Présent en Côte d’Ivoire, dans le cadre de l’hommage rendu à Bernard B. Dadié, les 30 et 31 août dernier, au Palais de la culture, Seydou Badian Kouyaté s’est prêté aux questions des journalistes. Ses œuvres, son combat, ses espérances, sa vision de l’Afrique sont passés au scanner dans un entretien.
Votre roman ‘’Sous l’orage’’ (1963) est devenu un classique de la littérature africaine. Pensiez-vous qu’il rencontrerait autant de succès ?
J’ai écrit, car j’avais envie d’écrire. J’avais autour de moi des scènes, des problèmes de famille. J’ai voulu donner mon point de vue sur ces différentes difficultés. Dans ‘’Sous l’orage’’, dit-on, c’est un conflit de générations. Mais, il y a des vieux qui sont avec des jeunes, tel que le père Djigui. Et des jeunes qui sont avec les vieux, C’est le cas de Benfa. En fait, c’est le problème du mariage forcé que j’ai voulu traiter. Je ne pensais pas que ça aurait une si longue vie. C’était un problème d’actualité autour de moi. Je suis tombé là-dessus, et il est tombé sur moi.
A quel besoin répondait votre essai, ‘’Les dirigeants africains face à leur peuple’’ (1965), qui a obtenu le grand Prix littéraire d’Afrique ?
C’est une critique de l’esprit politique qui naissait. Une critique de certains dirigeants qui se prenaient pour des empereurs qui avaient le langage des démocrates, mais, dans leur quotidien, se comportaient autrement. J’ai critiqué cela. J’ai aussi critiqué le geste des déculturés. Déjà, certains croyaient que nous étions des Européens et qu’il fallait faire comme eux pour vivre mieux. Ils avaient oublié que nous sommes porteurs d’autre chose. Sans sectarisme, nous sommes porteurs de ce que nos pères et les pères de nos pères ont laissé, avec l’ouverture que nous apporte l’étranger, l’Occident. L’objectif était de montrer que nous devons rester Africains, des héritiers du bon que nous ont laissé nos pères, en acceptant l’intéressant que nous apporte l’Occident. J’ai surpris ceux qui croyaient être d’un côté ou de l’autre uniquement.
Plusieurs Etats africains fêtent, en cette année 2010, le cinquantenaire de leur indépendance. En tant que témoin de ces noces d’or, quel bilan faites-vous de la littérature africaine ?
Je suis généralement dans chacun de mes livres. Sur une ligne, deux, trois, quatre, nous avons attaqué la colonisation. Aujourd’hui, il y a quelques jeunes auteurs qui prennent la relève. C’est-à-dire qu’ils s’attaquent à nos propres travers. De mon point de vue, c’est avoir le courage de nous regarder nous-mêmes et avoir le courage de dire la vérité sur nous-mêmes. C’est certainement ce qui va donner vie à la nouvelle création. Une nouvelle vision de la littérature, de nos travers. Et Dieu sait qu’il y en a beaucoup. Nous avons flétri le colonialisme, nous devons avoir le courage et l’habilité de flétrir nos propres chefs avec leurs travers, leurs manies et leur reniement.
Vous êtes médecin, écrivain et homme politique. Sous quelle casquette vous sentez-vous le mieux ?
Je porte gaillardement les trois. De temps en temps, je change. Tant qu’il le faut ou si le contexte l’exige. Mais, sans jamais renier ou jeter l’un ou l’autre. Je garde toujours ma casquette de médecin. Je continue d’écrire. Je suis en train de faire ce que les vieux doivent faire, à savoir rédiger des mémoires. Quant à la casquette politique, je ne vais pas à une conférence sans aborder d’une manière et d’une autre de front ou de flanc le problème politique.
A l’écriture de votre œuvre Les dirigeants africains face à leur peuple en 1965, vous aviez un idéal. Aujourd’hui, avec le mode de gestion de nos Etats, croyez-vous encore à cet idéal ?
Je suis un optimiste indécodable. Je ne baisse jamais les bras. Malgré les insuffisances, les défaillances, les déviations, je crois toujours que cet idéal demeurera. Parce que l’Afrique ne peut pas faire autrement. Si nous voulons vivre en nous épanouissant, être des hommes de dignité, de fierté, nous sommes obligés de nous unir. L’Afrique est obligée de s’unir. Peut-être pas avec nous. Peut-être que nous ne le saurons même pas. Mais, c’est dans son destin et j’y crois.
Pensez-vous que la génération actuelle est-elle consciente de l’héritage que vous lui laissez ?
Partout où je me trouve, quand des jeunes m’entourent, ils m’interrogent au moins sur une partie de mes œuvres. C’est soit au sujet ‘’Des dirigeants africains face à leur peuple’’ ou ‘’Sous l’orage’’ qui va qui vient, c’est souvent même des écrits de prison ‘’Le sang des masques’’. Je pense que quelques uns en gardent des souvenirs.
Que pensez-vous de l’hommage rendu à Bernard Dadié ?
Ce qui s’est passé, mardi et mercredi, constitue véritablement un ferment. C’est phénoménal. Parce que, c’est pour la première fois qu’on rend hommage à un homme de culture de son vivant. Lorsqu’on m’a dit à l’académie qu’un hommage sera rendu à Bernard Dadié, ma première réaction a été de m’exclamer: ‘’eh Allah. Est-il mort ?’’ On m’a répondu qu’il était vivant. Et c’est extraordinaire. C’est une voie ouverte sur laquelle d’autres chefs d’Etat vont s’engager. De ce fait, on aura une autre conception de l’écrivain, une autre éthique va naître entre le peuple et les auteurs.
Votre message aux hommes politiques africains…
Que les hommes politiques se rendent compte que l’écriture, c’est beaucoup. Nous sommes dans une civilisation de l’oralité. Mais, de plus en plus, l’écrit prend le pas. L’écrit c’est beaucoup, parce qu’il reste avec sa vérité, ses dimensions et ses précisions. Je veux dire merci au président Laurent Gbagbo pour avoir fait ce qu’il a fait. C’est énorme. On n’attend pas la mort de l’homme de culture pour lui dire merci. Mais, on l’honore de son vivant. Quand il est à même de produire. Pour qu’il serve d’exemple et de guide aux jeunes.
…Aux jeunes…
C’est aux jeunes d’appeler une conscience nouvelle. C’est à eux d’ouvrir les portes de la réussite. Désormais, la porte est ouverte. Ecrivez, pensez, travaillez. Vous serez certainement récompensés de votre vivant. C’est beaucoup.
… Et à Bernard Dadié
Nous souhaitons longue vie à Bernard Dadié. C’est notre aîné, c’est notre frère. C’est notre maître. Nous demandons au peuple ivoirien de le considérer comme tel. Qu’on continue de l’honorer, à l’écouter et à prier pour lui.
Propos recueillis par Sanou Amadou (Stagiaire)
Votre roman ‘’Sous l’orage’’ (1963) est devenu un classique de la littérature africaine. Pensiez-vous qu’il rencontrerait autant de succès ?
J’ai écrit, car j’avais envie d’écrire. J’avais autour de moi des scènes, des problèmes de famille. J’ai voulu donner mon point de vue sur ces différentes difficultés. Dans ‘’Sous l’orage’’, dit-on, c’est un conflit de générations. Mais, il y a des vieux qui sont avec des jeunes, tel que le père Djigui. Et des jeunes qui sont avec les vieux, C’est le cas de Benfa. En fait, c’est le problème du mariage forcé que j’ai voulu traiter. Je ne pensais pas que ça aurait une si longue vie. C’était un problème d’actualité autour de moi. Je suis tombé là-dessus, et il est tombé sur moi.
A quel besoin répondait votre essai, ‘’Les dirigeants africains face à leur peuple’’ (1965), qui a obtenu le grand Prix littéraire d’Afrique ?
C’est une critique de l’esprit politique qui naissait. Une critique de certains dirigeants qui se prenaient pour des empereurs qui avaient le langage des démocrates, mais, dans leur quotidien, se comportaient autrement. J’ai critiqué cela. J’ai aussi critiqué le geste des déculturés. Déjà, certains croyaient que nous étions des Européens et qu’il fallait faire comme eux pour vivre mieux. Ils avaient oublié que nous sommes porteurs d’autre chose. Sans sectarisme, nous sommes porteurs de ce que nos pères et les pères de nos pères ont laissé, avec l’ouverture que nous apporte l’étranger, l’Occident. L’objectif était de montrer que nous devons rester Africains, des héritiers du bon que nous ont laissé nos pères, en acceptant l’intéressant que nous apporte l’Occident. J’ai surpris ceux qui croyaient être d’un côté ou de l’autre uniquement.
Plusieurs Etats africains fêtent, en cette année 2010, le cinquantenaire de leur indépendance. En tant que témoin de ces noces d’or, quel bilan faites-vous de la littérature africaine ?
Je suis généralement dans chacun de mes livres. Sur une ligne, deux, trois, quatre, nous avons attaqué la colonisation. Aujourd’hui, il y a quelques jeunes auteurs qui prennent la relève. C’est-à-dire qu’ils s’attaquent à nos propres travers. De mon point de vue, c’est avoir le courage de nous regarder nous-mêmes et avoir le courage de dire la vérité sur nous-mêmes. C’est certainement ce qui va donner vie à la nouvelle création. Une nouvelle vision de la littérature, de nos travers. Et Dieu sait qu’il y en a beaucoup. Nous avons flétri le colonialisme, nous devons avoir le courage et l’habilité de flétrir nos propres chefs avec leurs travers, leurs manies et leur reniement.
Vous êtes médecin, écrivain et homme politique. Sous quelle casquette vous sentez-vous le mieux ?
Je porte gaillardement les trois. De temps en temps, je change. Tant qu’il le faut ou si le contexte l’exige. Mais, sans jamais renier ou jeter l’un ou l’autre. Je garde toujours ma casquette de médecin. Je continue d’écrire. Je suis en train de faire ce que les vieux doivent faire, à savoir rédiger des mémoires. Quant à la casquette politique, je ne vais pas à une conférence sans aborder d’une manière et d’une autre de front ou de flanc le problème politique.
A l’écriture de votre œuvre Les dirigeants africains face à leur peuple en 1965, vous aviez un idéal. Aujourd’hui, avec le mode de gestion de nos Etats, croyez-vous encore à cet idéal ?
Je suis un optimiste indécodable. Je ne baisse jamais les bras. Malgré les insuffisances, les défaillances, les déviations, je crois toujours que cet idéal demeurera. Parce que l’Afrique ne peut pas faire autrement. Si nous voulons vivre en nous épanouissant, être des hommes de dignité, de fierté, nous sommes obligés de nous unir. L’Afrique est obligée de s’unir. Peut-être pas avec nous. Peut-être que nous ne le saurons même pas. Mais, c’est dans son destin et j’y crois.
Pensez-vous que la génération actuelle est-elle consciente de l’héritage que vous lui laissez ?
Partout où je me trouve, quand des jeunes m’entourent, ils m’interrogent au moins sur une partie de mes œuvres. C’est soit au sujet ‘’Des dirigeants africains face à leur peuple’’ ou ‘’Sous l’orage’’ qui va qui vient, c’est souvent même des écrits de prison ‘’Le sang des masques’’. Je pense que quelques uns en gardent des souvenirs.
Que pensez-vous de l’hommage rendu à Bernard Dadié ?
Ce qui s’est passé, mardi et mercredi, constitue véritablement un ferment. C’est phénoménal. Parce que, c’est pour la première fois qu’on rend hommage à un homme de culture de son vivant. Lorsqu’on m’a dit à l’académie qu’un hommage sera rendu à Bernard Dadié, ma première réaction a été de m’exclamer: ‘’eh Allah. Est-il mort ?’’ On m’a répondu qu’il était vivant. Et c’est extraordinaire. C’est une voie ouverte sur laquelle d’autres chefs d’Etat vont s’engager. De ce fait, on aura une autre conception de l’écrivain, une autre éthique va naître entre le peuple et les auteurs.
Votre message aux hommes politiques africains…
Que les hommes politiques se rendent compte que l’écriture, c’est beaucoup. Nous sommes dans une civilisation de l’oralité. Mais, de plus en plus, l’écrit prend le pas. L’écrit c’est beaucoup, parce qu’il reste avec sa vérité, ses dimensions et ses précisions. Je veux dire merci au président Laurent Gbagbo pour avoir fait ce qu’il a fait. C’est énorme. On n’attend pas la mort de l’homme de culture pour lui dire merci. Mais, on l’honore de son vivant. Quand il est à même de produire. Pour qu’il serve d’exemple et de guide aux jeunes.
…Aux jeunes…
C’est aux jeunes d’appeler une conscience nouvelle. C’est à eux d’ouvrir les portes de la réussite. Désormais, la porte est ouverte. Ecrivez, pensez, travaillez. Vous serez certainement récompensés de votre vivant. C’est beaucoup.
… Et à Bernard Dadié
Nous souhaitons longue vie à Bernard Dadié. C’est notre aîné, c’est notre frère. C’est notre maître. Nous demandons au peuple ivoirien de le considérer comme tel. Qu’on continue de l’honorer, à l’écouter et à prier pour lui.
Propos recueillis par Sanou Amadou (Stagiaire)