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Société Publié le samedi 4 septembre 2010 | Le Nouveau Courrier

La liberté a un prix

… Les paroles de Kouamé me font penser à Nelson Mandela, adulé et célébré aujourd’hui après avoir été traité de terroriste et emprisonné pendant vingt-sept ans à Robben Island parce qu’il était contre la discrimination raciale en Afrique du Sud. Je pense également à ces six cents écoliers noirs tombés en même temps que Steve Biko à Soweto en 1976, à l’exil que connurent les Oliver Tambo, Walter Sisulu, Govan Mbeki et tant d’autres. Ces hommes savaient qu’ils pouvaient être arrêtés et emprisonnés en raison de ce combat pour l’égalité et la justice. Ils n’ignoraient pas qu’ils pouvaient être fauchés à tout moment par la mort comme Dulcie September le fut à Paris, le 29 mars 1988. Ils avaient fait leur deuil du confort personnel, de la vie douce et tranquille. En un mot, ils avaient compris que la lutte pour la liberté a un coût, que « la véritable histoire s’effectue par des ruptures et des larmes et non par le seul jeu des bons sentiments » (Serge Bilé, Sur le dos des hippopotames. Une vie de nègre, Paris, Calmann-Lévy, 2006, p. 145). La rupture avec l’ordre ancien caractérisé par le mépris et le paternalisme de l’ex-puissance colonisatrice ne peut se faire sans sacrifice. Chacun doit consentir à perdre quelque chose et à bouger au lieu de se résigner, au lieu de ne compter que sur Dieu. Car « ne plus se battre, ne même plus tenter de résister aux forces extérieures, c’est déjà accepter sa soumission, sinon sa défaite » (Ibid., p. 102). Digbeu avait accepté la soumission à la France parce qu’il n’était guère prêt à perdre son poste dans l’entreprise parisienne où il gagnait des milliers d’euros, parce qu’il voulait continuer à boire le vin de Bordeaux et à manger le camembert. Il préférait l’abondance dans l’esclavage à la liberté dans la pauvreté ; il voulait profiter de la sécurité sociale et des moyens de transports que la France lui offrait, oubliant que des Français et des Françaises s’étaient battus, sacrifiés pour que cela advienne. Malheureusement, Digbeu n’est pas un cas isolé car les gens qui pensent comme lui, qui ont capitulé comme lui, qui ont choisi la résignation plutôt que la résistance, se rencontrent un peu partout en Afrique. De Dakar à Brazzaville, ils sont nombreux à avoir renoncé à la lutte pour le bien de tous, à être peu intéressés par les relations d’égal à égal, à attendre que le changement arrive sur un plateau. Or, écrit encore Serge Bilé, « parfois la rupture surgit sans la guerre, mais c’est rare » (Ibid. p. 145). Le politologue camerounais Shanda Tonme le confirme quand il écrit : « Les autres recourent à toutes sortes de manifestations physiques, matérielles, mécaniques et même scientifiques pour faire entendre leur colère et conquérir leurs libertés pendant que, chez nous, la peur, l’indifférence et les souffrances solitaires règnent. Ma conviction profonde est que nous n’avons pas encore payé le prix qu’il faut, pour mériter la liberté et la démocratie... Les Algériens peuvent dire ce qu’ils veulent aujourd’hui de leur coopération avec la France car ils ont pris les armes et sont prêts à recommencer. Ce qui est en cause, c’est la capacité à détruire les deux liens compromettants qui forment la source de notre perdition et de notre condamnation à l’esclavage. Le premier lien est celui tissé par la colonisation. Nous avons longtemps limité notre rapport avec l’ancienne puissance à une contemplation de l’état des lieux, sans grande volonté de revendiquer un changement. Que faire ? Ne reprenons pas l’histoire ancienne des luttes nationalistes qui devinrent violentes malgré elles. Ni l’UPC (Union des populations du Cameroun), ni les autres mouvements ailleurs n’avaient opté au départ pour la violence. Tous les mouvements nationalistes croyaient fermement aux droits de l’homme comme à une civilisation dont les géniteurs européens feraient un usage généralisé à tous les peuples. Erreur ! Le prix de la liberté et de la démocratie s’exprime en de lourds sacrifices intelligents qui n’ont rien de commun avec les protestations molles et opportunistes des années 1950 que nous avons connues. La différence est nette et il importe d’en tenir compte une fois pour toutes. C’est un tort de remettre son destin entre les mains de quelques combines des bureaux feutrés et insolents de l’ONU, monstre impersonnel manipulé par ces oiseaux criminels nommés Grandes puissances. » Tonme ajoute : « Aucun peuple ne sachant se battre dans le contexte des oppressions contemporaines ne peut dorénavant prétendre à la dignité.

Il s’agit d’opposer une réponse appropriée à la cruauté et au radicalisme des imbéciles accrochés au pouvoir avec la bénédiction des chiens de garde étrangers » (Le Messager du 26 avril 2006).

Il ne s’agit certainement pas de poser des bombes qui tuent des innocents, ni de considérer les attentats suicides comme une « réponse appropriée » à l’injustice et au mépris que nous subissons depuis plusieurs années. Force est cependant de reconnaître que l’Afrique noire francophone n’a pas encore compris que la liberté a un prix. Un prix que nous devons tous accepter de payer.
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