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Société Publié le mardi 1 juin 2010 | Nord-Sud

Litiges fonciers / Terrains villageois : comment dribbler les escrocs

La chefferie du village d’Abobo-baoulé a créé un tribunal qui statue, chaque mardi, sur les transactions foncières. Ceci, pour prévenir les escroqueries autour de la vente des terrains villageois. Nord-Sud Quotidien a passé la journée du 25 mai au ‘’Palais de l’unité’’ pour en savoir un peu plus. Reportage.

Abobo-baoulé, village Ebrié situé sur la route d’Alépé sillonne de rues bitumées et entretenues. Ce qui donne à la cité une fière allure. Les bâtiments n’ont rien à envier aux châteaux de Cocody-Angré, le quartier chic voisin. Les villageois se plaisent d’ailleurs à dire qu’ils sont de la «commune d’Abobo-Cocody». Une pancarte souhaite la bienvenue dans ‘’La cité de la grâce’’. Comme quoi, il fait bon vivre ici. En plus des fabricantes d’Attiéké, Abobo-baoulé abrite de nombreux propriétaires terriens. Ce qui attise l’appétit des acheteurs. Les transactions foncières sont donc devenues une habitude dans ce village. Avec ses avantages et inconvénients. Et, c’est ce qui justifie notre présence ce 25 mai. Nous sommes-là pour vivre en direct les contours de la vente.
Honoré G, est un jeune pasteur résidant à Angré star 5. Son oncle qui vit en Europe, lui a confié les travaux de sa bâtisse à Bessikoi Programme 6. Ce quartier fait partie du patrimoine foncier d’Abobo-baoulé. D’ailleurs, c’est avec une native de ce village Ebrié que l’oncle a négocié l’achat du lot. Honoré croit bien faire en supervisant le chantier avec la lettre de cession en poche. Malheur à lui ! Des jeunes lui tombent dessus et détruisent tous les travaux. Il lui est reproché de construire sur un terrain qui n’est pas à lui.

La mauvaise foi des vendeurs

Le pasteur subit ce genre de reproches pour la troisième fois. Premièrement, se souvient-il, une dame venue de Yopougon, en compagnie d’un avocat, lui a intimé l’ordre de libérer la parcelle. « Je me suis retourné vers la propriétaire du lot, à Abobo-baoulé. Elle m’a dit de poursuivre mes travaux, tout en me rassurant ». Devant notre pasteur, la propriétaire jure ne pas connaître la plaignante. Sur cette base, il poursuit ses travaux. La seconde fois, c’est un homme coléreux, qui l’intercepte à coups de biceps. Là encore, il gagne la partie. Mais aujourd’hui, avec son sous-bassement démoli, Honoré a les larmes aux yeux.
Comme le jeune pasteur, plusieurs acquéreurs de terrains villageois s’apitoient sur leur sort pour avoir été floués. Ils remettent en cause la bonne foi des propriétaires. A les écouter, les villageois vendent le même lot à plusieurs personnes à la fois. Les transactions ne sont pas toujours transparentes. A côté des propriétaires malhonnêtes qui cèdent la même parcelle à plusieurs requérants, est née une race d’individus véreux qui falsifient les attestations d’attribution coutumière, délivrées par la chefferie. Et bonjour, les conflits ! A.V, un autre interlocuteur, natif d’Abobo-baoulé demande de faire attention aux terrains de 600m2 proposés à 1million de Fcfa, à Angré-Bessikoi. « En 2010, il est rare de proposer un terrain de 600m2 en dessous de 5 millions dans ce quartier », relève-t-il. Maguy F. est plutôt heureuse. Elle a suivi la procédure régulièrement. Elle attend juste le retrait de son attestation d’attribution villageoise. Mais la dame précise qu’il lui a fallu dix années de patience. « On m’a fait changer de terrains près de deux fois sur le même îlot. Sans la patience et la prière, je n’en serais pas à là », se réjouit-elle.

Comment épingler les arnaqueurs ?

La chefferie a instauré une sorte de tribunal, le ‘’Palais de l’unité’’, inauguré en 2005. Il se trouve à une centaine de mètres de la porte d’entrée du village. Aujourd’hui, comme tous les mardis, c’est le jour des auditions. Il s’agit, pour le chef du village, Amondji D. Claude et sa notabilité d’authentifier les lettres de cession produites par des vendeurs de lots. Ils vérifient si ces lots ou parcelles font partie des lotissements relevant du patrimoine foncier du village Tout le patrimoine est inscrit dans une souche appelée guide. Si le lotissement prend en compte des parcelles de plusieurs familles, ces parcelles figurent dans le guide. Une fois que vos numéros y figurent, vous êtes autorisé à acquérir le lot. Mais attention, l’attestation villageoise n’est que provisoire. C’est le ministère qui délivre les attestations définitives.

Un modèle de rigueur à imiter

Une file de pétitionnaires attend d’être reçue pour avoir l’attestation villageoise. Certains occupent le hall assis sur des chaises de type malaga. D’autres préfèrent attendre à la cafétéria, non loin de la pelouse. Pasteur Honoré G. est venu aussi pour l’audition. Il espère retourner avec la certitude de garder définitivement le terrain de Bessikoi Programme 6.
Joël Koffi, appelons-le ainsi, vivant en Italie, bouillonne de colère dans la cour du palais. Il fait des va-et-vient parce que dans quelques jours, il doit retourner en Europe. Et ses dossiers sont en attente. Le jeune-homme d’à peine 30 ans, a l’air embêté dans le hall, impatient d’être reçu. Une fois dans le bureau du chef, Joël Koffi prend la parole. « La secrétaire me demande la légalisation par les autorités italiennes d’un papier que je dois ajouter au dossier, alors que je rentre ce week-end en Italie. Je souhaite qu’elle se contente du papier légalisé à la mairie, ici». «A l’impossible, nul n’est tenu. Comme il faut respecter la procédure, je vous conseille de faxer votre document depuis l’Italie», rétorque le chef du village, avec sérénité. Il est soutenu par la notabilité. C’est devenu la routine pour le chef Amondji D. Claude. Depuis qu’il est au pouvoir, il joue le rôle de conseiller-clients comme ses prédécesseurs. Mais parfois, la tâche n’est pas aisée. « À part les simples vérifications dans le guide, nous recevons parfois des cas de litige. Il arrive aussi qu’il n’y ait pas de problème. Et cela a le mérite de rassurer les parties ». L’organisation interne d’Abobo-baoulé impose de vérifier l’exactitude des documents produits par les propriétaires terriens, et la présence des lots vendus dans le patrimoine du village. C’est à l’issue des vérifications que des attestations provisoires sont délivrées. «Nous ne pouvons pas maîtriser tous les faussaires certes, mais nous les canalisons comme nous le pouvons(…) Malheureusement, certains font du faux. Ils falsifient nos signatures. Nous avons même fait arrêter de nombreuses personnes», se désole le garant de la tradition.

Nesmon De Laure
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