Dans cet entretien, Touré Adama fait des remontrances aux chauffeurs.
Président, les chauffeurs de gbaka disent qu'ils sont mal payés. Le salaire varie entre 25 000 Fcfa et 30 000 Fcfa. Avez-vous prévu d’améliorer leur situation?
D'abord, je tiens à préciser que cette somme n'est pas un salaire, nous considérons cela comme une prime. Car, nos chauffeurs sont en même temps des gérants. Ils nous demandent de leur donner le véhicule et ils nous versent chaque jour, 25 000 Fcfa comme recette. Mais ils font à chaque fois des manquants. Et nous ne pouvons rien leur faire.
Vous pensez qu'ils sont de mauvaise foi ?
Je vais vous dire. Il y a un jargon qu'ils utilisent quand ils viennent nous voir : patron payez ma maison. C'est-à-dire les 35 000 Fcfa que nous leur donnons par mois. Ils nous promettent qu'ils vont nous verser 25 000 Fcfa comme recette journalière, mais en réalité ils gagnent environ 40 000 Fcfa par jour. Et ils peuvent se retrouver avec environ 150 000 Fcfa dans le mois.
En d'autres termes, ils ont toujours un revenu plus important que le salaire…
Oui. Ce n'est pas tout. Il y a des chauffeurs qui prennent votre véhicule et qui ne roulent pas pendant une semaine. Ils le louent à leur tour à des contractuels à qui ils demandent de leur verser 40 000 Fcfa par jour, le contractuel à son tour le donne à un autre chauffeur qu'on appelle « en cas de cas ». C'est un business pour eux. J'ai failli renvoyer un de mes chauffeurs pour sa mauvaise foi. Je suis allé en mission pour 13 jours, à mon retour, il devait me verser 390. 000 Fcfa. Puisqu'il fait une recette journalière de 30 000 Fcfa. J'arrive de mon voyage, le monsieur me donne seulement 90. 000 Ffa. Et il m'explique des tas de problèmes qu'il dit avoir eus pendant mon absence. Chose étrange, dès que je suis là, il me ramène sans problème ma recette. Des chauffeurs qui agissent comme lui, vous allez leur payer un salaire sur quelle base ?
Donc, il n'est pas prévu une amélioration de salaire pour eux ?
Il y a une convention collective qui est en cours, actuellement à la fonction publique entre les chauffeurs et nous. Elle nous dit de payer les chauffeurs au Smig, par rapport au barème kilométrique. Or le chauffeur est capable de rouler votre véhicule 24h sur 24 pour l'abîmer. Quand le véhicule s'abîme c'est au patron de le réparer. J'ai un ami dont le chauffeur a disparu avec la recette de 5 jours.
Il y a donc une crise de confiance entre chauffeurs et propriétaires de véhicule ?
Oui. Les chauffeurs se mettent souvent d'accord avec des mécaniciens, pour démonter les pièces de nos véhicules. Ils viennent vous faire croire que le véhicule est en panne, tout cela pour ne pas vous donner la recette du jour. Mais comme c'est la même communauté, nous sommes obligés de fermer les yeux, à nos dépens. Les propriétaires de véhicule ont beaucoup de problèmes. Ce sont les chauffeurs qui envoient à la faillite la plupart d'entre nous. J'ai plusieurs amis fonctionnaires qui ont essayé de faire le transport, mais ils ont arrêté après un mois. Parce qu'ils ne sont pas là pour surveiller leurs chauffeurs. Les chauffeurs nous voient comme leur bourreaux, nous les voyons comme nos malfaiteurs.
Vous faites du social avec vos chauffeurs ?
A la limite. Nous sommes les boys de nos chauffeurs. Nous subissons, parce qu'il est difficile pour un patron de renvoyer son chauffeur. Celui que vous allez prendre fera la même chose. Dans le temps on pouvait facilement retirer la clef au chauffeur, dès qu'il n'assure pas. Aujourd'hui, c'est devenu compliqué.
Pour revenir aux salaires, à quand peut-on s'attendre à une augmentation?
Pour qu'on parle de salaire, il faut parler de la pérennisation de l'emploi de chauffeur, il faut des contrats avec des clauses. Mais il n'y a rien de tout cela.
Il n'y a jamais eu de contrat entre chauffeur et patron ?
Jamais. Au debut, j'ai essayé d'instaurer cela avec mes chauffeurs, avec un bulletin de salaire. Je leur ai dit que je peux leur payer 100 000 Fcfa par mois, mais s'ils ne me ramènent pas la recette, je vais soustraire le manquant dans le salaire. Ils ont tous refusé l'idée. Ils préfèrent travailler sans contrat comme ils le font en ce moment. Comment voulez vous qu'on améliore leurs conditions de vie ?
Le ministère de Fonction publique et de l'emploi nous a approchés pour nous demander de déclarer les chauffeurs à la Caisse nationale de prévoyance sociale. Or nous les patrons, ne sommes pas déclarés à la Cnps. Cela ne peut pas marcher.
Est-ce que le Comité de régulation du transport routier qui a vu le jour récemment va changer quelque chose à la situation ?
Oui. Ce comité va tenter de rapprochez les positions, voir dans quelle mesure, le transporteur peut devenir chef d'entreprise, le chauffeur un propriétaire de véhicule et un apprenti, un chauffeur. Dans les années 1990, quand un chauffeur roule pour vous et que vous arrivez à payer trois véhicules grâce à ses recettes, vous lui donnez un véhicule. Mais avec la nouvelle menace qui plane sur le secteur, nous avons arrêté ce système. Il faut que nous le relancions. Je demande aux chauffeurs de ne pas nous voir comme leur ennemi.
Une interview réalisée par Raphaël Tanoh
Président, les chauffeurs de gbaka disent qu'ils sont mal payés. Le salaire varie entre 25 000 Fcfa et 30 000 Fcfa. Avez-vous prévu d’améliorer leur situation?
D'abord, je tiens à préciser que cette somme n'est pas un salaire, nous considérons cela comme une prime. Car, nos chauffeurs sont en même temps des gérants. Ils nous demandent de leur donner le véhicule et ils nous versent chaque jour, 25 000 Fcfa comme recette. Mais ils font à chaque fois des manquants. Et nous ne pouvons rien leur faire.
Vous pensez qu'ils sont de mauvaise foi ?
Je vais vous dire. Il y a un jargon qu'ils utilisent quand ils viennent nous voir : patron payez ma maison. C'est-à-dire les 35 000 Fcfa que nous leur donnons par mois. Ils nous promettent qu'ils vont nous verser 25 000 Fcfa comme recette journalière, mais en réalité ils gagnent environ 40 000 Fcfa par jour. Et ils peuvent se retrouver avec environ 150 000 Fcfa dans le mois.
En d'autres termes, ils ont toujours un revenu plus important que le salaire…
Oui. Ce n'est pas tout. Il y a des chauffeurs qui prennent votre véhicule et qui ne roulent pas pendant une semaine. Ils le louent à leur tour à des contractuels à qui ils demandent de leur verser 40 000 Fcfa par jour, le contractuel à son tour le donne à un autre chauffeur qu'on appelle « en cas de cas ». C'est un business pour eux. J'ai failli renvoyer un de mes chauffeurs pour sa mauvaise foi. Je suis allé en mission pour 13 jours, à mon retour, il devait me verser 390. 000 Fcfa. Puisqu'il fait une recette journalière de 30 000 Fcfa. J'arrive de mon voyage, le monsieur me donne seulement 90. 000 Ffa. Et il m'explique des tas de problèmes qu'il dit avoir eus pendant mon absence. Chose étrange, dès que je suis là, il me ramène sans problème ma recette. Des chauffeurs qui agissent comme lui, vous allez leur payer un salaire sur quelle base ?
Donc, il n'est pas prévu une amélioration de salaire pour eux ?
Il y a une convention collective qui est en cours, actuellement à la fonction publique entre les chauffeurs et nous. Elle nous dit de payer les chauffeurs au Smig, par rapport au barème kilométrique. Or le chauffeur est capable de rouler votre véhicule 24h sur 24 pour l'abîmer. Quand le véhicule s'abîme c'est au patron de le réparer. J'ai un ami dont le chauffeur a disparu avec la recette de 5 jours.
Il y a donc une crise de confiance entre chauffeurs et propriétaires de véhicule ?
Oui. Les chauffeurs se mettent souvent d'accord avec des mécaniciens, pour démonter les pièces de nos véhicules. Ils viennent vous faire croire que le véhicule est en panne, tout cela pour ne pas vous donner la recette du jour. Mais comme c'est la même communauté, nous sommes obligés de fermer les yeux, à nos dépens. Les propriétaires de véhicule ont beaucoup de problèmes. Ce sont les chauffeurs qui envoient à la faillite la plupart d'entre nous. J'ai plusieurs amis fonctionnaires qui ont essayé de faire le transport, mais ils ont arrêté après un mois. Parce qu'ils ne sont pas là pour surveiller leurs chauffeurs. Les chauffeurs nous voient comme leur bourreaux, nous les voyons comme nos malfaiteurs.
Vous faites du social avec vos chauffeurs ?
A la limite. Nous sommes les boys de nos chauffeurs. Nous subissons, parce qu'il est difficile pour un patron de renvoyer son chauffeur. Celui que vous allez prendre fera la même chose. Dans le temps on pouvait facilement retirer la clef au chauffeur, dès qu'il n'assure pas. Aujourd'hui, c'est devenu compliqué.
Pour revenir aux salaires, à quand peut-on s'attendre à une augmentation?
Pour qu'on parle de salaire, il faut parler de la pérennisation de l'emploi de chauffeur, il faut des contrats avec des clauses. Mais il n'y a rien de tout cela.
Il n'y a jamais eu de contrat entre chauffeur et patron ?
Jamais. Au debut, j'ai essayé d'instaurer cela avec mes chauffeurs, avec un bulletin de salaire. Je leur ai dit que je peux leur payer 100 000 Fcfa par mois, mais s'ils ne me ramènent pas la recette, je vais soustraire le manquant dans le salaire. Ils ont tous refusé l'idée. Ils préfèrent travailler sans contrat comme ils le font en ce moment. Comment voulez vous qu'on améliore leurs conditions de vie ?
Le ministère de Fonction publique et de l'emploi nous a approchés pour nous demander de déclarer les chauffeurs à la Caisse nationale de prévoyance sociale. Or nous les patrons, ne sommes pas déclarés à la Cnps. Cela ne peut pas marcher.
Est-ce que le Comité de régulation du transport routier qui a vu le jour récemment va changer quelque chose à la situation ?
Oui. Ce comité va tenter de rapprochez les positions, voir dans quelle mesure, le transporteur peut devenir chef d'entreprise, le chauffeur un propriétaire de véhicule et un apprenti, un chauffeur. Dans les années 1990, quand un chauffeur roule pour vous et que vous arrivez à payer trois véhicules grâce à ses recettes, vous lui donnez un véhicule. Mais avec la nouvelle menace qui plane sur le secteur, nous avons arrêté ce système. Il faut que nous le relancions. Je demande aux chauffeurs de ne pas nous voir comme leur ennemi.
Une interview réalisée par Raphaël Tanoh