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Société Publié le samedi 17 juillet 2010 | Nord-Sud

Hôpital psychiatrique St Vincent de Paul : Une main tendue aux malades errant dans la ville

A Yamoussoukro, les malades mentaux ne sont pas abandonnés à eux-mêmes. Sur un fond religieux, l’hôpital psychiatrique Saint Vincent de Paul leur ouvre les bras afin de les soulager et leur offrir une chance de retrouver une vie normale.

En 1999, le district de Yamoussoukro, appuyé par l’évêque et la direction régionale de la santé, a souhaité que la Congrégation des Frères de la charité (catholique) crée un hôpital psychiatrique dans la capitale politique. Objectif : s’occuper des malades mentaux qui étaient nombreux dans la rue. Une convention est signée. Et l’hôpital psychiatrique St. Vincent de Paul et construit avant d’être inauguré le 06 novembre 2002. Le centre, d’un blanc immaculé, a été érigé sur un tapis de verdure à 7 km de la ville sur une superficie de 7 ha, dans un bas-fond jouxtant la route d’Oumé. Quelques pensionnaires déambulent sur le gazon et dans les allées de la vaste cour. Des infirmiers travaillent sous un préau. Point de nuisances sonores en ces lieux où se dressent, bien ordonnées, quelques fucus artistiquement taillés. Tout est calme, bercé par des pépiements de petits oiseaux et les roucoulades de quelques tourterelles qui becquètent sur le gazon.

Faire sentir «la voix de Dieu»

Frère Félicien Ngendahimana, le directeur de l’hôpital psychiatrique nous reçoit dans un petit bureau sobre et propre. «Notre mission primordiale est d’accueillir des malades errant dans la rue afin qu’ils sentent en eux la voix de Dieu», explique le prélat. «Pour nous, frères de la charité, nous sommes dans le charisme de notre fondateur, le serviteur de Dieu, le Chanoine Pierre Joseph Triest….Qui a vu, de son temps, les malades psychiatriques abandonnés dans la rue, d’autres en prison, d’autres liés dans les chaînes et menant une vie inhumaine». Et qui s’est consacré, avec la congrégation des Frères de la charité fondée le 28 décembre1807 pour enfin établir, en 1815, un hôpital psychiatrique Dr Ghislain, qui a servi à la libération des malades psychiques qui étaient enchaînés et d’autres en prison au Château Gérard le Diable en Belgique. Il a installé et développé un nouveau modèle de soins pour les malades mentaux, basé sur l’amour et la compétence des praticiens. A Yamoussoukro, les premiers pensionnaires de l’hôpital psychiatrique Saint Vincent de Paul sont arrivés en janvier 2003. Et depuis, il en arrive régulièrement de toutes les régions de la Côte d’Ivoire et même des pays de la sous-région. «Nous ramassons nous-mêmes dans les rues de la ville certains de nos pensionnaires. D’autres nous sont envoyés par le Groupement de sapeurs pompiers militaires (Gspm), la police ou encore des autorités administratives comme le préfet et le maire», explique le frère-directeur. Il y a aussi, ajoute-t-il, ceux qui sont conduits à l’hospice par leurs familles. Lorsque le malade est violent, il reçoit un traitement d’urgence pour le calmer et ensuite, il est mis en observation. «C’est lorsque l’on ne constate pas d’amélioration et que le patient pourrait être un danger pour les autres ou pour lui-même qu’il est mis dans un isoloir conçu à cet effet où il est surveillé de très près par les praticiens», indique frère Félicien. Qui précise que l’âge des malades varie entre 15 et 70 ans.

1.472 consultations par an

La capacité d’accueil de l’hôpital est de 44 lits dont 32 pour les malades aigus et 12 pour la réhabilitation. «Du 2 janvier 2003 au 31 décembre 2009, nous avons enregistré 10.306 consultations, soit une moyenne annuelle de 1.472 patients», révèle frère Félicien. 997 de ces malades ont été hospitalisés, soit 142 patients par an. «En 2009, nous avons eu 126 patients hospitalisés dont 11 ont été pris dans les rues de Yamoussoukro», précise le directeur. Avant d’indiquer qu’en collaboration avec la Direction régionale des affaires sociales et les communautés des différents ressortissants, 5 anciens malades ont pu être rapatriés, 7 autochtones réhabilités et 8 malades suivis en famille. Les malades découverts dans la rue sont pris en charge gratuitement, c’est-à-dire, au frais de la congrégation des Frères de la Charité et une subvention de l’Etat de Côte d’Ivoire (District autonome de Yamoussoukro et le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique). Quand un malade est stabilisé et sa famille localisée, il est remis à ses parents qui doivent poursuivre la prise en charge. En cas d’incapacité, les Frères de la charité continuent leur œuvre. Pour celui qui est conduit par ses parents, il y a une contribution à payer : 4.200 FCFA pour le dossier, 2.500 FCFA par jour pour l’hospitalisation. En outre, les parents prennent en charge les médicaments et les examens qui peuvent s’ajouter. «Il faut noter que nous soignons le malade et les parents paient à leur rythme. Nous n’exigeons pas de paiement avant de soigner, ce qui fait que beaucoup de parents ‘’oublient’’ sciemment ou non de payer», regrette frère Félicien. Il note que les malades pris dans la rue ont besoin d’une année et plus pour guérir. Ceux qui ont été rapatriés ont souvent besoins de 6 ans et leur séjour peut coûter six millions et plus. Alors que le malade amené à temps par les parents peut faire 10 à 45 jours, voire deux mois au maximum pour recouvrer la santé. Ceux qui ont rechuté peuvent aller jusqu’à 6 mois pour être stabilisés. En 2009, 319 nouveaux patients ont été reçus à Saint Vincent de Paul et 1.061 anciens ont répondu à leurs rendez-vous. «Malheureusement, note Frère Félicien avec amertume, 41 patients ont rechuté à cause de la non observation des traitements», regrette-t-il. Pour traiter les malades, l’hôpital Saint Vincent de Paul dispose de 2 médecins vacataires venus de Bouaké. Ils font les consultations, supervisent toutes les activités médicales et renforcent les capacités du personnel soignant. Il y a également 3 infirmiers spécialisés en psychiatrie, un autre spécialisé en exploration fonctionnelle, un infirmier diplômé d’Etat, 2 aides-soignants, 2 auxiliaires en pharmacie, un auxiliaire de la psychiatrie, 1 assistant social, 1 maître d’éducation spécialisé, un sociologue et auxiliaire de l’éducation spéciale. Des filles et garçons de salles formés en soins infirmiers travaillent comme aide-soignant et 3 vigiles assurent la sécurité des lieux. A ceux-là s’ajoutent 4 cuisiniers, deux jardiniers, 3 techniciens de surface, 1 magasinier-coursier, une secrétaire-comptable chargée des affaires administratives et des lois sociales. Sans oublier le directeur. Parmi ce personnel, on relève quatre frères (missionnaires), 2 infirmiers spécialisés et un assistant social qui sont fonctionnaires, donc payés par la fonction publique. Tous les autres sont à la charge des Frères de la Charité. «Heureusement que nous bénéficions d’une subvention du district de Yamoussoukro et du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique», explique le directeur.

L’insécurité : un des problèmes de l’hôpital

Plusieurs fois, l’hôpital Saint Vincent de Paul a déploré des tentatives de cambriolage avec des violences sur le personnel. «La sécurité ici laisse à désirer. Malgré les mesures prises (3 vigiles), nous vivons perpétuellement dans l’insécurité», décrie frère Félicien. L’homme de Dieu cite l’agression, un matin, de la comptable qui entrait au centre, celui d’un Frère à qui les voleurs ont ravi toutes les pièces de moto. Pis, note-t-il : «beaucoup de filles et femmes sont violées devant notre clôture. Des enfants jetés devant le portail. Des motocyclistes fuyant les brigands se réfugient régulièrement chez nous». Le centre est coupé du monde. Car, le câble téléphonique a été enlevé depuis la nuit du 10 janvier 2008. Outre l’insécurité endémique dans cette zone, l’hôpital psychiatrique a d’énormes besoins : réparations des lits et de matelas… Heureusement que l’Ong «Lumière et Vie» vient de poser un geste de générosité en contribuant à l’entretien des lieux et au règlement des frais de prise en charge des malades indigents abandonnés par leurs familles. «Nos ressources sont limitées, vu que la plupart des parents ne paient pas, alors que nous ne pouvons pas abandonner un malade sans soins», commente frère Félicien. Il insiste sur le credo de l’institut : « Notre devise : Deus Caritas Est (Dieu est Amour). Notre joie, c’est de voir la population comprendre que la maladie mentale peut être soignée et qu’un malade mental est une personne…».


Ousmane Diallo à Yamoussoukro
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