Nous avons rencontré des prisonniers en liberté provisoire. Dans une petite pièce qu’ils partagent à deux, voire, à plusieurs, ces détenus semi-libres se sont confiés à nous.
Certains prisonniers n’ayant pas de parents chez qui loger, ont construit des cabanes de fortune où ils passent la journée. Cabanes situées dans les rayons de la prison, à proximité d’un grand bas-fond marécageux surtout en cette période de pluie. C’est à cet endroit que nous sommes allés rencontrer certains locataires de ces habitats précaires. Habitations d’une pièce, qu’ils partagent à deux ou trois voire plus. En ces lieux, il leur arrive de recevoir leurs femmes par moments. C’est le cas d’un d’entre eux. Il s’appelle Charles Bilé. En compagnie de sa fiancée, celui-ci confie : « Je suis marié et j’ai des enfants avec ma femme. Elle vit au village avec les enfants et, de temps à autre, elle vient me rendre visite durant quelques jours avant de retourner », affirme-t-il.
La galère au bagne
Notre second interlocuteur, lui, n’est pas marié. D’un physique frêle, il semble plus jeune que le précédent. Nous le trouvons au moment où il s’apprêtait à sortir pour répondre à un rendez-vous gastronomique. « Ici, on se débrouille pour manger. Je vais de ce pas au quartier x chez des parents à la recherche de quoi manger » explique le jeune homme. A en croire ces prisonniers, leur statut de semi-liberté ne leur permet pas de partager les plats de ceux qui sont en cellule. « Je ne peux plus manger à la prison. S’il y a des dons à faire, nous ne sommes pas pris en compte », regrette un autre bénéficiaire de la semi-liberté. A côté du problème de la nourriture, il y a celui de la santé. Certes, la prison s’occupe des premiers soins mais ne va pas jusqu’au bout. « Pour être sûr d’être mieux traité, il faut que tes propres parents interviennent. Ce ne sont pas les gardes qui vont se charger de soigner un prisonnier », intervient énergiquement ‘le gros’ qui vraisemblablement passe pour être le porte-parole. Quand il parle, les autres l’écoutent religieusement puis acquiescent de la tête pour dire qu’ils partagent son avis. Il nous présente un homme assis non loin de là, la soixantaine révolue. Il souffre d’un mal pernicieux. N’ayant aucune assistance, il reste la prie de la maladie qui le ronge chaque jour. Le regard lointain depuis notre arrivée, il semble coupé du monde. Tout ce qui se passe autour de lui le laisse froid. Nous n’osons pas lui arracher des mots pour ne pas perturber sa solitude. Qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que ces hommes se retrouvent aujourd’hui en prison ?
Les causes
Ils ont certes le même statut mais les raisons qui les ont amenés dans cet univers carcéral divergent d’un détenu à l’autre. « J’ai été accusé d’homicide, et j’ai pris trois ans de prison », raconte l’un des prévenus. L’autre explique : « je suis condamné à une peine de douze mois pour vol de nuit en réunion ». Les autres n’ont pas eu le courage d’avouer le motif de leur incarcération. Toutefois les raisons sont diverses. Détention illicite de drogue ou sa consommation, détournement d’argent, cambriolage…
Vivre en prison
Pendant qu’ils sont en semi-liberté, les prisonniers ne sont pas sans activité. L’article 683 stipule que « le placement à l’extérieur permet au condamné d’être employé en dehors d’un établissement pénitentiaire à des travaux contrôlés par l’administration ». Ainsi pour leur permettre de se réinsérer dans la société, des activités leur sont proposées. Le jardinage, la riziculture, l’élevage… Chaque prisonnier est affecté dans l’un de ces services pour y apprendre un métier. Une ferme construite par l’Onuci à l’initiative des prisonniers de la ville offre un cadre agréable de travail aux détenus qui y exercent. « Tous les matins, je donne la nourriture aux canards puis aux lapins. Je lave les abreuvoirs, je vais chercher un peu d’eau pour les animaux, je fais l’entretien de la cour » telle est la description d’une journée de travail d’un détenu qui a choisi d’être éleveur.
Possibilités d’évasion ?
«Certains prisonniers dès qu’ils ont le bénéfice de la semi-liberté, prennent la clé des champs. Je trouve qu’ils sont inconscients. La prison, c’est pour te permettre de changer. C’est un conseil que la société te donne, si tu dois fuir c’est que tu n’a rien compris », dit ‘le gros’ en terme de conseil aux potentiels fugitifs. Mais pour ceux que nous avons rencontrés, cette idée n’effleure pas leurs esprits. « Sur douze mois, j’ai passé dix à la maison d’arrêt. Ce ne sont pas les deux mois restant qui vont me faire fuir », souligne un condamné. L’avantage de ces prisonniers est qu’ils ont la possibilité de sortir et vaquer librement à leur occupation dans la ville. L’article 683 le dit clairement. « Les permissions de sorties autorisent un condamné à s’absenter d’un établissement pénitentiaire pendant une période de temps déterminée qui s’impute sur la durée de la peine en cours d’exécution ». Malheureusement, certains profitent de cette disposition de la loi pour ne plus revenir sur leurs pas. Ce qui n’est pas le cas de cet autre détenu. « En ce qui me concerne, il me reste trois mois à passer ici. Si je fuis, la gendarmerie sera à mes trousses et si on me prend, ce sera un autre délit en plus. Je compte finir ma peine et partir en toute liberté ». Que feront-ils une fois la liberté recouvrée ?
La vie après la prison
Le tout premier interlocuteur n’a aucune envie de retourner au village une fois libre. Manœuvre agricole de son état, il compte refaire sa vie dans une autre localité. « A ma sortie, je me propose d’hypothéquer le peu de biens qui me reste pour m’installer dans une autre ville. Je ne veux pas revivre les tristes souvenirs du village, puisque c’est là que j’ai été arrêté. En plus, je ne sais pas quel accueil me sera réservé », s’inquiète le futur libéré. Contrairement à un autre qui lui a l’intention de reprendre ses activités là où il les a laissées. « Je suis réparateur de moto, je préfère reprendre mon travail quand je vais quitter ici », réagit l’un de nos interlocuteurs qui, jusque-là, n’avait encore rien dit. Grand par la taille mais avare en parole, il ne faisait que regarder les lèvres de ses camarades remuer, chaque fois que quelqu’un intervenait. Les autres sont restés évasifs sur ce qu’ils feront de leurs libertés. Ce sont pour la plupart ceux qui n’avaient pas de métier avant la prison. Ils disent prendre le temps de réfléchir sur la question. D’autres, par contre, promettent monnayer ce qu’ils ont appris en prison dans l’espoir que cette occupation les éloignera du monde des désœuvrés. Car, selon eux, c’est parce qu’ils étaient sans occupation qu’ils ont été tentés de poser des actes répréhensibles qui les ont conduits à la prison.
Alain Kpapo à Gagnoa
Certains prisonniers n’ayant pas de parents chez qui loger, ont construit des cabanes de fortune où ils passent la journée. Cabanes situées dans les rayons de la prison, à proximité d’un grand bas-fond marécageux surtout en cette période de pluie. C’est à cet endroit que nous sommes allés rencontrer certains locataires de ces habitats précaires. Habitations d’une pièce, qu’ils partagent à deux ou trois voire plus. En ces lieux, il leur arrive de recevoir leurs femmes par moments. C’est le cas d’un d’entre eux. Il s’appelle Charles Bilé. En compagnie de sa fiancée, celui-ci confie : « Je suis marié et j’ai des enfants avec ma femme. Elle vit au village avec les enfants et, de temps à autre, elle vient me rendre visite durant quelques jours avant de retourner », affirme-t-il.
La galère au bagne
Notre second interlocuteur, lui, n’est pas marié. D’un physique frêle, il semble plus jeune que le précédent. Nous le trouvons au moment où il s’apprêtait à sortir pour répondre à un rendez-vous gastronomique. « Ici, on se débrouille pour manger. Je vais de ce pas au quartier x chez des parents à la recherche de quoi manger » explique le jeune homme. A en croire ces prisonniers, leur statut de semi-liberté ne leur permet pas de partager les plats de ceux qui sont en cellule. « Je ne peux plus manger à la prison. S’il y a des dons à faire, nous ne sommes pas pris en compte », regrette un autre bénéficiaire de la semi-liberté. A côté du problème de la nourriture, il y a celui de la santé. Certes, la prison s’occupe des premiers soins mais ne va pas jusqu’au bout. « Pour être sûr d’être mieux traité, il faut que tes propres parents interviennent. Ce ne sont pas les gardes qui vont se charger de soigner un prisonnier », intervient énergiquement ‘le gros’ qui vraisemblablement passe pour être le porte-parole. Quand il parle, les autres l’écoutent religieusement puis acquiescent de la tête pour dire qu’ils partagent son avis. Il nous présente un homme assis non loin de là, la soixantaine révolue. Il souffre d’un mal pernicieux. N’ayant aucune assistance, il reste la prie de la maladie qui le ronge chaque jour. Le regard lointain depuis notre arrivée, il semble coupé du monde. Tout ce qui se passe autour de lui le laisse froid. Nous n’osons pas lui arracher des mots pour ne pas perturber sa solitude. Qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que ces hommes se retrouvent aujourd’hui en prison ?
Les causes
Ils ont certes le même statut mais les raisons qui les ont amenés dans cet univers carcéral divergent d’un détenu à l’autre. « J’ai été accusé d’homicide, et j’ai pris trois ans de prison », raconte l’un des prévenus. L’autre explique : « je suis condamné à une peine de douze mois pour vol de nuit en réunion ». Les autres n’ont pas eu le courage d’avouer le motif de leur incarcération. Toutefois les raisons sont diverses. Détention illicite de drogue ou sa consommation, détournement d’argent, cambriolage…
Vivre en prison
Pendant qu’ils sont en semi-liberté, les prisonniers ne sont pas sans activité. L’article 683 stipule que « le placement à l’extérieur permet au condamné d’être employé en dehors d’un établissement pénitentiaire à des travaux contrôlés par l’administration ». Ainsi pour leur permettre de se réinsérer dans la société, des activités leur sont proposées. Le jardinage, la riziculture, l’élevage… Chaque prisonnier est affecté dans l’un de ces services pour y apprendre un métier. Une ferme construite par l’Onuci à l’initiative des prisonniers de la ville offre un cadre agréable de travail aux détenus qui y exercent. « Tous les matins, je donne la nourriture aux canards puis aux lapins. Je lave les abreuvoirs, je vais chercher un peu d’eau pour les animaux, je fais l’entretien de la cour » telle est la description d’une journée de travail d’un détenu qui a choisi d’être éleveur.
Possibilités d’évasion ?
«Certains prisonniers dès qu’ils ont le bénéfice de la semi-liberté, prennent la clé des champs. Je trouve qu’ils sont inconscients. La prison, c’est pour te permettre de changer. C’est un conseil que la société te donne, si tu dois fuir c’est que tu n’a rien compris », dit ‘le gros’ en terme de conseil aux potentiels fugitifs. Mais pour ceux que nous avons rencontrés, cette idée n’effleure pas leurs esprits. « Sur douze mois, j’ai passé dix à la maison d’arrêt. Ce ne sont pas les deux mois restant qui vont me faire fuir », souligne un condamné. L’avantage de ces prisonniers est qu’ils ont la possibilité de sortir et vaquer librement à leur occupation dans la ville. L’article 683 le dit clairement. « Les permissions de sorties autorisent un condamné à s’absenter d’un établissement pénitentiaire pendant une période de temps déterminée qui s’impute sur la durée de la peine en cours d’exécution ». Malheureusement, certains profitent de cette disposition de la loi pour ne plus revenir sur leurs pas. Ce qui n’est pas le cas de cet autre détenu. « En ce qui me concerne, il me reste trois mois à passer ici. Si je fuis, la gendarmerie sera à mes trousses et si on me prend, ce sera un autre délit en plus. Je compte finir ma peine et partir en toute liberté ». Que feront-ils une fois la liberté recouvrée ?
La vie après la prison
Le tout premier interlocuteur n’a aucune envie de retourner au village une fois libre. Manœuvre agricole de son état, il compte refaire sa vie dans une autre localité. « A ma sortie, je me propose d’hypothéquer le peu de biens qui me reste pour m’installer dans une autre ville. Je ne veux pas revivre les tristes souvenirs du village, puisque c’est là que j’ai été arrêté. En plus, je ne sais pas quel accueil me sera réservé », s’inquiète le futur libéré. Contrairement à un autre qui lui a l’intention de reprendre ses activités là où il les a laissées. « Je suis réparateur de moto, je préfère reprendre mon travail quand je vais quitter ici », réagit l’un de nos interlocuteurs qui, jusque-là, n’avait encore rien dit. Grand par la taille mais avare en parole, il ne faisait que regarder les lèvres de ses camarades remuer, chaque fois que quelqu’un intervenait. Les autres sont restés évasifs sur ce qu’ils feront de leurs libertés. Ce sont pour la plupart ceux qui n’avaient pas de métier avant la prison. Ils disent prendre le temps de réfléchir sur la question. D’autres, par contre, promettent monnayer ce qu’ils ont appris en prison dans l’espoir que cette occupation les éloignera du monde des désœuvrés. Car, selon eux, c’est parce qu’ils étaient sans occupation qu’ils ont été tentés de poser des actes répréhensibles qui les ont conduits à la prison.
Alain Kpapo à Gagnoa