Entretien / Moquadame Konaté, chef des soufis - ‘’Le Soufisme n’est pas une secte, c’est une religion’’

Considéré comme une secte par certains, le soufisme conquiert petit à petit sa place au cœur de la communauté musulmane en Côte d’Ivoire. Pour mieux éclairer l’opinion sur les fondements du soufisme, le premier des soufis responsable s’explique. Entretien.
On vous appelle musulman soufi. Quelle signification donnez-vous du soufisme ?
On nous appelle ainsi parce que nous pratiquons le soufisme qui est, une partie orthodoxe de l’Islam. Le soufisme signifie l’abandon total de soi à la volonté de Dieu. C’est de respecter toutes les créatures de Dieu, même la nature. Nous n’offensons jamais quelqu’un ou quelque chose dans la vie, même une fleur. On ne doit pas la cueillir sans cause. Nous prônons également, l’amour du prochain. Les soufis ont existé bien avant le prophète Mohammed. Abraham et Salomon étaient des soufis.

Quelle est la place du soufisme dans l’Islam ?
Le soufisme fait partie de l’Islam. En réalité, un bon musulman est un soufi. Le soufisme est un degré de l’Islam. On peut être un musulman sans être un soufi, parce que la pratique du soufisme est difficile. Car tourner le dos à toutes les belles choses de la vie ce n’est pas facile. Le soufisme cherche l’intégrité dans le comportement humain, les pratiquants cherchent la face cachée de Dieu.

Que répondez-vous à ceux qui disent que le soufisme est une secte ?
Le soufisme n’est pas une secte, c’est une religion. C’est une qualité de foi qui pousse l’homme à aimer son Dieu par ses actes.

Quelles sont les conditions pour être un soufi ?
Pour faire partie des soufis, il faut être un musulman. Réciter un serment, accomplir cinq purifications. La première, c’est la purification du cœur en chassant tous les mauvais sentiments, la bouche de sorte qu’il en sorte rien que la vérité. Puis, le ventre, ensuite les yeux parce qu’à trop regarder on finit par aimer et à vouloir coute que coute obtenir ce qu’on aime. Il y a, enfin, la purification externe et interne en faisant des ablutions.

On vous remarque par votre aspect extérieur, notamment par les dreads sur la tête. Peut-on savoir pourquoi vous en portez ?
Les soufis n’ont pas d’aspect spécifique. C’est l’amour de Dieu que nous cherchons, et c’est dans le cœur que tout se passe. Il y a certains qui portent des vêtements en aillons, avec beaucoup de cheveux sur la tête. C’est pour montrer à l’humanité qu’ils n’ont pas l’amour de ce bas monde. Ils se retirent dans la brousse, pour chercher la face de Dieu. Leur aspect physique est un peu bizarre parce que là-bas ils ne s’en occupent pas. Les dreads que nous portons, sont synonymes de la puissance, et une façon d’honorer les premiers soufis. Par ailleurs, notre aspect nous permet d’éloigner les gens susceptibles d’être une entrave à notre élévation spirituelle. A ce sujet, le prophète Mohammed a dit qu’il avait pu fermer toutes les passerelles du péché sauf celles de la femme et de l’argent. Donc pour que les femmes aient peur des hommes soufis, ceux-ci se sont délaissés physiquement.

Vous êtes donc les premiers à avoir les dreads ?
Oui nous sommes les premiers. On peut donc dire que nous sommes les pères des dreads. Contrairement à ce que les gens pensent, les rastafaris sont des imitateurs de la vie des soufis. Il y a des chanteurs qui ont reconnu cela dans leurs chansons. Alpha Blondy, par exemple, a dit qu’être rasta n’est pas synonyme de vol, de mensonge, et de tricherie. Mais, c’est quelqu’un qui pardonne, qui est tolérant. Et c’est exactement ce que font les soufis.

Depuis quand êtes-vous en Côte d’Ivoire ?
La communauté soufie est en Côte d’Ivoire depuis 2000. Ça fait donc 10 ans que nous existons.

Il y a certains aliments tels que la viande que vous ne consommez pas...
Nous ne consommons pas la viande de porc, qui est interdite par l’Islam. Par contre, un maître soufi peut interdire toute sorte de viande, d’aliments cuits sur le feu à son élève. L’objectif de cette abstinence c’est d’amener le soufi à grandir spirituellement.

Le mariage interreligieux existe-t-il chez vous ?
Oui, nous acceptons le mariage interreligieux. Depuis notre arrivée en Côte d’Ivoire, en particulier, à Abidjan, nous avons célébré plus de 243 mariages. Pour vous dire que le soufi se marie avec tout le monde pourvu qu’il ait l’amour. Nous interdisons les mariages qui sont interdits par l’Islam. En l’occurrence, le mariage entre les personnes du même sexe. Mais, il y a des soufis qui ne se marient pas parce qu’il y a des pratiques du soufisme qui ne favorisent pas la vie en famille. Certains font 7 ou 10 ans avant de se marier. J’ai moi-même attendu 7 ans avant de me marier. Tout simplement parce que mon cœur et mon esprit n’étaient consacrés qu’à Dieu. Si tu veux atteindre certains degrés du soufisme tu ne dois pas te marier.

Il y a des religieux qui s’intéressent de plus en plus à la politique, qu’en pensez-vous ?
Les soufis s’intéressent seulement à la chose religieuse. Nous ne nous ingérons pas dans la politique. Mais, si certains de nos fidèles veulent faire de la politique nous ne les empêchons pas. Il faut seulement qu’ils prônent la vérité, l’amour, le pardon et la tolérance
Réalisé par P.A.T