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Société Publié le vendredi 11 juin 2010 | Nord-Sud

Accidents motos / Bouaké : un cimetière pour les morts de la moto

La moto tue à Bouaké, aujourd'hui, semble-t-il, plus que par le passé. A côté de celui des armes, le décompte des victimes de ces engins à deux roues fait ressortir des chiffres effrayants.

Certains axes de Bouaké sont particulièrement réputés mortels pour les propriétaires d'engins à deux roues. Il s'agit entre autres du boulevard du nord menant vers Katiola d'un côté. Et dans le sens sud allant vers Abidjan. Les gros engins qui pratiquent quotidiennement la voie n'épargnent pas la vie des motocyclistes. La gare routière et certains carrefours qui jouxtent le boulevard de l'aéroport sont aussi une voie de non-retour pour les imprudents. Notre confrère Ladji Abou Sanogo, du quotidien Soir Info est devenu handicapé pour avoir été renversé à moto sur cette voie, au premier anniversaire de la Flamme de la paix. Enfin, l'axe principal menant au quartier Belleville et le boulevard Reine Pokou à un degré moindre sont à craindre comme la peste.

L'on ne possède pas encore de statistiques officielles. Mais, un agent de la croix rouge sous anonymat, nous a confié que «les motos-taxis sont responsables de la quasi-totalité des accidents de circulation en ville ». Notre interlocuteur avance que «plus de 90% des accidents sont dus à des engins à deux roues dans la localité». Les services de constat de la brigade routière des Forces nouvelles sont encore plus formels. «A Bouaké, 9/10 des accidents constatés sont du fait des motos. Et, il y'a malheureusement très souvent des morts». Le citoyen lambda dans la capitale de la paix, témoin quotidien, estime que 80 à 95% des accidents sont provoqués par des motos. Et dans cette proportion les motos-taxis ont les 98% du pourcentage précité. Selon des infirmiers du service des urgences du Chu de Bouaké « Il ne se passe pas de jour sans que nous ne recevons des accidentés de moto ici. Même lorsque nous recevons des blessés de véhicules, on vous dira que c'est avec une moto qu'il y a eu l'accrochage». Personne n'ose avancer des chiffres de décès ou d'évacués. Cependant une source hospitalière dénombre 3 tués par semaine en moyenne. Et plus d'une quinzaine de blessés. Approché, le directeur départemental de la santé Dr Kouyaté Karim, sans vouloir avancer des chiffres, est d'avis que «la quasi-totalité des accidents à Bouaké est du fait des motos. Et surtout les motos-taxis champions toutes catégories».


Un cimetière pour les victimes de motos

Au cimetière municipal de la localité, un carré a été réservé aux personnes tuées par les accidents des motos-taxis. Ce secteur est dénommé ''Cimetière de motos-taxis''. Embêté de ne recevoir à longueur de journée ou de semaine que des corps sans vie ou des accidentés d'engins, le responsable du Chu avait adressé une correspondance au préfet Konin Aka et au maire Fanny Ibrahim en vue de prendre des mesures conservatoires. Dans le même temps, le praticien avait menacé de ne plus donner de soins à ces cavaliers de la ferraille si rien n'était fait pour réglementer le secteur. Au nombre des auteurs d'accidents, on cite aussi les mécaniciens. Sous prétexte d'essai, ces techniciens qui ont la mauvaise réputation de « rouler vite et avec imprudence » causent du tort à longueur de journée à leurs clients. Coulibaly se souvient avoir dépensé plus de 180.000 FCF pour une panne de 1000 FCFA. «Je me rendais à l'école, une matinée de lundi, relate l'enseignant, quant à un carrefour du boulevard Reine Pokou, ma roue arrière prit un coup. Il me fallait remplir les patins. Alors, je confie mon engin, en l'absence de son patron de père, à un apprenti vulcanisateur. A mon retour de l'école, vers 13 heures, on m'apprend qu'il a fait un accident avec l'engin. Lui-même est méconnaissable tandis que l'engin est irrécupérable. Je suis rentré à la maison la mort dans l'âme.». Autres acteurs de la malchance, les jeunes filles qui veulent coûte que coûte «faire le faro (ndlr, le petit malin)» avec les engins. La vie suite sur cette série noire indexe les chauffeurs de taxis-ville accusés de cogner volontairement les motos-taxis, des concurrents dans le métier. «Par rivalité les chauffeurs de taxi n'aiment pas la moto-taxi. Les premiers reprochent aux seconds de ravir leurs clients. Alors en créant l'insécurité dans notre secteur d'activités, ils espèrent ainsi nous décrédibiliser dans l'opinion. Mais ils ont menti», explique Bazo, responsable syndical des motos-taxis à la gare routière de Bouaké. La Croix-Rouge écoeurée par le taux élevé des accidents a entrepris une campagne de sensibilisation. A ce titre, un certain Jackou le Krokan intervenait sur les antennes de la chaîne privée «Tvnp». «Conducteurs de moto-taxi, roulez doucement. Ne montez pas à 4 ou 5 personnes sur une même moto. S'il y a un accident, ce n'est grave. Car moto n'a pas de cabine. C'est l'homme qui est sa propre cabine. ».


La réaction de la mairie

A cause de l'ampleur du phénomène de «la moto qui tue plus que les armes» le sujet a été inscrit à l'ordre du jour d'une réunion du conseil municipal. Ce jour-là, certains conseillers municipaux ont demandé hic et nunc que les motos-taxis soient supprimées. « Car, la loi ne prévoit pas ce type de transport dans notre pays», a argué un conseiller. «Surtout qu'il se fait sans garantie particulière pour les clients comme pour les propriétaires», renchérissait un autre. «Je pense, qu'il faut les retirer de la circulation. Ils tuent nos populations à longueur de journée. M. le maire, prenez un arrêté pour mettre fin à leurs activités», avait lâché, amer le 5ème adjoint au maire Nestor Kouamé. Le maire Fanny Ibrahima, prenant en compte le caractère pourvoyeur d'emplois de ce secteur, a préconisé qu'on attende après les élections. « Je pense qu'il faut attendre l'après élections. Voyez-vous, c'est plus de 1500 à 2000 personnes que nous allons mettre au chômage. Ils sont pour la plupart des démobilisés sans emploi. Nous allons créer, en agissant ainsi, un chômage gravissime et une insécurité sans précédent». Les motos-taxis sont donc encore là. En attendant, les «Zémidjans Ivoiriens» continuent de semer la mort dans le quotidien des Ivoiriens. Des morts que l'on n'a pas connus par les armes. Avec la dernière grève des transporteurs, les rangers motorisés ont atteint la capitale politique Yamoussoukro.

Allah Kouamé, à Bouaké
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