des années, la Côte d’Ivoire est arrivée à un point où la demande en matière de programmes audiovisuels est devenue forte et dépasse l’offre de la Rti. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, les Ivoiriens attendent beaucoup plus en matière de programmes de radio et de télévision. Il y a une réelle pression. Il faut pouvoir donner satisfaction à cette attente-des populations ivoiriennes. La Côte d’Ivoire a atteint un niveau de développement et ses populations se sont accrues. Aujourd’hui, il faut s’attendre à l’ouverture du paysage audiovisuel. Des gens pensent qu’il y a un blocage. Il n’y a pas de blocage. N’oublions pas que nous sommes dans un pays en crise. Un pays qui met tous ses moyens dans la résolution de la crise et donc, qui reporte tout ce qui est développement à l’après crise. Forcément, l’ouverture de l’espace audiovisuel va se faire après la crise, parce qu’avant de le faire, il y a un gros travail d’investissement que l’Etat de Côte d’Ivoire doit réaliser. C’est-à-dire qu’on doit passer de l’analogique au système numérique, ce qui permettra une pléthore de possibilités du point de vue fréquences.
Ne faut-il pas craindre un chevauchement des chaînes une fois l’espace audiovisuel ouvert ?
En fait, l’ouverture de l’audiovisuel consacrera la diversité, mais aussi une grande concurrence. Forcément, certaines chaînes feront la même chose et se chevaucheront. Alors le public seul décidera. Plus l’offre des programmes est diversifiée, plus les téléspectateurs et les auditeurs peuvent s’attendre à être satisfaits. Par ailleurs, l’on évoluera sur un échiquier comprenant des chaînes généralistes et progressivement des chaînes dites spécialisées ou thématiques. Voilà, comment se présente l’offre diversifiée de programmes si l’espace audiovisuel est ouvert.
Vous avez été locataire de la Maison bleue de Cocody. Peut-on savoir les innovations que vous avez apportées à la Rti ?
Quand j’ai été nommé à la tête de la Rti, ma préoccupation principale a été la restructuration. Le reste était accessoire. On ne peut pas fermer la Rti, régler les problèmes et ensuite l’ouvrir. La Radiodiffusion télévision ivoirienne avait tous les signes au rouge : personnel pléthorique et pas toujours qualifié, équipements techniques insuffisants et obsolètes, finances en déça des besoins, et textes inadaptés; toutes les dispositions qui fondent la Rti étaient caduques. La Rti est une société qui doit normalement mettre la clé sous le paillasson. D’où l’impossibilité pour la Rti de produire pour ses téléspectateurs et auditeurs des émissions intéressantes. Mais, comme c’est l’unique service public de radio et de télévision dans le pays, il fallait continuer de fonctionner. On a réussi en partie. D’abord, il fallait que l’Etat décide de mettre la Rti en restructuration, ce qui a été fait. Ensuite, les travaux de cette restructuration ont été réalisés. Au moment où je partais, il existait un pré-rapport, il suffisait de le compléter et de le faire adapter. Même aujourd’hui, les données de la Rti n’ont pas changé. Elles sont toujours au rouge. Cette restructuration est nécessaire et même incontournable. Si on veut que le service public de radio et de télévision s’améliore, il faut obligatoirement opérer cette restructuration. A côté de cela, on a eu à remettre les programmes sur pied et à faire un assainissement au niveau des finances. Par exemple, la Rti était très endettée vis-à-vis de la Cie (Compagnie ivoirienne d’électricité). Il y avait un plan d’apurement qu’on a dû suivre jusqu’au bout. En 2003, quand je partais, la Rti ne devait plus rien à la Cie. Autres exemples de taille, le transfert du Plateau à Cocody de la direction Générale, de la Direction financière, de la Drh et de Rti Publicité, ce qui permet de ne plus s’endetter et même de réaliser d’énormes économies.
On se souvient que sous votre règne, le Premier ministre Guillaume Soro, alors ministre d’Etat, ministre de la Communication, a été séquestré dans les locaux de Rti. Que s’est-il passé ce jour-là ?
(Sourire). Tout le monde a vu ce qui s’est passé ce jour-là. Nous étions en 2003, la guerre venait d’éclater. Tout était encore très frais dans les esprits. Tout ce qui devait arriver, arriva. Des gens ont pensé que c’était moi qui avais … Enfin, je pense que ceux qui l’ont pensé, sont volontairement de mauvaise foi. Parce que le cortège qui amenait Soro Guillaume est passé devant des manifestants surexcités. Donc, ils -les manifestants- n’ont fait que suivre le cortège. Il s’en est suivi une séquestration. Et ce qui devait arriver, n’est même pas arrivé. Nous nous sommes battus pour que le ministre de la communication Soro Guillaume soit sauvé. Il s’en est sorti. Ça m’a coûté ma place. Mais qu’est-ce que vous voulez ? C’était la période ! C’était une période très trouble. J’ai été suspendu de mes fonctions. Mais, j’ai réagi aussitôt !
Vous avez porté plainte pour ‘’abus de pouvoir’’...
J’ai porté plainte à la Chambre administrative de la Cour Suprême, qui a trouvé fondés mes arguments pour ‘’Abus de pouvoir’’, et donc elle m’a donné raison. J’ai gagné mon procès. C’est pourquoi j’ai réintégré mon poste après deux (2) mois de suspension. Il ne revenait pas au ministre de la communication de limoger ou même de suspendre le Dg de la Rti. Il eut fallu s’en remettre au Conseil d’administration. Des années plus tard, Soro Guillaume et moi, nous nous sommes expliqués et compris.
Le Fpi avait jugé que cette suspension s’inscrivait « dans une chasse aux sorcières » initiée par le Premier ministre Seydou Elimane Diarra. Qu’en pensez-vous ?
D’après les informations que j’ai en ma possession, c’est le Premier ministre Seydou Elimane Diarra qui a exigé mon départ. Moi, je n’en pense rien du tout. Je suis parti. Lui aussi est parti un autre jour. (Rires). Personne n’est inamovible. C’est la leçon que je donne à Monsieur Seydou Elimane Diarra. (Rires). Celui qui fait partir les gens de force, doit savoir qu’il peut partir aussi par la force des choses. C’était une injustice ! Tout ça fait partie de la vie et de l’expérience que j’ai aujourd’hui. Dans la vie, il faut refuser de subir des injustices. Mon problème n’était pas de ne pas partir de la Direction générale de la Rti, mais, c’est la façon qui n’était pas normale. Un jour, je vous expliquerai les petites motivations de Seydou Diarra.
Dans quel parti militez-vous ?
Pourquoi vous voulez le savoir ? (Rires). Est-ce que vous m’avez montré votre carte ? Je pense que ce n’est pas important. Moi, je suis un homme de gauche. Je suis un pro Gbagbo.
Pourquoi le Président Laurent Gbagbo ?
Le Président Gbagbo incarne de grandes valeurs. N’oubliez pas qu’il a fait venir la démocratie en Côte d’Ivoire, le pluralisme. C’est lui qui se bat contre vents et marrées… Il y a certaines choses qui paraissent normales aujourd’hui, mais il a fallu se battre pour les avoir, il a ouvert des portes. Dernièrement, il y a eu le 20è anniversaire de la fête de la liberté. Si vous regardez la presse ivoirienne aujourd’hui, nous sommes dans une presse libre. Elle dit ce qu’elle veut, et même des fois dit des choses très graves. Le Président Gbagbo a défendu et continue de défendre des valeurs qui sont importantes pour nous.
Que fait le conseiller Aboké lorsque les manchettes des journaux sont assez provocatrices ?
Nous conseillons que les pratiques de la presse changent. La plupart des organes de presse sont adossés à des partis politiques. Ce qui serait bon, c’est de créer une ouverture en donnant la parole à tout le monde, même aux adversaires politiques. L’autre constat qu’on peut faire, c’est que notre presse est libre mais pas indépendante. Je pense qu’il est temps que des hommes d’affaires, se rendent compte que le domaine de la presse, est un domaine dans lequel on peut gagner de l’argent en créant des journaux ou des entreprises de presse. Ces journaux seraient indépendants et cela pourrait faire avancer en matière de qualité. Parce que celui qui voudra gagner de l’argent en vendant des journaux, ne fera pas n’importe quoi comme on le voit en ce moment. Actuellement, les journaux s’engagent dans des combats. Même quand on sait qu’ils sont de mauvaise foi, on engage quand même le combat et on dit alors des contre vérités. Le tout actuellement, c’est de pouvoir faire le plus de mal possible à l’adversaire. Troisième point. Pourquoi les journaux d’une même obédience idéologique ne se regrouperaient pas, vu que le marché des lecteurs est étriqué.
Vous disiez ceci récemment : « Il ne faut pas seulement faire la promotion de la musique mais il faut penser aux autres arts. Je ne comprends pas pourquoi les gens laissent faire la Rti ». Que vouliez-vous dire exactement ?
Absolument ! La musique, tout comme les autres arts du spectacle, a des problèmes. Pourquoi décide-t-on de régler spécialement, au niveau de la Rti, les problèmes de la musique et de mettre en veilleuse ceux des autres arts ? Qu’est ce qui milite en faveur de la création d’une chaîne musicale ? Alors que la chose la plus logique, aurait été d’ouvrir une chaîne culturelle plutôt que de dire Rti-music, on devrait dire Rti-culture. Tous les autres arts sont en difficulté et ont besoin d’être valorisés ou revalorisés. Nous avons par exemple besoin de réveiller le théâtre, le cinéma, la peinture, les sculpteurs etc. Et d’ailleurs, après plusieurs d’années d’existence de Rti music, qu’on nous dise quel est le résultat ? Le résultat c’est zéro ! Alors on gagnerait à faire la promotion de tous les arts. Et si plus tard, on a la possibilité de créer davantage de chaînes, alors on passerait encore plus au niveau de la spécialisation. En matière de télévision, on part du général au particulier. Pour le moment, Rti-music est prématuré. Et c’est comme chez les médecins : il faut d’abord trouver des généralistes, avant d’atteindre des ophtalmologues, des pédiatres, toute sorte de spécialités. Quand on aura avancé, quand on aura vu qu’il y a une nécessité de créer une chaîne spécifiquement musicale, alors on le ferait. Et on le ferait autrement pas comme ils le font. Parce que je ne sais quelle bonne musique on promeut. Regardez aujourd’hui, le Burida s’est recentré. A l’époque, on ne parlait que de musique. Maintenant, les choses se sont recadrées. Gadji Céli vient du domaine de la musique certes, mais au Burida, vous avez tout le monde dans cette maison : les plasticiens, les écrivains, les comédiens, etc. Et je pense que tout ce monde devrait faire pression sur la Rti, pour lui demander de recadrer les choses. Il n’y a pas à rougir. Je pense qu’on peut passer de Rti-music-sport à Rti-culture-sport.
Il se raconte qu’il existe des clans à la RTI. D’un côté, les journalistes qui soutiennent le parti au pouvoir, et de l’autre ceux de l’opposition. Que répondez-vous ?
Moi, je ne pouvais pas ouvrir la tête de chacun pour savoir de quel parti il est. Les journalistes sont des hommes comme tout le monde et forcément ils ont des sensibilités à tous les niveaux. A savoir sensibilités artistique, politique, etc. je ne crois pas que cela fasse l’objet spécifiquement de clans et de problèmes particuliers.
Certains partis politiques parlent du zèle de Monsieur Brou Amessan Pierre, Dg actuel de la Rti, et lui reprochent de montrer son attachement au parti au pouvoir ? Est-ce aussi votre avis ?
Je ne crois pas avoir vu Brou Amessan animer des débats politiques. Ce que vous dites, c’est ce que vous ressentez et que vous pensez être vrai ? (Rires). Il n’est pas interdit à la Rti de sortir des archives et de les diffuser des fois. Parce que cela correspond à l’actualité par exemple. La seule réponse que je voudrais vous donner, c’est qu’aujourd’hui, il y a des organes de régulation dont le Cnp (Conseil national de la presse) pour la presse écrite, et le Cnca (Conseil national de la communication audiovisuelle) pour l’audiovisuel. Ces organes sont chargés de faire la police. Lorsque quelqu’un dérape, on le ramène sur les rails. Si le Cnca n’a pas sorti son bâton, c’est qu’il n’y a pas dérapage. Il faut qu’on apprenne à respecter les institutions que nous nous sommes données. Je vois dans la presse les nombreuses réactions du Cnp quand il y a problème.
Quel est votre regard sur l’émission ‘’Tempo’’ surtout sur son caractère itinérant ?
(Rires). Je ne gère pas la Rti. Je n’ai pas d’avis à donner. Le staff de ‘’Tempo’’ fonctionne selon sa sensibilité, ses moyens, etc. Donc mon avis ne compte pas. Tout ce que je peux dire c’est que ‘’Tempo’’ se comporte toujours comme une des émissions phares de la Rti. C’est tant mieux ! Donc quelque part pour moi il y a un brin de fierté, mais c’est tout ! Je pense que si cette émission arrive à faire la joie des artistes et des mélomanes, c’est tant mieux !
Si on vous demandait de retourner à la Rti. Que diriez-vous ?
Revenir à la Rti pour y occuper quel poste ? Pourquoi vous voulez absolument qu’on me demande de retourner à la Rti ? Non ! Non ! Je n’ai pas été le premier ni le dernier Dg de la Rti, donc voilà c’est tout ce que je peux répondre. Chacun fait ce qu’il peut et passe. Quand vous êtes nommé quelque part, vous devez vous dire qu’un matin vous partirez. Je n’ai aucun regret ! (Rires). Moi, je pense qu’il n’y a pas d’homme indispensable. Ce que je souhaite, c’est qu’il y ait une continuité dans les différentes successions. Parce que j’ai mal au cœur de savoir que dans la restructuration de la Rti, on était arrivé à un pré-rapport qui a coûté de l’argent et qu’on ait oublié cela comme ça ! Les cassures dans le fonctionnement d’un service ne sont pas bonnes. Même si chacun imprime sa marque, il y a quand même un minimum de continuité à préserver, d’un dirigeant à un autre.
Il se raconte également que pendant les moments chauds de l’actualité, de votre siège à la Présidence, c’est vous qui dirigez la Rti ?
Je crois que c’est une injure aux autorités actuelles de la Rti. Ils sont assez responsables et donc, qu’ils prennent leurs responsabilités ! Non pas du tout ! C’est complètement faux. Pensez-vous que je peux téléguider quelqu’un ? Mais vous me donnez beaucoup trop de puissance ! Il faut respecter les dirigeants de la Rti, qui se battent au quotidien parce que la Rti est une entreprise en difficulté. Faire tourner une société comme celle là, ce n’est pas évident ! Moi, j’émets des avis. Je les émets spécialement pour mon patron, le Président de la République.
Réalisée par Krou Patrick