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Politique Publié le jeudi 15 juillet 2010 | Le Patriote

Blé Mamadou (cadre de l’Ouest), à propos de la visite des chefs Dan chez Gbgabo: "Le peuple Dan ne votera jamais pour Gbagbo"

© Le Patriote Par Prisca
Union pour la démocratie et pour la paix (UDPCI) : Le président Mabri Toikeusse inaugure son Cabinet
Mercredi 14 juillet 2010. Abidjan, Cocody Angré, 8eme tranche. L`UDPCI inaugure le Cabinet de son président, en présence des partis frères.
La récente visite des chefs Dan à Laurent Gbagbo n’est pas du goût de certains cadres de l’ouest montagneux, dont Blé Mamadou. Dans cette interview, le directeur département de campagne du candidat Alassane Ouattara pour les 18 Montagnes, s’insurge contre l’instrumentalisation de la misère des populations et dénonce les visées électoralistes de l’opération.

L.P. : On a vu récemment une forte délégation de chefs Dan rencontrer le chef de l’Etat à Mama. Peut-on dire que c’est la fin de la brouille entre Gbagbo et les populations Dan ?

Blé Mamadou : Non. La réalité est très loin de cela. Ceux qui sont allés à Mama, y sont allés pour des raisons qui leurs sont propres, mais ils ne représentent pas la population Dan, ils ne représentent pas le peuple Dan. Ils sont allés à Mama, mais tout le monde sait qu’ils ne portent pas Gbagbo dans leur cœur. Ils savent cependant la raison de leur déplacement. La plupart des chefs ont répondu par souci d’équité envers tous les leaders politiques. Chez nous, un chef est au dessus des considérations partisanes. Cela dit, il est facile de savoir que ce ne sont pas des militants politiques qui sont partis à Mama. Certains ont voulu faire de la récupération politicienne. Eux, ce sont des suiveurs.

L.P. : Ces chefs traditionnels sont-ils tout de même représentatifs des populations ?

B.M. : on ne peut pas savoir avec précision si tous ceux qui ont fait le déplacement étaient des chefs traditionnels et s’ils sont vraiment représentatifs comme vous le dites. Il y en avait certes. Cependant, que pèsent les partisans de Gbagbo parmi eux ?

L.P. : vous n’en avez pas reconnus sur les images ?

B.M. : j’en ai reconnus sur les images de certains journaux. Mais justement, tous ceux que j’ai reconnus n’étaient pas représentatifs. Ceux que j’ai reconnus sont ceux qui mangent à tous les râteliers. Je parle en connaissance de cause. Ils ne sont pas dignes de confiance.

L.P. : Etaient-ils fondés à faire le déplacement pour dire merci au chef de l’Etat pour sa sollicitude envers eux ?

B.M. : Je ne le pense pas. Ce que je peux, par contre, affirmer, c’est qu’il s’agit d’une visite de digestion, une visite alimentaire. Quand quelqu’un vous a offert à manger où vous a donné de l’argent, vous vous rendez chez lui pour lui dire merci. C’est dans ce cadre là qu’il faut situer cette visite. Eux-mêmes le disent : « le Chef de l’Etat nous a donné un milliard, il faut donc le remercier ». C’est de cela qu’il était question. Gbagbo sait que le peuple Dan ne votera jamais pour lui. Il le sait.

L.P. : pourquoi ?

B.M. : Il le sait. Tout simplement parce qu’il a échoué dans toutes ses promesses qu’il nous a faites. Le peuple Dan ne votera jamais pour lui. Il y a un problème fondamental qui n’est pas résolu.

L.P. : quel est le contentieux entre les Dan et Laurent Gbagbo ?

B.M. : Gbagbo le sait. Pas plus tard que ce matin, (hier, ndlr), j’ai lu quelques articles qui disaient que les populations Dan reprocheraient à Gbagbo d’avoir été à l’origine de l’assassinat du général Robert Gueï. Gbagbo a toujours démenti les faits, expliquant que les évènements se sont passés à un moment où il se trouvait en Italie. Ces explications ne peuvent être avalées que par des personnes naïves. C’est le contentieux. Maintenant, on nous dit que la réconciliation est faite. De quelle réconciliation s’agit-il ? Ceux qui sont partis, ne sont pas représentatifs du peuple Dan. On ne peut donc pas parler de réconciliation, on ne peut pas parler de contentieux qui serait vidé. Je ne crois pas que ce soit le cas. Le peuple Dan attend que les enquêtes qui ont été réalisées soient sues et qu’un procès s’ouvre afin que la justice dise ce qui s’est passé pour que l’ancien chef de l’Etat soit assassiné. C’est le rôle premier du chef de l’Etat de mettre fin à toutes les supputations. Le Général Guei Robert, qui a beaucoup donné à sa patrie, en a besoin.

L.P : Etes-vous contre cette façon de faire ?

B.M. : Oui, bien sûr ! C’est ce que nous déplorons hélas. On déshumanise, on banalise et on instrumentalise nos chefs. C’est choquant. On les réduit à la mendicité perpétuelle. Un chef qui est obligé de mendier pour pouvoir manger, c’est un drame. Figurez-vous qu’après une rencontre avec le chef de l’Etat, ils n’ont eu droit, pour les plus chanceux, qu’à une boite de sardine, un pain et 5000 FCFA.
J’ai un appel a lancé. Je disais que tous ceux qui sont partis n’étaient pas significatifs, on ne peut pas les rejeter pour autant. Bien que chefs, ils peuvent se tromper aussi. Je leur demande de ne pas abandonner la voie de la sagesse. Un chef, c’est d’abord la sagesse.
L.P. : N’êtes-vous pas, en tant qu’opposant, en train d’exprimer un sentiment de jalousie face au succès de cette rencontre, qui aura mobilisé un millier de chefs ?

B.M. : Jalousie pour quoi ? Vous donnez des chiffres, parlons-en. On nous dit que 1068 chefs, 20 ou 120 imams auraient fait le déplacement. Où est la vérité ? Je vous ai dit tout à l’heure que personne ne pouvait vérifier les chiffres. Vous et moi, n’étions pas sur le terrain. Ce sont des chiffres avancés. Ce que je peux en revanche dire, c’est que c’est une opération marketing qui a échoué. Parce qu’on nous parle de 3000 visiteurs qui auraient été transportés par 52 « Dyna », suivez bien. On nous dit également que certains de ces véhicules n’auraient pas respecté leurs engagements. Supposons que ce soient seulement 2 qui n’auraient pas honoré leurs engagements. Il en reste 50, divisez 3000 par 50, cela vous donne 60 personnes par « Dyna ». C’est de la propagande. Tout simplement la preuve que ces chiffres là sont faux et n’ont aucune valeur.

L.P. : Vous pouvez tout de même reconnaître que le Chef de l’Etat est reconnaissant à cette région en nommant plusieurs fils des Montagnes à des ministères ou hauts postes de l’administration?

B.M. : Le développement d’une région ne résume pas à la nomination des cadres. Ce n’est pas du tout cela. Nous demandons le développement de nos infrastructures et la mise ne valeur de nos potentialités. Les promotions individuelles ne servent que les individus. Or, une route bitumée, un hôpital bâti ou une Ecole construite, valent mieux que dix nominations. Ces nominations répondent plutôt à des critères politiques. Gbagbo a une conception bien curieuse du développement. Il instrumentalise la misère des populations. Quand Alassane Ouattara sera au Pouvoir, vous verrez. Il fera autre chose. Il a un programme précis pour notre région. Ce sont plus de 700 milliards de FCFA qu’il a promis pour sortir la région de la misère. Un véritable plan de relance pour les 18 Montagnes a été confectionné avec des experts. Ce n’est pas la nomination des cadres qui fait qu’une région est développé ou pas. En construisant les Universités et les nombreuses Ecoles en 1990 à 1993, Ouattara a privilégié le bien commun aux intérêts personnels mus par des calculs politiciens.

L.P. : Une Haute autorité a été créée pour combler ce vide, n’est-ce pas ?

B.M. : Pour le principe, mais, est-ce le cas ? On distribue de l’argent tous azimuts pour qu’on suive Monsieur Gbagbo, comme des moutons. Ce n’est pas cela notre conception de la politique de développement. Il y a les infrastructures à mettre en place. En lieu et place, il distribue de l’argent partout, dans tous les villages pour corrompre les gens. Est-ce ainsi qu’on développe une région ? On réduit les gens à la mendicité, on les conditionne. Il faut qu’ils viennent tous les matins pour tendre la main pour qu’on leur remettre 5000 ou 10000 FCFA et parfois même 1000 FCFA. Pensez-vous que les jeunes peuvent construire leur avenir dans ces conditions ?


L.P. : Ne pensez-vous pas que le recrutement de plusieurs cadres de votre région par Gbagbo, est la preuve de sa percée dans la région ?

B.M. : La raison du départ de plusieurs cadres de l’ouest vers Gbagbo n’a qu’une seule explication. Je ne vous apprends rien, si je vous dis qu’il y a beaucoup d’argent qui circule dans cette affaire. Vous le savez peut être, mais je voudrais rappeler que beaucoup de personnes sont en politique pas pour défendre des valeurs. Ils le disent. « Il faut manger, en politique, il faut manger ». Vous savez d’où ces personnes viennent. Vous connaissez leur parcours politique. Vous avez des gens qui ont servi avec Bédié, quand il y a eu le coup d’Etat, ils ont sauté les deux pieds joints dans le camp du Général Robert Gueï. Depuis 2002, ont les a vus dans le fourgon de M. Gbagbo. Il s’agit de cette espèce de cadres alimentaires.
Ensuite, j’indique que le discours de Gbagbo est dangereux. Il a dit : « je suis le porte-étendard des Ivoiriens, les autres sont les portes étendards de l’étranger ». Il s’agit d’un mélange de nationalisme et de populisme. En ce sens qu’on nous dit, la Côte d’Ivoire est notre pays, nous sommes chez nous. Cela sous-entend : « nous les hommes de l’ouest, nous sommes les autochtones. C’est nous les autochtones de la Côte d’Ivoire, c’est nous qui devrions avoir droit au chapitre, c’est à nous que doivent revenir les postes de directions. Mettons nous ensemble pour défendre notre pays contre les autres.». C’est ce que je qualifie d’idéologie d’autochtonie. C’est ce qui se dit dans les salons. C’est nous les autochtones, donc rassemblons-nous. On fait allusion, sans les citer, à Alassane et à Bédié, qui seraient les portes étendards d’autres. C’est-à-dire que ces deux personnalités qui ont servi l’Etat au plus haut niveau, travaillent pour l’étranger.

L.P. : Pensez-vous que ce discours est très dangereux pour l’unité nationale ?

B.M. : C’est un discours très dangereux. On ne construit pas une nation sur l’autochtonie. Une nation ne peut pas se bâtir avec une idéologie pareille qui est plus dangereuse que l’ivoirité. C’est pour cela qu’aujourd’hui, les intellectuels de tous les bords, les hommes de médias doivent se mobiliser pour combattre cette idéologie.

L.P. : N’est-ce pas là une occasion pour l’opposition de monter au créneau ?

B.M. : Oui. Il a dit que pendant la campagne, nous allons nous battre sur la question. Nous sommes d’accord. Nous allons démonter qui travaille réellement pour la renaissance de la Côte d’Ivoire. Je vous fais remarquer qu’on ne parle plus de « refondation », on parle plutôt de « renaissance ». Nous allons nous battre. J’en appelle à tous les intellectuels du RDR et du RHDP à se mobiliser pour cette bataille là. Gbagbo doit pouvoir assumer la Réfondation. Aujourd’hui, il a honte de ce système qu’il a assis et qui est devenu un drame pour le pays.


LP : Gbagbo et les porte-paroles de la délégation des chefs, ont semblé dire qu’entre l’ethnie du chef de l’Etat et les Dan, il y a des liens historiques.

B.M. : Puisqu’il s nous amènent sur le terrain familial, moi, je me situe aussi sur ce terrain. La vérité historique, c’est que les Dan sont de la grande famille des Mandé. Les Bété et les Yacouba sont totalement différents, rien ne les lie, à part le fait tout simplement que Dieu les a placés à l’ouest de la Côte d’Ivoire. Ils sont frères par leur appartenance à la Nation. Culturellement, historiquement, rien ne lie les Bété aux Yacouba. Gbagbo fait de la pure propagande. Cela n’a aucune base culturelle, historique, sociologique. Je leur demande de ne pas oublier l’histoire passée, de ne pas oublier l’histoire récente. Je les ramène aussi à l’alliance Senoufo, Dan. Il faut rappeler que les Dan ne sont pas du tout lié aux Bété mais à contrario, ils sont liés aux Senoufo, aux Malinké de tous temps. Les Malinké étant les Mandé du nord et les Dan étant les Mandé du sud. C’est la même langue. Il y a cela. Si on veut chercher des liens de fraternité, c’est de ce côté-là, qu’il faut regarder. Ensuite, il y a des alliances entre les Dan et les Senoufo.

L.P. : Ne tenez-vous pas là pas un discours tribal ?

B.M. : Non, c’est un discours pour mettre de l’ordre. C’est l’argument principal développé par Gbagbo pour appâter les chefs Dan. Nous n’avons pas le droit de laisser prospérer de tels discours manipulateurs dans la politique. Il y a beaucoup de mensonges, de contrevérités, de manipulations. C’est un discours pour rétablir la vérité historique. Entre Yacouba et Bété, ce n’est pas la même famille, ce n’est pas le même groupe linguistique, ce n’est pas le même groupe culturel. Absolument rien, ne peut les rassembler. C’est une opération totalement électoraliste, il n’y a aucune base, aucun fondement.

L.P. : Il y a quelques mois, le président Ouattara était dans votre région en visite. Qu’est-ce qui en reste aujourd’hui ?

B.M. : Il ne reste que d’excellents souvenirs. Jusqu’aujourd’hui, les populations ne parlent que de cette visite. Elles disent à tout moment qu’il faut qu’on aille à l’élection pour mettre fin à la souffrance des Ivoiriens, pour mettre fin à la souffrance des Manois et de la population des 18 Montagnes. Pour donner sa chance au candidat du RDR afin que ses promesses soient concrétisées. Les populations ont retenu de lui l’image d’un homme politique nouveau, loin de la démagogie des autres. Un homme obsédé par le développement et le bien-être des populations.

Réalisée par Charles Sanga
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