L’augmentation des cours du cacao crée l’euphorie aussi bien chez les spéculateurs que chez les producteurs. Quant à l’Etat, il compense ses pertes par la contrebande en provenance du Ghana voisin.
Les cours du cacao ne cessent de bondir. Après avoir culminé à 2.984 dollars US en mars dernier, la tonne du cacao se négocie aujourd’hui à 3.000 dollars US à Londres. Un record de 30 ans, selon le directeur exécutif de l’Organisation internationale du café-cacao (ICCO), Jan Vingerhoets. L’une des principales raisons de ce boom est le succès du principal dérivé de cette culture, le chocolat. Mais selon l’expert international, cette embellie qualitative est exploitée à fond par les spéculateurs et les traders sur les marchés boursiers d’autant que ce seuil est un signal d’achat fort. A preuve, ils multiplient leurs «positions longues» sur le produit. Pour les analystes, ce sont moins les fondamentaux (offre, demande et niveau des stocks) qui font le prix que les traders. En effet, le marché du cacao présente de riches opportunités dont veulent tirer le maximum de profit ces acteurs boursiers. Ils jouent la hausse, sans tenir compte de fondamentaux, parfois négatifs tels que les soubresauts politiques. Dans l’euphorie, ils parlent de plus en plus d’investissement sur le long terme. «Pour un pays comme la Côte d’Ivoire, il s’agira d’un investissement haussier», se félicite Jean-Marc Anga, directeur de la division économique et des statistiques. Pour autant, les agriculteurs ivoiriens de la filière, profiteront-ils de cette hausse des cours ? La Côte d’Ivoire qui a annoncé déjà que les livraisons de cacao vers les différents ports s’élèvent à 1,03 million de tonnes, devrait tirer le meilleur profit de cette hausse des cours mondiaux. Notamment ses producteurs. «A priori, les producteurs vont en bénéficier», analyse le président du Comité de gestion de la filière café cacao Gilbert N’guessan. Le prix du kilo bord-champ devrait s’en ressentir fortement. Ce prix qui a longtemps évolué entre 350 et 450 Fcfa devrait connaître une hausse pour suivre les sillons tracés par le marché mondial. Déjà pour la campagne intermédiaire, le prix bord- champ a été fixé à 900 Fcfa/Kg. Aujourd’hui, Ano N’guessan se félicite que le kilogramme s’échange dans beaucoup de zones à 1000 Fcfa. «Effectivement, nous sommes dans une excellente phase. Actuellement, on peut manger et boire une bouteille de limonade à côté », jubile Amalaman Frodo, président de la Coopérative des producteurs actifs d’Abengourou. «Les prix oscillent entre 1000 Fcfa et 1050 Fcfa. C’est bon mais on peut faire mieux. Surtout qu’avec la saison pluvieuse, ils peuvent dégringoler», renchérit le président de la Coordination des délégués départementaux (Cndd) Bonfils Zahi, par ailleurs président de la Coopérative Ceao du Moyen-Cavally. Faire mieux, ajoute-t-il, signifie que l’Etat revoie encore ses prélèvements fiscaux à la baisse. Une exigence que le président Ano peut qualifier de surenchère. En fait, cette saison, les prélèvements ont baissé de 16% (26,26 Fcfa/kilo), quand le Droit unique de sortie (DUS) est passé de 220 à 210 Fcfa. En ce qui concerne la taxe d’enregistrement, elle a baissé de 5% alors qu’elle avait augmenté de 10% en 2008-2009. Pour leur part, les multinationales soulignent qu’elles sont favorables à un prix du cacao bord-champ élevé, gage de qualité. Une juste récompense pour les petits producteurs qui, malgré les richesses générées par le cacao, tirent ostensiblement le diable par la queue. Malheureusement, la production ivoirienne s’effondre. Sur la saison 2008-2009, la production s’est repliée de 200. 000 tonnes. Sur la campagne 2009-2010, on s’attend à un nouveau repli d’au moins 100. 000 tonnes encore. Certains anticipent une baisse bien supérieure à cette estimation. En effet, le pays est confronté à une multitude de problèmes. Les cacaoyers ivoiriens sont vieux et n’ont pas été renouvelés. Faute d’investissements du fait notamment de la sur-taxation des producteurs locaux. D’où la baisse des rendements d‘année en année. Les producteurs n’ont pas les moyens d’acheter des engrais. La libéralisation des prix s’est faite au détriment de la qualité du cacao produit. Du coup, plusieurs paysans, désespérés, se sont tournés vers d’autres cultures, comme celle de l’hévéa. Aujourd’hui, que de regrets pour l’Etat !
Lanciné Bakayoko
Les cours du cacao ne cessent de bondir. Après avoir culminé à 2.984 dollars US en mars dernier, la tonne du cacao se négocie aujourd’hui à 3.000 dollars US à Londres. Un record de 30 ans, selon le directeur exécutif de l’Organisation internationale du café-cacao (ICCO), Jan Vingerhoets. L’une des principales raisons de ce boom est le succès du principal dérivé de cette culture, le chocolat. Mais selon l’expert international, cette embellie qualitative est exploitée à fond par les spéculateurs et les traders sur les marchés boursiers d’autant que ce seuil est un signal d’achat fort. A preuve, ils multiplient leurs «positions longues» sur le produit. Pour les analystes, ce sont moins les fondamentaux (offre, demande et niveau des stocks) qui font le prix que les traders. En effet, le marché du cacao présente de riches opportunités dont veulent tirer le maximum de profit ces acteurs boursiers. Ils jouent la hausse, sans tenir compte de fondamentaux, parfois négatifs tels que les soubresauts politiques. Dans l’euphorie, ils parlent de plus en plus d’investissement sur le long terme. «Pour un pays comme la Côte d’Ivoire, il s’agira d’un investissement haussier», se félicite Jean-Marc Anga, directeur de la division économique et des statistiques. Pour autant, les agriculteurs ivoiriens de la filière, profiteront-ils de cette hausse des cours ? La Côte d’Ivoire qui a annoncé déjà que les livraisons de cacao vers les différents ports s’élèvent à 1,03 million de tonnes, devrait tirer le meilleur profit de cette hausse des cours mondiaux. Notamment ses producteurs. «A priori, les producteurs vont en bénéficier», analyse le président du Comité de gestion de la filière café cacao Gilbert N’guessan. Le prix du kilo bord-champ devrait s’en ressentir fortement. Ce prix qui a longtemps évolué entre 350 et 450 Fcfa devrait connaître une hausse pour suivre les sillons tracés par le marché mondial. Déjà pour la campagne intermédiaire, le prix bord- champ a été fixé à 900 Fcfa/Kg. Aujourd’hui, Ano N’guessan se félicite que le kilogramme s’échange dans beaucoup de zones à 1000 Fcfa. «Effectivement, nous sommes dans une excellente phase. Actuellement, on peut manger et boire une bouteille de limonade à côté », jubile Amalaman Frodo, président de la Coopérative des producteurs actifs d’Abengourou. «Les prix oscillent entre 1000 Fcfa et 1050 Fcfa. C’est bon mais on peut faire mieux. Surtout qu’avec la saison pluvieuse, ils peuvent dégringoler», renchérit le président de la Coordination des délégués départementaux (Cndd) Bonfils Zahi, par ailleurs président de la Coopérative Ceao du Moyen-Cavally. Faire mieux, ajoute-t-il, signifie que l’Etat revoie encore ses prélèvements fiscaux à la baisse. Une exigence que le président Ano peut qualifier de surenchère. En fait, cette saison, les prélèvements ont baissé de 16% (26,26 Fcfa/kilo), quand le Droit unique de sortie (DUS) est passé de 220 à 210 Fcfa. En ce qui concerne la taxe d’enregistrement, elle a baissé de 5% alors qu’elle avait augmenté de 10% en 2008-2009. Pour leur part, les multinationales soulignent qu’elles sont favorables à un prix du cacao bord-champ élevé, gage de qualité. Une juste récompense pour les petits producteurs qui, malgré les richesses générées par le cacao, tirent ostensiblement le diable par la queue. Malheureusement, la production ivoirienne s’effondre. Sur la saison 2008-2009, la production s’est repliée de 200. 000 tonnes. Sur la campagne 2009-2010, on s’attend à un nouveau repli d’au moins 100. 000 tonnes encore. Certains anticipent une baisse bien supérieure à cette estimation. En effet, le pays est confronté à une multitude de problèmes. Les cacaoyers ivoiriens sont vieux et n’ont pas été renouvelés. Faute d’investissements du fait notamment de la sur-taxation des producteurs locaux. D’où la baisse des rendements d‘année en année. Les producteurs n’ont pas les moyens d’acheter des engrais. La libéralisation des prix s’est faite au détriment de la qualité du cacao produit. Du coup, plusieurs paysans, désespérés, se sont tournés vers d’autres cultures, comme celle de l’hévéa. Aujourd’hui, que de regrets pour l’Etat !
Lanciné Bakayoko