Lorsqu’il entend son nom, Kadji Ziadré Julien se lève du box pour se présenter à la barre, les deux mains à la hanche. Signe d’un mal de reins dont il souffre. Il y a de quoi puisque ce sont des reins qui ont fait 69 ans d’existence avec en prime 24 enfants. Cet homme à qui l’on doit beaucoup de respect pour sa grande expérience de la vie s’est malheureusement illustré à travers la sorcellerie. Sa victime n’est autre que son propre neveu, Gowa Gnagoré Honoré, infirmier de son état. Les faits remontent a la fin de l’année 2009. Selon Balié Ambroise, l’aîné d’Honoré, «mon petit-frère ma confié qu’en songe, notre oncle Ziadré est venu mettre dans sa bouche de la viande. Depuis ce jour-là, il est tombé gravement malade». Gnagoré Hortense, la femme d’Honoré le conduit à l’hôpital. Les soins intensifs dont il bénéficie lui permettent de se remettre d’aplomb. Mais pas pour longtemps. « Hortense, à son tour, a fait un songe dans lequel l’oncle la menaçait d’avoir soustrait son mari de son collimateur », indique l’aîné. Peu de temps après, Honoré rechute, sa maladie va crescendo. Le 31 décembre 2009, pour s’offrir de quoi fêter, l’oncle prend la résolution de mettre un terme à l’existence de son neveu par une fusillade. «Honoré nous a révélé que si cette maladie l’emportait, nous devons tenir pour responsable Ziadré parce que ce dernier vient de tirer sur lui à bout portant », dévoile le témoin. Après la révélation du malade, les médecins constatent qu’il manque de sang. « Sa femme ne faisait qu’acheter régulièrement des poches de sang », déclare Ambroise. Ce dernier pense qu’il y a lieu d’interpeller Ziadré. « Nous nous sommes rendus chez l’oncle. Je l’ai mis en garde en disant que je le tiendrai pour responsable si toute fois mon petit-frère venait à rendre l’âme », raconte Ambroise. Malheureusement, le 18 mai 2010 le malade succombe. Le tribunal villageois prend l’affaire en main; il convoque Ziadré qui avoue son forfait et s’exécute en payant l’amende y afférente : un cercueil, un pagne Kita, un casier de vin, un mouton, un poulet et une somme de 100 mille francs. Malgré le verdict du tribunal coutumier, Ambroise l’aîné du défunt porte plainte à la justice contre l’assassin. « Je ne suis pas sorcier et je ne l’ai jamais pratiqué. », rétorque l’accusé en levant la main droite au ciel comme s’il prêtait serment, au grand étonnement de tous. « Si tel est le cas, pourquoi as-tu accepté de payer l’amende au village ? », lui demande le tribunal. « Les villageois ont dit que si je refusais de donner le mouton, ce n’est pas grave. Dans la mesure où j’ai beaucoup d’enfants, l’un d’entre eux allait remplacer le mouton. C’est vous dire que j’ai reconnu les faits parce que indirectement mes enfants étaient menacés. Sinon je ne suis pas sorcier », a-t-il argumenté. Pourtant, il ne semble pas saint comme il veut le faire croire. A preuve, le 11 juillet 2005, il avait fait la une de l’actualité à Ouragahio, village où il a enterré un fétiche dans la cour d’un confrère de la radio locale dont le fils venait de réussir au baccalauréat. Là encore, il n’a pas reconnu les faits bien qu’il ait accepté de déterrer le fétiche quelques jours après. C’est justement ce comportement contradictoire que n’arrive pas à s’expliquer les juges. Autant il nie les faits, autant il est prompt à les réparer. Pour le cas spécifique d’Honoré, le tribunal a jugé opportun que la veuve comparaisse physiquement à la barre pour être entendue avant de trancher .L’affaire a donc été reportée au vendredi 16 juillet prochain.
Alain Kpapo à Gagnoa
Alain Kpapo à Gagnoa