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Faits Divers Publié le samedi 10 juillet 2010 | Nord-Sud

Crime Passionnel - Audrey, épiée, harcelée et tuée par son ex

Lasse d’être battue par Hervé Touré, son compagnon, Ouraga Audrey décide de partir avec la fillette qu’elle a eue d’une précédente union. Fou de jalousie, Hervé la harcèle et menace de la «balafrer». Le 23 mars, il achète un couteau de boucher.

Audrey, une jolie brune aux traits fins, a 24 ans quand elle rencontre en 2004 Hervé, un chauffeur-livreur(Solibra) de 21 ans. Mère d’une petite fille, Lucie, âgée de 2 ans, Audrey est enchantée par la prévenance d’Hervé qui la fait rire et la traite avec égards. Elle accepte donc de vivre avec lui d’abord dans un studio à Akéikoua, un quartier de la commune d’Abobo, puis au Dokui dans une maison de deux pièces. Très vite, Hervé affiche sa jalousie et suspecte Audrey de regarder d’autres hommes que lui; ce qui est totalement faux. La malheureuse a beau protester de son innocence, Hervé prend l’habitude de la battre allant jusqu’à lui arracher des touffes de cheveux ou à lui faire des bosses sur la tête.

Cocardes, bleus, scarifications sont autant de preuves que le conte de fée a pris fin. Parce qu’elle aime Hervé et qu’elle ne sait pas comment répondre à sa violence, Audrey fait profil bas. Quand le couple déménage à Treichville, là où vit la famille d’Audrey, cette dernière espère encore qu’elle peut sauver son foyer. Hélas, à la première occasion, Hervé lève la main sur elle et les coups pleuvent comme de la grêle. Plusieurs fois hospitalisée, Audrey se résigne à aller demander secours à la brigade de gendarmerie de la commune du maire François Amichia. Elle s’y rendra cinq fois en l’espace d’une année mais, apparemment, rien ne sera fait pour la mettre à l’abri des crises de violence de son compagnon.

Harcelée et battue

En 2008, parce qu’elle craint pour sa fille alors âgée de 6 ans, et aussi parce qu’elle ne veut plus subir, Audrey quitte son compagnon et emménage loin de lui c’est-à-dire au Remblais (Marcory). Peine perdue, Hervé la retrouve et la menace de pires sévices. Audrey sait qu’elle peut compter sur le soutien de sa famille, mais c’est surtout des forces de l’ordre et de la justice qu’elle espère un soutien qui, hélas, se fera attendre. Alors que les mois passent et qu’Audrey fait l’impossible pour tourner la page, Hervé trouve un autre embauche à la zone industrielle de Koumassi. Il est contremaître dans une usine de fabrication de barres de fer et de tôles. Hervé s’installe dans une maison de deux pièces non loin de chez Audrey. Il suit son ex et la traque où qu’elle aille. Il n’ignore rien de ses habitudes et la harcèle par téléphone. Le soir venu, Hervé vient taper à la porte du domicile d’Audrey pour affoler la jeune femme et terroriser Lucie.

En août 2009, Audrey rencontre un homme qui lui témoigne du respect et de l’affection. Et Hervé finit bien sûr par l’apprendre. D’août 2009 à mars 2010, il téléphonera 352 fois à Audrey et lui enverra 168 textos pour la menacer du pire si elle ne rompt pas avec son nouvel ami. Le 23 mars, en début d’après-midi, Hervé gare son véhicule devant l’hypermarché Prima center non loin duquel Audrey est vendeuse dans une boutique de vêtements. Il interpelle son ex en plein travail et lui demande des comptes sur sa nouvelle liaison. Furieux, le visage agité de rictus, il aura des gestes de menace avant de repartir en grommelant. Une heure plus tard, Hervé revient sur ses pas l’air menaçant. Il repart acheter un couteau de boucher qu’il cache dans sa manche et revient voir Audrey vers 17 heures. Pris de rage soudaine il se rue sur la jeune femme, la poignarde au ventre, vise son thorax et entaille les mains, qu’elle tend en avant pour se protéger. « Au secours ! Aidez-moi », crie la malheureuse en sang. Hervé la poignarde au visage et au cou puis la jette à terre et la poignarde de toutes ses forces au dos avant de prendre la fuite. Il est rattrapé par l’un des vigiles postés à l’entrée de l’hypermarché.

Transportée d’urgence au centre hospitalier universitaire (Chu) de Treichville, Audrey décède dans la soirée; l’un des coups de couteau d’Hervé Touré lui ayant perforé le foie. Elle avait 30 ans.

La sœur d’Audrey ira chercher Lucie à l’école en lui expliquant que sa maman a eu un accident. Hervé, 28 ans, a comparu le 19 mai devant le tribunal des flagrants délits du Plateau pour y répondre du meurtre avec préméditation-autrement dit de l’assassinat- d’Audrey. Quand le président du tribunal lui demande de s’expliquer sur les raisons qui l’ont poussé à battre Audrey, à la harceler et, enfin, à la tuer, l’accusé reste de glace. « Vous êtes obligé de nous parler, dira le juge, parce que nous, nous sommes obligés de vous juger ».

Hervé Touré décrit de mauvaise grâce sa jalousie croissante, la discussion avec Audrey qui s’envenime, l’achat du couteau et l’agression de ce 23 mars.

Pour tenter de justifier l’intensité de sa jalousie au moment du drame, le prévenu fait croire au tribunal que la rupture avec Audrey datait d’à peine dix jours, alors que la plupart des témoins affirment qu’elle était séparée d’Hervé depuis au moins quatre ans. Le magistrat évoque les innombrables menaces proférées par l’accusé contre la victime et rappelle qu’Audrey tremblait de peur à l’idée d’être confrontée un jour à son ex-compagnon. Jouant les étonnés, Hervé affirme ne pas comprendre les craintes d’Audrey.

S’il ne peut passer sous silence les menaces de mort lancées contre la victime, il s’empresse d’ajouter qu’ « elles n’étaient pas prononcées pour être mises à exécution ». Sauf le 23 mars…Interrogé sur l’achat du couteau qui signe la préméditation, le mis en cause tente une parade : s’il l’a acheté, ce n’était pas du tout pour frapper Audrey, mais pour se défendre. Contre qui ? Contre une jeune vendeuse désarmée ?

Un couteau de boucher

Lucie, la fille d’Audrey âgée de 8 ans, regarde l’ancien compagnon de sa mère dans les yeux. « Tu m’avais promis que tu ne frapperas plus maman ! », lui rappelle-t-elle avant de relater les années de terreur passées avec sa mère à guetter le retour d’Hervé, à anticiper sa jalousie, sa colère, ses coups. Sans scrupule, Hervé avait osé envoyer à la fillette des textos pour lui annoncer qu’il « balafrerait » sa mère si jamais celle-ci rencontrait un autre homme que lui. Lucie avoue sa peur d’être un jour confronté à Hervé, ce à quoi le président du tribunal répond qu’elle sera assez grande pour avoir un mari quand ce dernier sortira de prison. « Je ne lui ferai jamais de mal, jamais, jamais… », s’empresse de dire l’inculpé.

La mère d’Audrey exprime son chagrin. « Cela fait mal d’entendre que ma fille, avant de mourir, a tant souffert », dit-elle sobrement. Avocat des parties civiles, Me Jean-Marc Kouassi s’indigne que les gendarmes n’aient pas pris des mesures pour mettre Hervé hors d’état de nuire alors qu’Audrey avait porté plainte à cinq reprises. « Les gendarmes n’ont pas fait remonter l’information. A quoi bon faire des campagnes médiatiques sur les violences faites aux femmes ? On ne devrait pas être ici aujourd’hui », tonne l’avocat avant de rappeler que rien n’avait arrêté l’accusé : « Ni le sang qui coule, ni les cris d’Audrey, ni la souffrance. La victime s’est vu mourir ». Selon Me Jean-Marc, la victime n’a pas reçu de soutien. « Ni de la part de l’instruction judiciaire, ni de celle des services enquêteurs », rappelle-t-il avant d’en venir au crime : « Hervé Touré, accroupi, a frappé la victime quand elle était à terre. Il tenait dans les mains un couteau de boucher acheté une demi-heure avant ». Après avoir rappelé qu’Audrey avait enduré pendant des années harcèlements et menaces de la part de l’accusé, qu’il qualifie de « tordu » et dont il fait remarquer l’empressement à changer d’employeur afin de pouvoir s’installer à proximité de sa victime, le procureur demande une peine de 20 ans de prison contre Hervé.

Me Amon Isabelle, avocate du prévenu, monte au créneau. « Mon client est arrogant, pinailleur, mais c’est un handicap pour lui. Il avait un besoin viscéral d’être aimé. Audrey avait choisi un autre homme, il ne l’a pas supporté », clame le conseil d’Hervé en reprenant l’adjectif « tordu» déjà employé par l’avocat des parties civiles pour qualifier « son client », un homme qui, d’après elle, veut toujours « donner l’impression qu’il est mieux que ce qu’il est ». Un homme qui mériterait d’être soigné, bien qu’il ait été reconnu coupable de ses actes ? C’est ce que semble suggérer l’avocate : « L’esprit humain peut toujours évoluer. Les psychiatres servent à quelque chose ».
Les larmes aux yeux, Hervé se tient à la barre pour demander pardon aux proches de la victime. Le tribunal le condamne à une peine de 20 ans conforme aux réquisitoires du ministère public.

Bahi K.
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