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Art et Culture Publié le mardi 22 juin 2010 | Le Mandat

Interview/ Fortuné, artiste comédien : « Le théâtre est fini lorsque nos prédécesseurs ont arrêté de jouer »

A l’état civil, Akakpo Massé Fortuné, artiste comédien-humoriste, a des origines togolaises béninoises et portugaises et également ivoiriennes, plus précisément baoulé de Toumodi. Marié et heureux père de deux enfants, il est acteur dans l’émission satirique ‘’Quoi de neuf ?’’. Nous l’avons rencontré pour un entretien.

Comment êtes-vous arrivé à la comédie ?

J’ai appris le métier de comédien sur le tas, aux côtés de John Djongos (artiste musicien, compositeur comédien, metteur en scène) qui habitait le même quartier où je réside actuellement. En son temps, je fréquentais la classe de 4ème et les soirs, quand il répétait ses textes au quartier, je lui tenais ses brochures. A force de le voir et de l’écouter répéter, j’ai fini par maîtriser presque tous ses textes. C’est aux côtés de cet artiste pluridimensionnel, que j’ai fait la connaissance de Maï La Bombe, Assandé Fargas, Lance Touré et bien d’autres. Toutes les personnes m’ont formé parce qu’à l’époque, John Djongos était acteur dans la troupe ‘‘Les soleils de Cocody’’ et, c’est à travers lui que j’ai connu d’autres acteurs. Un jour, pendant qu’ils jouaient au Théâtre de la Cité à Cocody, un acteur de la troupe a fait défection et il fallait le remplacer. Et comme j’étais présent, ils ont voulu que je joue son rôle. Mon premier jeu sur scène s’est donc passé à Odienné, au cinéma ‘’Kabadougou’’. J’avais le trac mais je suis arrivé à le dominer. J’ai été alors fasciné par le talent de John Djonkos, et c’est ce qui m’a motivé à m’impliquer corps et âme dans ce métier.

Est-ce à dire que vous n’avez pas suivi de formation dans une école de théâtre ?

Je n’ai jamais fréquenté une école de théâtre. C’est grâce à John Djongos que j’ai embrassé ce métier. C’est lui qui m’a enseigné tous les jeux sur scène.

Mais nous avons remarqué que vous jouez plus dans les films que dans les pièces de théâtre. Comment l’expliquez-vous cela ?

Un bon comédien doit se former. Il faut donc commencer essentiellement par le théâtre. La plupart des grands comédiens tels que Bienvenue Neba, Attawa Mathieu, ont commencé par le théâtre, avant d’arriver au cinéma. Donc un comédien a d’abord une bonne base, une formation théâtrale et artistique.

Cependant, il y en a qui brûlent ces étapes, mais deviennent très excellents. Dans notre génération, il fallait avoir une bonne base d’acteur de théâtre avant d’embrasser la carrière de comédien de cinéma et bien d’autres.

Vous arrive-t-il d’écrire des scénarios ?

Non, j’évite d’être boulimique. Non pas parce que je suis paresseux, mais il m’arrive d’en écrire car je pense qu’un scénariste, c’est un esprit vraiment à part. Je suis metteur en scène et je ne peux pas être tout à la fois, de peur de ne pas avoir un regard critique pour apprécier mon travail.

Quel rang occupe le théâtre ivoirien en Afrique ?

Le théâtre est fini lorsque nos prédécesseurs ont arrêtés de jouer. Nos grands-frères que sont Attawa Mathieu, Bitty Moro, Bienvenue Neba, Antoine Soudé, ont arrêté de jouer au théâtre. Après eux, est venue la génération de John Djongos, Diallo Ticouhaï Vincent. Depuis que ces derniers se sont arrêtés, le théâtre a commencé à sombrer. Notre génération constituée d’Adama Dahico et les autres, ne fait que de l’humour.

Comment expliquez-vous ce déclin du théâtre ?

Pour monter une pièce de théâtre, il faut s’appuyer sur un texte, il faut une mise en scène, il faut payer les déplacements, il faut calculer la charge des paroles, des textes, la force des répliques, la beauté du texte et beaucoup d’autres choses encore.

Maintenant, on prend le raccourci, on va à l’humour, on fait rire les gens et c’est plus rapide. Le théâtre est devenu tellement cher qu’on ne peut plus supporter les charges.

Et la série dans laquelle vous jouez, ne coûte-t-elle pas chère ?

La série ‘’Quoi de neuf ?’’ dans laquelle je joue, n’est pas du théâtre. Ce sont des sketches filmés qui ne sont pas aussi chers que le théâtre. Avec les nouvelles technologies de l’information, ces sketches ne coûtent pas chers. Alors qu’avec le théâtre, il faut trouver les acteurs qui vont y jouer, les intéresser à la chose, avoir des séances de lecture au départ où chaque acteur lit son rôle et essaie d’en sortir le substrat. Cette étape finie, il faut que le réalisateur soit convaincu de l’engagement de ceux qui veulent faire cette mise en scène. Après cela, il faut trouver de l’argent pour payer le transport des acteurs, pour faire les costumes, louer la salle. Tous ces paramètres rendent le théâtre très cher.

Pouvez-vous expliquer le changement de nom de la série dans laquelle vous jouez ?

Le changement de nom n’est pas le fait du comédien mais du réalisateur, Jean Baptiste Biéné qui exerce à la Rti ou du directeur artistique, Zahon Gabriel. C’est auprès de ces deux personnes que vous pouvez avoir la réponse à votre question.

Akissi Delta et vous, apparteniez à la même équipe au départ. Pourquoi est-elle partie ?

Cette question, ce n’est pas à moi que vous devriez la poser mais plutôt à Delta, parce que c’est elle qui est partie.

Quels sont vos rapports depuis son départ ?

Nous nous entendons bien. Elle était notre directrice artistique à ‘’Qui fait ça ?’’ Et nous avons gardé le contact jusqu’à présent, depuis son départ. Avec le talent qu’on lui connait, elle a réalisé son film ‘’Ma Famille’’ qui passe sur les chaînes étrangères actuellement et cela a été une réussite. Je suis vraiment fier qu’elle soit partie et qu’elle ait du succès.

Pourquoi elle ne vous a pas joint à l’équipe de ‘’Ma Famille’’ ?

Elle ne pouvait pas prendre la même équipe pour aller jouer dans son film. Il y a plusieurs acteurs à qui d’ailleurs, elle pouvait faire appel pour former une équipe et c’est ce qu’elle a fait. Delta a pris un risque en quittant ‘’Qui fait ça ?’’ et ce risque a été payant de tel sorte que cela n’a laissé personne indifférent. Juste pour dire que le travail paye.

Comment trouvez-vous la nouvelle génération de comédiens ?

Parmi les gens de cette nouvelle génération, il y en a qui sont formidables. A part ceux avec qui je travaille, on peut citer Agal Awal et Le Magnifik qui sont des étoiles montantes. Pour les jeunes qui jouent dans les séries télévisées comme ‘’Campus’’, ‘’Teenagers’’ et autres, quelques uns arrivent à tirer leur épingle du jeu.

Mais pour la plupart, non. Ce n’est pas pour leur tirer dessus mais c’est pour leur dire qu’ils ne sont pas prêts. Maintenant, si le succès les a surpris, il faut qu’ils travaillent pour mériter la place qu’ils occupent. Parmi les acteurs qui ont du talent, il faut compter les acteurs de ‘’Actor studio’’ formés par Sidiki Bakaba.

Marie Rose Guiraud a formé en son temps, plusieurs jeunes au théâtre et à la danse. Quel souvenir avez-vous de cette grande dame de la culture ?

Je suis trop petit pour parler de Marie Rose Guiraud. Les personnes qui peuvent parler d’elle sont au Gouvernement. Ce que je sais de cette dame, c’est qu’elle est une marque déposée de la culture ivoirienne. C’est une dame qui a fait rêver toute une génération. Elle est partie du pays malgré elle, en laissant des jeunes dans des conditions difficiles dans sa fondation Edec (Ecole de Danse et d’Echanges Culturelles). C’est de cette fondation qu’est venu Wayou, un jeune talentueux qui joue aussi à ‘’Quoi de neuf’’.

Elle veut attendre en 2011, après les élections pour revenir

Je demande à maman Rose de ne pas attendre forcément que les élections aient d’abord lieu avant de revenir. Je souhaite qu’elle vienne, quel que cela soit ce qui va lui coûter. C’est son pays ici. Nous avons hâte de la savoir.

Et si son projet qu’elle a en tête échoue quand on sait que certains américains sont prêts à venir investir dans sa fondation ?

C’est vrai qu’en toute chose, il faut de l’argent. Je comprends sa préoccupation. Mais les élections en Côte d’Ivoire, nous ne savons pas quand elles se tiendront. Donc, si elle a des projets pour son école, qu’elle vienne sans tenir compte de la situation du pays. L’être humain ne peut vivre éternellement. Il peut mourir d’un moment à l’autre. Je demande à notre maman de ne point hésiter et que, si elle a la force d’entreprendre quelque chose dans son pays, qu’elle le fasse maintenant au lieu d’attendre.

Avez-vous un appel à lancer ?

La politique appartient aux politiciens. Je demande aux gens de les laisser faire leur politique. Nous qui faisons des métiers, consacrons-nous à nos métiers. Il ne faudrait pas que nous attendions que les politiciens trouvent des idées pour le développement de notre pays. Qu’on ne résume pas tout à la politique. Que chacun fasse sa part de travail. Quant aux politiciens, je leur demande de s’entendre sur l’essentiel parce qu’à les écouter, on se rend compte qu’il y a beaucoup plus de chose qui les unissent que celles qui les divisent. Donc, qu’ils se focalisent sur les choses qui les unissent afin qu’on sorte rapidement de cette crise qui n’arrange personne. La population a soif de gaieté et de liberté. Aidez Marie Rose Guiraud à rentrer au pays, dans de bonnes conditions et à reconstruire son école, pour l’avenir de nos enfants qui ont choisi le métier de l’art. Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire.

Réalisée par Adèle Kouadio
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