Kyria Rosemonde Deborah Kodjo, première femme bishop (équivalent d’évêque chez les catholiques) de Côte d’Ivoire est aussi la devancière des femmes-pasteurs dans le pays. Membre-fondateur de la mission évangélique La Source, elle est aussi conseillère à la congrégation des églises évangéliques.
En tant que pionnière des femmes-pasteurs, comment s’est opérée votre intégration au sein de la communauté ?
Je prêche depuis plus de 17 ans. C’était difficile parce qu’il n’y avait pas de modèle. Aucune femme ivoirienne n’osait prêcher l’évangile publiquement. J’ai débuté en qualité d’évangéliste. Mais j’étais persécutée et combattue par des pasteurs. Ils trouvaient que ce n’est pas biblique. Pour eux, les femmes doivent rester dans l’assemblée sans jamais prendre la parole.
Vous rappelez-vous d’une anecdote particulière au sujet des brimades subies ?
On m’a traitée de Sirène des eaux (un démon séducteur) et cela m’a beaucoup persécutée. On a même dit que j’étais possédée par un esprit de divination et non un esprit sain.
D’où est venue votre motivation?
Ce n’est pas une motivation. C’est un appel que j’ai reçu. C’est une vocation de Dieu. Il m’a convaincue et je me suis levée pour enseigner sa parole. Selon sa parole, il a besoin des femmes. A la résurrection du Christ, les femmes étaient présentes. Quand Dieu vous appelle, vous le suivez avec conviction. Même quand vous êtes martyrisé, vous ne sentez ni douleur ni affront. C’est ce qui s’est passé dans mon cas.
Comment avez-vous vécu l’époque des persécutions ?
En même temps que j’étais vilipendée, j’étais un objet de curiosité. Les gens venaient de partout pour voir comment une femme prêche. Ceux qui doutaient, venaient à mes programmes pour vérifier si le message était juste. Après des séances d’évangélisation, ils m’approchaient pour se confesser. C’était un moment fort. Il n’y avait personne pour m’encourager, à part mon époux (le bishop Jean-Marie Kodjo).
Quel rôle a-t-il joué?
J’ai commencé à prêcher en même temps que mon époux. Il me soutenait. Le fait que nous débutions tous les deux, ensemble, m’a certainement simplifié la tâche. Ce qui a, peu à peu, conduit les autres pasteurs à lâcher du lest, en acceptant les femmes au pupitre. Et, cela a changé positivement l’image de l’église évangélique en Côte d’Ivoire.
Aujourd’hui, de nombreuses-femmes pasteurs s’identifient à vous. Que vous inspire cette estime ?
Je suis réconfortée car les femmes sont libérées dans le ministère. En plus, cela signifie que je suis sur la bonne voie. Avant, de nombreuses appelées restaient clouées sur les bancs. Mais aujourd’hui, plusieurs hommes de Dieu travaillent de concert avec leurs épouses. Parmi elles, on dénombre un taux important de pasteurs. Ce qui veut dire que les femmes commencent à être acceptées, en tant que ministre de Dieu. Désormais, le couple travaille ensemble pour l’église. Mais l’épouse d’un pasteur ne devient pas forcément pasteur. Tout dépend de la vocation.
Combien de femmes-pasteurs y a-t-il en ce moment?
Je ne connais pas le nombre exact. Mais depuis ces cinq dernières années, de nombreuses femmes sont devenues pasteurs. J’en ai formé également. Mais je ne me souviens pas du nombre. Dans la pratique, elles exercent aussi bien que les hommes.
Peuvent-elles prêcher pendant la période des menstrues ?
Elles le peuvent. C’est l’ancienne loi qui l’interdisait. Avec la nouvelle alliance, c’est désormais possible.
17 ans après, le regard inquisiteur envers les femmes pasteurs s’est-il amélioré?
Officiellement, le regard a changé dans le bon sens. Mais dans la pratique, les femmes-pasteurs sont toujours persécutées. Il y a des bâtons dans les roues des ministères de femmes. Quand la femme doit servir Dieu, elle est confinée dans le rôle d’évangéliste ou de prophétesse. Quand elle veut devenir docteur ou apôtre, on fronce les sourcils. Quand elle aspire à être bishop, il y a encore des réticences. Les hommes estiment toujours que l’autorité leur revient de droit dans l’église.
Comment êtes-vous devenue bishop ?
Je suis devenue bishop en 2008. Le bishop est un titre honorifique. Le bishop correspond à l’évêque des catholiques. Lorsque vous faites vos preuves dans le ministère, ou que vous bénéficiez d’un bon témoignage, vous avez plusieurs temples, vous êtes bishop. En tant qu’ancienne, nous avons la charge de conduire l’église dans la vérité, la consécration et la sanctification. Mais les femmes deviennent bishop difficilement. J’ai appris récemment qu’une autre femme est devenue bishop. En ce qui me concerne, cela n’a pas été facile. Il y a quatre années de cela, j’ai subi des persécutions liées aux jalousies. Il y a eu des infiltrations dans l’église pour combattre mon ministère. Je me suis mise à l’écart dans la prière et les choses sont revenues à la normale. Mais je ne compte pas m’étendre sur ces affronts. Car, sans épreuves, on ne peut pas vivre de grands événements.
Quelle est votre opinion au sujet des églises évangéliques où prêcher n’est pas «libéralisé» ?
Les femmes commencent à travailler dans tous les domaines de la vie. Si Dieu permet qu’elles soient pilotes, il faut que ces églises-là libèrent les femmes également. L’heure est avancée et nous ne devons pas aller qu’au seul rythme des hommes. Les femmes veulent compléter le travail. Mais elles ne cherchent pas à prendre la place de l’homme.
Ressentez-vous de la culpabilité, en tant que pionnière, lorsque des couples divorcent parce que la femme s’engage à être pasteur ?
S’il y a des cas de divorces, c’est que, certainement, l’époux en question n’est pas prévu dans le plan de Dieu. Sinon quand Dieu unit, c’est pour consolider et non pour diviser. Jusqu’à présent, des hommes n’acceptent pas que leurs femmes fréquentent l’église, encore moins qu’elles deviennent pasteur. S’ils ne les traitent pas de nonnes, c’est l’œuvre du diable. Il aveugle les hommes. Ces derniers utilisent leur titre de chef de famille pour éloigner la femme de Dieu. Or, avoir une femme chrétienne ou pasteur est plus avantageux que d’avoir une femme fourrée chez les charlatans. Quand une femme s’engage pour Dieu, il y a la bénédiction dans son foyer. La femme est la gardienne de l’univers spirituel du foyer.
Votre position semble radicale en faveur des femmes. N’est-ce pas le discours féministe qui s’invite à l’église ?
Il ne s’agit pas de position radicale ou féministe. Mais je communique la réalité. Le diable conduit des hommes à user du titre de chef de famille pour éloigner les femmes de Dieu. Même en dehors de l’église, les hommes qui s’entendent avec leur épouse, réussissent facilement.
Belles et élégantes à l’autel, les femmes-pasteurs ne sont-elles pas exposées aux courtisans ?
Il doit y avoir des tentations. Mais quand on ne laisse pas le diable faire, on s’en sort. Les femmes qui prêchent, doivent fermer la porte au diable. Ainsi, il va se contenter d’admirer et rien de plus.
N’est-ce pas également fermer la porte à celles qui aspirent au mariage ?
La femme-pasteur ne doit pas se mettre avec n’importe qui. Il faut que le compagnon soit quelqu’un qui travaille pour Dieu. La femme qui sert Dieu, ne craint rien. Le Tout Puissant mettra celui qu’il veut sur son chemin. Ce n’est pas à elle de faire des clins d’œil. Enfin, j’interpelle les femmes. En tant que mères, c’est à elles que revient la restauration de leur foyer et de leur Nation. Que les femmes aient un regard spirituel particulier en cette année du jubilé qui coïncide avec les élections sans se laisser distraire.
Entretien réalisé par Nesmon De Laure
En tant que pionnière des femmes-pasteurs, comment s’est opérée votre intégration au sein de la communauté ?
Je prêche depuis plus de 17 ans. C’était difficile parce qu’il n’y avait pas de modèle. Aucune femme ivoirienne n’osait prêcher l’évangile publiquement. J’ai débuté en qualité d’évangéliste. Mais j’étais persécutée et combattue par des pasteurs. Ils trouvaient que ce n’est pas biblique. Pour eux, les femmes doivent rester dans l’assemblée sans jamais prendre la parole.
Vous rappelez-vous d’une anecdote particulière au sujet des brimades subies ?
On m’a traitée de Sirène des eaux (un démon séducteur) et cela m’a beaucoup persécutée. On a même dit que j’étais possédée par un esprit de divination et non un esprit sain.
D’où est venue votre motivation?
Ce n’est pas une motivation. C’est un appel que j’ai reçu. C’est une vocation de Dieu. Il m’a convaincue et je me suis levée pour enseigner sa parole. Selon sa parole, il a besoin des femmes. A la résurrection du Christ, les femmes étaient présentes. Quand Dieu vous appelle, vous le suivez avec conviction. Même quand vous êtes martyrisé, vous ne sentez ni douleur ni affront. C’est ce qui s’est passé dans mon cas.
Comment avez-vous vécu l’époque des persécutions ?
En même temps que j’étais vilipendée, j’étais un objet de curiosité. Les gens venaient de partout pour voir comment une femme prêche. Ceux qui doutaient, venaient à mes programmes pour vérifier si le message était juste. Après des séances d’évangélisation, ils m’approchaient pour se confesser. C’était un moment fort. Il n’y avait personne pour m’encourager, à part mon époux (le bishop Jean-Marie Kodjo).
Quel rôle a-t-il joué?
J’ai commencé à prêcher en même temps que mon époux. Il me soutenait. Le fait que nous débutions tous les deux, ensemble, m’a certainement simplifié la tâche. Ce qui a, peu à peu, conduit les autres pasteurs à lâcher du lest, en acceptant les femmes au pupitre. Et, cela a changé positivement l’image de l’église évangélique en Côte d’Ivoire.
Aujourd’hui, de nombreuses-femmes pasteurs s’identifient à vous. Que vous inspire cette estime ?
Je suis réconfortée car les femmes sont libérées dans le ministère. En plus, cela signifie que je suis sur la bonne voie. Avant, de nombreuses appelées restaient clouées sur les bancs. Mais aujourd’hui, plusieurs hommes de Dieu travaillent de concert avec leurs épouses. Parmi elles, on dénombre un taux important de pasteurs. Ce qui veut dire que les femmes commencent à être acceptées, en tant que ministre de Dieu. Désormais, le couple travaille ensemble pour l’église. Mais l’épouse d’un pasteur ne devient pas forcément pasteur. Tout dépend de la vocation.
Combien de femmes-pasteurs y a-t-il en ce moment?
Je ne connais pas le nombre exact. Mais depuis ces cinq dernières années, de nombreuses femmes sont devenues pasteurs. J’en ai formé également. Mais je ne me souviens pas du nombre. Dans la pratique, elles exercent aussi bien que les hommes.
Peuvent-elles prêcher pendant la période des menstrues ?
Elles le peuvent. C’est l’ancienne loi qui l’interdisait. Avec la nouvelle alliance, c’est désormais possible.
17 ans après, le regard inquisiteur envers les femmes pasteurs s’est-il amélioré?
Officiellement, le regard a changé dans le bon sens. Mais dans la pratique, les femmes-pasteurs sont toujours persécutées. Il y a des bâtons dans les roues des ministères de femmes. Quand la femme doit servir Dieu, elle est confinée dans le rôle d’évangéliste ou de prophétesse. Quand elle veut devenir docteur ou apôtre, on fronce les sourcils. Quand elle aspire à être bishop, il y a encore des réticences. Les hommes estiment toujours que l’autorité leur revient de droit dans l’église.
Comment êtes-vous devenue bishop ?
Je suis devenue bishop en 2008. Le bishop est un titre honorifique. Le bishop correspond à l’évêque des catholiques. Lorsque vous faites vos preuves dans le ministère, ou que vous bénéficiez d’un bon témoignage, vous avez plusieurs temples, vous êtes bishop. En tant qu’ancienne, nous avons la charge de conduire l’église dans la vérité, la consécration et la sanctification. Mais les femmes deviennent bishop difficilement. J’ai appris récemment qu’une autre femme est devenue bishop. En ce qui me concerne, cela n’a pas été facile. Il y a quatre années de cela, j’ai subi des persécutions liées aux jalousies. Il y a eu des infiltrations dans l’église pour combattre mon ministère. Je me suis mise à l’écart dans la prière et les choses sont revenues à la normale. Mais je ne compte pas m’étendre sur ces affronts. Car, sans épreuves, on ne peut pas vivre de grands événements.
Quelle est votre opinion au sujet des églises évangéliques où prêcher n’est pas «libéralisé» ?
Les femmes commencent à travailler dans tous les domaines de la vie. Si Dieu permet qu’elles soient pilotes, il faut que ces églises-là libèrent les femmes également. L’heure est avancée et nous ne devons pas aller qu’au seul rythme des hommes. Les femmes veulent compléter le travail. Mais elles ne cherchent pas à prendre la place de l’homme.
Ressentez-vous de la culpabilité, en tant que pionnière, lorsque des couples divorcent parce que la femme s’engage à être pasteur ?
S’il y a des cas de divorces, c’est que, certainement, l’époux en question n’est pas prévu dans le plan de Dieu. Sinon quand Dieu unit, c’est pour consolider et non pour diviser. Jusqu’à présent, des hommes n’acceptent pas que leurs femmes fréquentent l’église, encore moins qu’elles deviennent pasteur. S’ils ne les traitent pas de nonnes, c’est l’œuvre du diable. Il aveugle les hommes. Ces derniers utilisent leur titre de chef de famille pour éloigner la femme de Dieu. Or, avoir une femme chrétienne ou pasteur est plus avantageux que d’avoir une femme fourrée chez les charlatans. Quand une femme s’engage pour Dieu, il y a la bénédiction dans son foyer. La femme est la gardienne de l’univers spirituel du foyer.
Votre position semble radicale en faveur des femmes. N’est-ce pas le discours féministe qui s’invite à l’église ?
Il ne s’agit pas de position radicale ou féministe. Mais je communique la réalité. Le diable conduit des hommes à user du titre de chef de famille pour éloigner les femmes de Dieu. Même en dehors de l’église, les hommes qui s’entendent avec leur épouse, réussissent facilement.
Belles et élégantes à l’autel, les femmes-pasteurs ne sont-elles pas exposées aux courtisans ?
Il doit y avoir des tentations. Mais quand on ne laisse pas le diable faire, on s’en sort. Les femmes qui prêchent, doivent fermer la porte au diable. Ainsi, il va se contenter d’admirer et rien de plus.
N’est-ce pas également fermer la porte à celles qui aspirent au mariage ?
La femme-pasteur ne doit pas se mettre avec n’importe qui. Il faut que le compagnon soit quelqu’un qui travaille pour Dieu. La femme qui sert Dieu, ne craint rien. Le Tout Puissant mettra celui qu’il veut sur son chemin. Ce n’est pas à elle de faire des clins d’œil. Enfin, j’interpelle les femmes. En tant que mères, c’est à elles que revient la restauration de leur foyer et de leur Nation. Que les femmes aient un regard spirituel particulier en cette année du jubilé qui coïncide avec les élections sans se laisser distraire.
Entretien réalisé par Nesmon De Laure