Pour Banimo Oscar, 35 ans, natif de Tipadipa dans la sous-préfecture de Gagnoa l'escroquerie était jusque-là un fonds de commerce qui marchait fort bien pour lui. Se disant propriétaire de plusieurs hectares de forêt, il vend tour à tour la même parcelle à deux clients différents. Son premier client se nomme Kara Saguebala, à qui il a vendu 3 hectares de forêt à hauteur de 300 mille francs. Il y a 4 ans. « En 2006, Oscar et l'un de ses frères aînés sont venus me voir. Selon eux, Oscar a de gros ennuis avec la communauté baoulé. Pour régler cette affaire, ils me demandent 300 mille francs. En retour, ils s'engagent à m'octroyer 3 hectares de forêt sous forme de vente », explique l'intéressé. Vivant avec son jeune frère Kara Doumi Animy, il propose que l'acte de vente porte le nom de Doumi afin d'encourager celui-ci à travailler sur la parcelle. « C'est Oscar lui-même qui a rédigé l'acte. Document au bas duquel il a apposé sa signature, sous l'œil vigilant de Koudou Roger et Samaké qui sont mes témoins », déclare Saguebala. Les frères Kara se mettent à exploiter la forêt dont ils sont désormais propriétaires. Mais voilà que le plus jeune des Kara, c'est-à-dire Doumi tombe gravement malade. Evacué d'urgence au pays pour des soins, il décède. C'est l'occasion toute trouvée pour Oscar de nier à Saguebala l'appartenance de la forêt qu'il a vendue 4 ans plus tôt. « Je n'ai jamais vendu de forêt. En 2006, j'ai plutôt cédé momentanément la parcelle à Doumi. Nous sommes convenus qu'à la fin des travaux champêtres, nous partagerons les produits agricoles », dément Oscar l'accusé. Les deux témoins cités par Saguebala sont unanimes. « C'est en notre présence que Kara a remis l'argent à Oscar. A la suite de quoi, il a écrit et signé un papier pour dire qu'il a vendu les 3 hectares de forêt à Kara », témoignent-ils. Selon l'accusé, ce sont des témoignages partisans. « Koudou Roger convoite cette forêt ; c'est pourquoi il témoigne contre moi », réplique Oscar sans toutefois justifier les dires de Samaké en sa défaveur. Le juge lui présente l'acte de vente en question. Face à sa persistance à ne pas reconnaître sa propre signature, le tribunal le soumet à une épreuve de dictée pour comparer les écritures. Le rapprochement des deux manuscrits laisse clairement apparaître des similitudes parfaites aussi bien dans les écritures que dans les signatures. Oscar est trahi par sa propre écriture. C'est donc lui qui a effectivement signé le document faisant de Kara le propriétaire de la parcelle. Sa deuxième victime n'est autre que dame Koffi N'da Akissi, institutrice de profession. Quand elle se présente à la barre, c'est pour en rajouter au malheur d'Oscar. « Il m'a fait croire qu'il possède plusieurs hectares de forêt. N'ayant pas les moyens de faire le cadastre, il m'a exigé la somme de 400 mille francs. Une fois l'opération terminée, il allait me donner 3 hectares en échange du montant que j'ai payé », raconte l'institutrice. Elle dit avoir fait la connaissance d'Oscar par l'intermédiaire de son cousin. «Je suis en ville, Oscar est dans le même village que mon cousin. C'est ce dernier qui m'a convaincue qu'Oscar possède une très grande forêt et qu'il voulait faire le cadastre », a expliqué Akissi. A la vérité, Oscar voulait utiliser l'argent que lui remettra l'institutrice pour rembourser Saguebala et lui demander de quitter les lieux au profit de l'enseignante. Pour précipiter le départ du Burkinabé, Oscar prend attache avec un huissier de justice. Une décision de justice ordonne donc le déguerpissement de Saguebala. Celui-ci s'y oppose. De l'autre côté, l'institutrice piaffe d'impatience. Bien qu'elle ait avancé 375 mille francs, elle n'a pas encore vu de ses yeux la forêt en question. « Je faisais confiance à mon cousin a tel point que je ne pouvais m'imaginer que la parcelle qui me sera proposée, est litigieuse », regrette-t-elle. Puis de poursuivre « c'est lorsque nous sommes allés sur la parcelle que j'ai tout compris. Un groupe d'individus s'est opposé à nous au motif qu'ils en sont les propriétaires», dit- elle avec tristesse. Ainsi les deux acquéreurs se retrouvent nez-à-nez sur le même espace. D'un côté Saguebala le premier propriétaire de la parcelle et de l'autre dame Akissi la seconde prétendante. Tous les deux portent plainte contre Oscar. Pendant les enquêtes préliminaires, le prévenu n'a pas reconnu les faits. Mais la perspicacité du tribunal a fini par le mettre à nu. Il est reconnu coupable de l'ensemble des faits mis à sa charge. Cependant, il bénéficie de circonstances atténuantes. 3 mois de prison ferme et 50 mille francs d'amende. A sa sortie, il paiera la somme de 250 mille francs à dame Akissi comme reliquat de ce qu'il lui doit.
Alain Kpapo à Gagnoa
Alain Kpapo à Gagnoa
