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Politique Publié le lundi 14 juin 2010 | Le Patriote

ADO sur RFI : “Nous voulons des élections pour donner espoir aux Ivoiriens”

© Le Patriote Par Prisca
Politique nationale - Dr Alassane Dramane Ouattara, président du Rassemblement des républicains (RDR)
Photo d`archives: ADO face au patronat
Invité du débat africain sur RFI, diffusé hier, le Dr Alassane Dramane Ouattara a passé en revue les conditions du départ de la BAD avant d’inviter le Chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, à permettre l’organisation de l’élection présidentielle rapidement. Il exige des élections afin de donner espoir aux Ivoiriens.

RFI : Monsieur le Premier ministre, l’on parle de plus en plus du retour de la BAD en Côte d’Ivoire. C’est une question que nous posons aux trois candidats à la présidentielle. Est-ce que vous partagez le point de vue du Chef de l’Etat Laurent Gbagbo, qui estime que la BAD n’aurait jamais dû quitter Abidjan ?

Alassane Dramane Ouattara : Oui tout à fait. Vous savez, nous étions très fiers d’avoir le siège de la banque ici à Abidjan. Bien sûr, la crise sociopolitique, n’a pas arrangé les choses et les dispositions ont été prises par les responsables de la banque pour délocaliser, ce que l’on peut comprendre. Maintenant, la situation se normalise, mais elle n’est pas tout à fait normalisée. La normalisation vraie, n’interviendra qu’après les élections.


RFI : La Banque n’aurait-elle pas dû rester à Abidjan pendant tout ce temps ?

ADO : Vous savez, ça c’est une question de décision des responsables de la banque.


RFI : le Chef de l’Etat Laurent Gbagbo, dit que la décision de délocaliser la BAD est une décision politique. Qu’en pensez-vous?

ADO : Je ne comprends pas pourquoi cette décision serait politique. La banque africaine est une institution financière, elle a besoin de confiance. Il y a des questions de gestion financière avec les marchés internationaux. Je ne peux pas dire que je suis d’accord avec le départ de la banque. Mais, je peux comprendre que l’institution financière n’est pas comparable à une institution politique.


RFI : Vous êtes tous en campagne, il y a beaucoup de discussions sur le contentieux de la liste électorale. Est-ce que vous estimez qu’il faut revoir ces listes ?

ADO : Madame, vous savez que je pense pour ma part, que c’est un faux débat. Nous avons une liste provisoire depuis fin décembre, normalement nous aurions dû avoir une liste définitive et faire ces élections à fin février-début mars. Le camp présidentiel n’a pas arrêté de créer les obstacles pour qu’on n’aille pas à l’élection. Apparemment, il doit avoir une date en vue ou en tête. D’ailleurs, le contentieux qui se déroule actuellement sur la liste de ceux dont la situation doit être clarifiée, ne provoque pas d’engouement. Parce que le contentieux est terminé depuis le 14 février. Moi, j’imagine tout de même que c’est une question de responsabilité, de volonté politique. Je lance un appel au Chef de l’Etat pour qu’il dise à ses soutiens de laisser la commission électorale faire son travail, organiser l’élection présidentielle pour que les Ivoiriens sortent de cette situation de crise. Car la souffrance est terrible.


RFI : Voulez-vous estimer que c’est le camp présidentiel qui empêche la tenue de cette élection ?

ADO : Sans ambiguïté, je le dis et je pense que la majorité des Ivoiriens pense ainsi. On ne peut pas définir une procédure par l’Etat de Côte d’Ivoire, dépenser 200 milliards de FCFA pour faire un travail qui doit conduire à l’élection, mettre en place une Commission électorale indépendante et à 2 jours de la fin du contentieux électorale sur la liste, dissoudre cette commission pour dire : donnez- moi encore du temps. J’estime que ce n’est pas normal. Je ne voudrais pas utiliser un mot plus fort.


RFI : Monsieur le Premier ministre, il y a deux camps qui s’affrontent sur l’organisation de l’élection présidentielle. Il y a un qui dit qu’il faut y aller comme vous le dites et l’autre qui pense qu’il ne faut pas se précipiter pour se retrouver dans la même situation que dans la République Démocratique du congo. Ce camp estime qu’il faut aplanir toutes les difficultés de façon qu’au sortir de l’élection, il n’y ait pas de contestation possible, qu’il n’y ait pas quelque chose qui puisse provoquer une reprise des hostilités entre les deux camps.

ADO : Madame, je suis d’accord qu’il faut tout faire pour éviter une reprise des hostilités. Mais, cela fait 5 ans que nous courons après cette élection. Je trouve que c’est assez. En réalité, qu’est-ce qui manque ? Il nous manque une liste électorale définitive, puisque la liste électorale provisoire est déjà prête. Il nous manque la fabrication des cartes d’électeurs et d’identité. Ceci est en cours et peut se terminer en une semaine et au plus en dix jours. Il nous manque trois semaines pour distribuer les cartes d’identité et les cartes d’électeurs, deux semaines de campagne pour avoir le premier tour de l’élection présidentielle. Si le Chef de l’Etat, décidait dans une semaine ou dans dix jours de signer le décret portant adoption de la liste définitive, nous pourrions faire l’élection deux à trois semaines après. J’ajoute que des arguments que j’entends concernant la réunification du pays, le désarmement, sont pour ma part, de faux arguments. Le pays est réunifié.

Pour le désarment, c’est le problème de l’armée. Ils ont deux armées, les armées devraient regagner les casernes depuis deux ans. Le Premier ministre et le Chef de l’Etat auraient dû prendre des dispositions pour résoudre ce problème. Il y a également des miliciens à l’ouest de la Côte d’Ivoire. Il y a donc des problèmes de sécurité, mais la Côte d’Ivoire, ce n’est pas l’Irak, ce n’est pas l’Afghanistan et ce n’est pas la Cambodge où il y a eu tout de même des élections pendant que les Khmers rouges avaient une partie du territoire national en main. Ce que je dis tout simplement, c’est que les conditions sont suffisantes pour aller à l’élection présidentielle.


RFI : Pensez-vous que ceux qui disent que l’élection ne peut pas se tenir maintenant parce qu’il y a des armes partout, essaient de faire peur aux gens ou partagez-vous ces craintes ?

ADO : Vous savez, je pense que le banditisme existe partout. Je ne suis pas ministre de l’Intérieur ni ministre de la Défense. Ce que j’observe, c’est que je peux me déplacer tranquillement à Abidjan. Je viens de parcourir seize régions sur les dix neuf que compte le Côte d’Ivoire, pendant la précampagne. J’ai parcouru des milliers de kilomètres, je n’ai jamais eu une grenade ou des roquettes sur ma tête. Je n’ai même pas eu un sachet d’eau qui m’ait été jeté pendant cette période. Le pays est apaisé. Nous pouvons aller à l’élection. Je crois qu’il faut arrêter de dire des choses qui ne tiennent pas. Les Ivoiriens voient que l’activité est à peu prêt normalisée.


RFI : le désarmement est prévu par l’accord de Ouagadougou. Faut-il respecter cet accord ?

ADO : Tout à fait.


RFI : le désarment est donc un préalable pour aller à l’élection ?

ADO : Non et non ! L’annexe à l’accord politique de Ouagadougou demande un certains nombres de choses ; le fait de mettre les militaires en caserne, le fait de leur payer des primes, le fait de régler le problème de grades. Ils ont eu dix mois pour le faire.


RFI : Ce n’est pas le cas sur le terrain ?

ADO : On ne peut pas rester otage d’une telle situation. Vous savez, les ex-belligérants ont pris des engagements dans cet accord qui a été validé par le conseil de sécurité de l’ONU et que nous avons adopté tous, en tant que membres du cadre permanent de concertation à Ouagadougou, le 3 décembre 2009. Nous avions décidé que ces questions ne devraient pas être un préalable à l’organisation de l’élection présidentielle. C’est un accord entre les deux ex-belligérants, mais il faut que cet accord soit appliqué. Autrement, ils peuvent nous tenir en otage pendant des années. A supposer qu’ils prennent dix ans pour le faire, pensez-vous que nous devons rester dix ans avant qu’ils n’appliquent un accord ? Un accord qu’ils ont signés entre eux et qui ne concerne qu’eux deux ? Alors qu’il y a quatorze candidatures qui ont été validées et qui attendent depuis six mois d’aller à l’élection.


RFI : êtes-vous en train de dénoncer cet accord ?

ADO : Non, je ne dénonce pas l’accord. Je demande que l’accord soit appliqué. Ils ont les moyens de le faire. L’application dépend du Chef de l’Etat et du Premier ministre.


RFI : A vous écouter, Monsieur le Premier ministre, c’est le Chef de l’Etat et son Premier ministre qui sont d’accord d’une certaine manière pour ne pas organiser l’élection présidentielle ?

ADO : Non, ce n’est pas ce que je suis en train de dire. Je dis que le Chef de l’Etat a tout de même les ressources financières qui dépendent du ministre de l’Economie et des Finances, qui est sous l’autorité d’abord du Chef de l’Etat. C’est lui qui signe le décret le nommant. Le redéploiement de l’administration, c’est la même chose. C’est donc une question de volonté politique. J’encourage le chef de l’Etat et je le lui ai dit quand nous nous sommes rencontrés, qu’il prenne des dispositions nécessaires pour que les ressources prévues au budget soient données pour la réhabilitation des casernes, que l’on donne des ressources pour payer les indemnités des soldats, pour que ce chapitre soit clos. Pour moi, ce n’est pas un élément essentiel par rapport à l’organisation de l’élection. Je souhaite que nous puissions aller à l’élection.


RFI : Avez-vous un programme commun avec l’ancien Président Henri Konan Bédié avec qui vous êtes en alliance ?

ADO : Nous avons décidé dans quelques jours de mettre en place une commission qui va décider de travailler sur les grandes lignes d’un programme commun. Mais chacun des partis politiques a son programme. Moi, j’ai déjà donné des indications sur le programme que je propose à mes concitoyens. C’est un programme ambitieux de 10 000 milliards de FCFA sur 5 ans. C’est un programme qui a deux axes principaux : le premier aspect, c’est l’amélioration des conditions de vie de mes compatriotes, que ce soit en matière d’éducation, de santé, d’infrastructures, que de logement, etc. et un programme sectoriel. Mais également un programme qui tient compte de la distribution dans chacune des 19 régions de la Côte d’Ivoire, décentralisé sur les départements, sur les sous-préfectures et sur les gros villages. Le deuxième aspect, c’est la création d’emplois, notamment d’emplois des jeunes. Neuf jeunes sur dix pratiquement n’ont pas d’emploi en Côte d’Ivoire. Il faut donc mettre en œuvre un programme ambitieux de création d’emplois comme cela a été fait en Afrique du sud à l’arrivée de Mandela. C’est un pays que je connais bien puisque je m’en suis occupé quand j’étais au Fonds monétaire international. Il y a donc des axes très clairs que j’ai dans mon programme. Je souhaite que le programme commun reprenne ces dispositions.


RFI ; Alors, pour le programme commun, est-ce qu’il est envisagé que vous ayez un seul candidat ?

ADO : Non, cela n’est pas prévu. Nous avons inscrit dans notre plate-forme, qui a été signée il y déjà 4 ans, que chaque parti politique aura son candidat au premier tour de l’élection présidentielle et celui d’entre nous, parmi les 4 prétendants, qui sortira en tête sera soutenu par les autres. C’est cet accord qui est toujours en vigueur.


RFI : Monsieur le président, la coalition de l’opposition a décidé de créer un front de refus de la dictature. Est-ce que la Côte d’Ivoire vit actuellement une dictature et où en êtes vous avec la front ?

ADO : Je pense qu’il est clair que la Côte d’Ivoire n’est pas une démocratie, au sens plein du terme. Les principes fondamentaux de la démocratie, la liberté d’expression, la liberté d’entreprendre, l’égalité des citoyens… ne sont pas respectés. Il est aussi clair que nous ne pouvons pas regarder la télévision ivoirienne. Combien de fois voyez-vous Alassane Ouattara ou Henri Konan Bédié sur les antennes de la télévision nationale en train d’animer un meeting ? Ce que je veux dire, c’est que sur la télévision nationale que je regarde ici, je n’ai pas de temps d’antenne, alors que 90% du temps d’antenne sont consacrés au Chef de l’Etat, à son parti et aux ONG qui le soutiennent. C’est un cas de manque d’équité. Je ne veux pas rentrer dans la thématique de la définition. Vous savez, je me suis occupé de 120 pays quand j’étais DGA du FMI. Ce que je veux pour mon pays, c’est de lui offrir des solutions, que ce soit au plan institutionnel, au plan économique, au plan des défis sociaux, en matière de diplomatie, de la respectabilité de la Côte d’Ivoire, que ce soit la capacité d’amener les Ivoiriens à vivre ensemble, que ce soit la capacité de renforcer et de modifier les valeurs morales…


RFI : On retrouve la question de la nationalité dans la contestation de certaines inscriptions sur le registre électoral, est-ce que vous êtes favorable à la révision du code de nationalité et notamment à l’introduction du droit de sol, dans la goûte d’eau de l’histoire de la Côte d’Ivoire ?

ADO : Vous savez, la Côte d’Ivoire a eu plusieurs étapes dans la définition de la nationalité. Au tout début, jusqu’en 70, c’était le droit du sang et le droit du sol en vertu de la nationalité française. Après, le code de la nationalité a renforcé le droit de sol, le droit du sang étant maintenu. C’est à partir de 1972, que nous sommes revenus totalement au droit du sang. Ce sont des questions importantes et délicates pour la nation ivoirienne. J’ai mon idée sur la question, mais je ne vous la dirai pas. Ce que je souhaite, c’est que ce soit un consensus. C’est une question trop importante pour que l’on puisse aller tout seul prendre un décret et dire : « voilà la nouvelle définition de la nationalité ». Il est important qu’il y ait un débat. Ce pays a eu une grande richesse. Et cette richesse, ça été le brassage, la capacité des populations de vivre ensemble, d’exploiter les ressources du pays ensemble. Moi, je rêve d’une Côte d’Ivoire qui ressemblerait aux Etats-Unis d’Amérique où tous les citoyens sont traités à égalité. Je crois que c’est possible. D’ailleurs, si vous lisez mon programme de gouvernement, vous verrez les grands axes que je donne par rapport à l’ouverture dans ce domaine. Mais, je souhaite qu’il y ait un débat national sur la question. A l’heure actuelle, ce qu’il nous faut, c’est de régulariser la situation de ceux dont on conteste la nationalité sur de fausses bases. Ceci est essentiel. Au lieu de me parler de désarmement, d’unification du pays. Ce qu’il faut, c’est qu’on ne dénie pas la nationalité à des personnes qui sont Ivoiriennes, qui sont sur la liste électorale de 2000. Il faut appliquer le code de la nationalité tel qu’il existe aujourd’hui. Maintenant, après les élections, s’il y a lieu de faire des modifications, on va les faire.


RFI : Vous avez été victime de cette vision sélective de la nationalité. C’est sous le Président Konan Bédié qu’on vous a dénié votre droit de vous présenter aux élections, aujourd’hui vous êtes en alliance avec lui. Sincèrement, qu’est-ce qui peut vous réunir ? Je me souviens des discours assez virulents à l’encontre de votre personne, quand on vous voit ensemble aujourd’hui, on se demande si vous vous êtes oubliés?

ADO : Oui Madame. Vous savez, il y a une chose qui est au-dessus de tout ce que nous pouvons ressentir individuellement. C’est l’amour de la patrie. En ce qui me concerne, c’est ma passion pour la Côte d’Ivoire. Je vois comment notre pays a été défiguré par les incompréhensions, par la division, par la volonté de l’administration de catégoriser les Ivoiriens, par les injustices qui ont été commises, les brutalités que cela a provoquées. Si nous sommes en alliance, le président Henri Konan Bédié et moi, c’est parce que nous avons tiré leçon de ces périodes de la Côte d’Ivoire.


RFI : Vous a-t-il demandé pardon?

ADO : nous avons eu les entretiens pour tourner la page. Le pardon est réciproque. Moi, je suis son jeune frère. Je n’ai pas été tendre non plus avec lui. Il est arrivé un moment où on s’est dit, il faut passer à autre chose, à la vitesse supérieure. La Côte d’Ivoire est au-dessus de nous tous. Je considère que la Côte d’Ivoire est dans un état dramatique aujourd’hui, où les valeurs morales sont décadentes, la pauvreté et la misère sont insupportables. Un Ivoirien sur deux vit avec moins d’un dollar par jour, il n’y a plus de lisibilité en matière de politique économique, il n’y plus d’investissements. On ne peut pas rester dans cette situation. Nous voulons l’élection présidentielle et nous pensons que nous allons la gagner. Ensemble, nous allons gouverner. Que ce soit Henri Konan qui soit élu ou moi-même, cela n’a pas d’importance. Il faut tourner la page et assainir la Côte d’Ivoire. Il faut rassembler les Ivoiriens et leur donner de l’espoir.

Recueillis par IBK et TL
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