Il se nomme Bayoli Agou Serge. Célibataire, il est père de 11 enfants et originaire de Bayota, dans la sous-préfecture du même nom. Il serait le parrain de Christelle, une gamine de 10 ans à peine qu’il a initiée aux choses de la nuit. Avant de lui donner des ordres.” Il m’a demandé de livrer ma mère et mon petit-frère”, raconte la petite Christelle puis de poursuivre “ on a mangé les fesses et les seins de ma mère”. Agou Serge en véritable maître de la confrérie, a droit de vie ou de mort sur ses concitoyens. Selon sa filleule, c’est sur les ordres d’Agou que le groupe passe à l’action aux moyens des empoisonnements mystiques. Ils ont à leur tableau de chasse plusieurs victimes dont une dame, officier des eaux et forêts. Agou et son groupe opéraient ainsi à l’insu des populations jusqu’au jour où “ il est revenu à la charge pour réitérer sa demande de lui offrir mon petit-frère parce que j’ai mangé pour lui”, explique la complice d’Agou. Elle ne pouvait que mettre à exécution les recommandations de son patron. Le petit-frère tombe malade et le père ne sait où donner de la tête. “ Un jour, mon fils pique une crise. En dépit des soins intensifs reçus à l’hôpital, la situation ne faisait qu‘empirer. Lorsque la maladie a atteint son point culminant, Christelle a avoué les faits et a pointé un doigt accusateur sur Agou”, confie Bitty Honoré à la fois père de Christelle et du malade. Le ventre du patient s’enflait d’importance. “Le ventre de l’enfant leur sert de grenier où ils gardent le reste de la chair humaine séchée”, dévoile un autre témoin. Le tribunal villageois se saisit de l’affaire et demande à Agou de jurer si vraiment il ne se reconnaît pas dans cette accusation. Ce qu’il refuse catégoriquement. “ J’ai refusé de jurer parce que ce jour là, il pleuvait. Dans notre tradition, on ne jure pas sous la pluie”, se défend l’accusé. Qu’à cela ne tienne, les notables exigent de lui la délivrance de sa future victime. Cela s’est traduit par une très forte diarrhée qu’a eue le malade avant que son ventre ne revienne normal. Mais cela n’a pas suffi à la guérison totale et entière du malade. Et les regards se tournent à nouveau vers Agou. “ Ma fille Christelle dit qu’Agou seul peut délivrer son petit-frère. Pourquoi refuse-t-il ?”, s’interroge le père. La question est retournée à Agou. “ Je ne suis pas sorcier et, tout ce que raconte Christelle n’est que pur mensonge”, déclare Agou pour se défendre. Ensuite il explique au tribunal que l’accusation portée contre lui n’est que la manifestation d’un complot. “ L’homme qui m’accuse est un vendeur de drogue dans le village. Un jour, je lui ai conseillé de mettre fin à ses activités. Dès lors, il a menacé de me créer des problèmes parce que je suis intervenu dans ses affaires. Peu de temps après, sa fille déclare que je l’ai initiée à la sorcellerie, pourtant je ne connais aucune notion de cette science. Je ne me reconnais donc pas dans cette accusation”, réagit énergiquement l’accusé. “ Vends-tu effectivement de la drogue?”, interroge le juge, Bitty Honoré le père de Christelle. “ C’était à l’époque, maintenant j’ai arrêté“, répond-il. Pour le parquet, l’article 205 du code pénal ne définit pas la sorcellerie mais plutôt parle de sa pratique. Pourtant dans le cas d’Agou, cette pratique n’est pas avérée. Ce ne sont que des accusations qui ne reposent sur aucun élément matériel. Doit-on dire qu’Agou est sorcier? La réponse donnée par le tribunal est négative. Agou est donc déclaré non coupable et relaxé pour délit non constitué.
Alain Kpapo à Gagnoa.
Alain Kpapo à Gagnoa.