x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Art et Culture Publié le vendredi 28 mai 2010 | Nord-Sud

Aïcha Koné, artiste : “Pourquoi je chante le Yassa”

Sur votre dernier album, vous chantez le ‘’Moribayassa’’, danse et chant du ‘’vœu exaucé’’ en pays malinké. Pourquoi avoir choisi ce rituel ?

La femme c’est la maternité, l’épouse, la mère. Lorsqu’il y a une guerre, une calamité ou des pleurs, c’est elle qui souffre plus que les autres. A la suite de toutes les épreuves vécues par notre pays, j’ai émis un vœu, celui de réveiller le « Moribayassa » dans une chanson dès que la guerre finirait. Et, c’est le cas avec mon dernier opus.


Pensez-vous que le pays soit réellement réunifié. Ne vous-êtes vous pas trop empressée ?

J’ai dit honorer une promesse qui est celle de la fin de la guerre, de la belligérance entre les enfants de ce pays. Le chef de l’Etat et le Premier ministre se sont donné la main et se parlent régulièrement, en toute franchise. Idem pour les leaders des partis politiques. C’est donc un de mes vœux qui s’est réalisé. Le fait que les antagonismes profonds soient terminés et qu’on parle de paix ensemble pour le bien-être de la mère patrie, c’est une avancée notable.


- Revenant au Yassa, que pensez-vous de cette pratique ?

C’est une danse accompagnée de chants qui a prospéré à l’époque de nos grands-mères et mères qui émettaient des vœux. Par exemple, celui d’avoir un enfant ou pour tout autre souhait qui leur tenait à cœur. Lorsque le vœu était exaucé, l’engagement qu’elles avaient pris de danser le Moribayassa, devait se faire publiquement. En traversant le quartier ou le village, soutenu par les voisins, amis et parents, surtout les femmes.


C’est chez les Malinké que cette tradition existe. Quel sens véritable a-t-elle selon vous?

Ce que je retiens du rituel, c’est surtout le respect de la parole donnée. C’est une leçon d’honneur pour ce peuple. Un symbole d’intégration.


En dehors de la musique, avez-vous eu recours à ce rituel ?

Non, jamais. Sinon, on l’aurait su. Car, le Moribayassa se danse publiquement. Alors, si j’avais eu recours à cette pratique, ne serait-ce qu’une fois dans ma vie, c’est sûr que le monde entier en parlerait (rires). Là, c’est juste pour les besoins de la musique que j’ai réveillé cette tradition. Aussi, était-ce pour montrer l’étendue du patrimoine culturel des peuples du Nord, nos mystères.


Pensez-vous qu’en 2010, cette danse puisse-t-elle avoir un pouvoir ?

Je ne sais pas. Je ne suis pas une initiée d’autant que je n’ai jamais eu recours au ‘’Yassa’’ dans ma vie. J’ai juste chan?té Moribayassa. Je sais que mes parents y avaient recours. C’est un pan de la culture malinké. Aussi, est-il bien de noter que ma voix est mieux placée pour faire connaître le rituel.


N’est-ce pas un pacte démoniaque ?

Non, je ne le crois pas. Sinon, je ne m’y serais jamais hasardée (rires).


Pourquoi un malheur arrive-t-il à la personne qui ne tient pas son engagement ?

Je n’en sais pas grand’ chose. Mais, il paraît que c’est une loi de la nature. Pour ma part, mon vœu qui était de voir la guerre prendre fin, entre les fils et filles du pays, s’est réalisé. Les militaires se parlent et le pays tend vers le désarmement effectif. Les politiques échangent entre eux et se rendent visite. Alors s’il y a un retour du bâton, c’est à mon sens positif. Car, ce que je constate c’est le bonheur, des grâces et des bénédictions.


Avant, il était difficile de prononcer ce nom. Vous le chantez. N’avez-vous pas peur ?

Sachez que l’exploitation que je fais de cette pratique n’est pas à des fins lugubres. D’ailleurs, on ne formule pas le vœu pour faire du mal. Mais, bien au contraire. A ce niveau, les mânes des ancêtres ne peuvent que me retourner du bonheur.


De plus en plus, les populations malinké, avec l’expansion de l’Islam et la modernisation, délaissent ce pacte. Croyez-vous qu’il va disparaître un jour ?

Ces derniers temps, je n’ai pas eu écho que quelqu’un a dansé le Yassa, c’est vrai. Mais, sachez que mon rôle en tant que leader d’opinion, aussi modeste soit-il, est d’éduquer culturellement la jeune génération. Il m’incombe d’expliquer notre histoire à nos enfants et petits enfants. Ils doivent connaître leur histoire, leur culture. Même si je ne recommande pas de pratiquer le Moribayassa, il faut qu’ils sachent ce qui avait cours. Je n’ai pas eu une mauvaise intention. Je suis musulmane, fervente pratiquante. Je ne peux pas aller contre les préceptes et recommandations de ma religion.

Entretien réalisé par Sanou Amadou (Stagiaire)
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Art et Culture

Toutes les vidéos Art et Culture à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ