Le président de la République vient de s’inviter dans le conflit qui oppose différents opérateurs de l’escorte routière. Une grosse erreur d’appréciation.
La crise qui secoue le milieu des transporteurs de marchandises a-t-elle été mise entre parenthèses ? C’est sans doute le vœu secret du chef de l’Etat qui a repris le dossier en main. Et, Laurent Gbagbo a utilisé la manière forte. En effet, un arrêté du ministre des Transports, pris en pleine grève des routiers, a transféré la tutelle de l’Office ivoirien des chargeurs (Oic) à la…Présidence. Désormais, ceux qui réclament la fin du monopole de l’office sur l’escorte des camions de marchandises en direction des pays de la sous-région, auront face à eux la toute puissante présidence de la République.
Si l’objectif de ce tour de passe-passe entre le ministre Flindé Albert et Laurent Gbagbo est de ramener le calme dans ce secteur vital, à la veille d’une présidentielle importante, l’on ne peut que s’en réjouir. Cette initiative n’a-t-elle pas quelque peu étouffé la grogne dans l’anti-monopole ?
Il faut rappeler que c’est un arrêté de l’ancien ministre Albert Mabri Toikeusse qui avait libéralisé cette activité. D’autres acteurs se sont engouffrés dans la brèche. Devenu ministre, M. Flindé, ancien directeur de cabinet de M. Mabri, fera volte-face. En mettant fin aux activités de l‘Union Gacci-Socobib (UGS), il remet tout simplement l’Oic en situation de monopole. D’où les mouvements de grève des camionneurs qui s’élèvent contre les tarifs exorbitants imposés par l’office (160.000 Fcfa par camion contre 37.000 Fcfa pour la concurrence). Il faut noter que, même les camions vides, sont tenus de payer l’escorte.
La décision du chef de l’Etat de cautionner le retour au monopole est très surprenante à plus d’un titre.
Depuis le département d’Agboville où il était en tournée du 2 au 4 août, Laurent Gbagbo a lancé aux Ivoiriens : « la guerre est finie, la crise est finie ! » Pourtant, l’escorte est une des survivances de la crise qui secoue le pays depuis une décennie.
Il n’y a plus de zone de confiance. Le nombre de barrages sécuritaires a été fortement réduit. Le Centre de commandement intégré (Cci) se déploie. Les com’zones ont disparu du paysage. Les douaniers sont sur le point de retrouver tous les postes frontaliers. Effectivement, la crise est derrière nous. Pourquoi faut-il alors que les transporteurs continuent de la subir financièrement, via l’escorte routière ? A quel besoin cela correspond-il de taxer encore indûment les exportations ivoiriennes vers les pays de l’hinterland ? Le chef de l’Etat a-t-il reçu de ses éminents conseillers toutes les informations utiles avant d’accepter de prendre la tutelle de l’Oic et de son système de taxation ? Il est permis d’en douter.
Car, s’il avait été conseillé à bon escient, Laurent Gbagbo aurait choisi de ne pas voir son nom associé à un office dont l’image est des plus mauvaises. Faut-il le rappeler, pour lutter contre le racket des forces de défense et de sécurité, c’est le même office qui a tenté d’imposer le ticket unique, avec la caution de son ministère de tutelle. L’objectif premier de cette cotisation était de mettre fin aux bavures qui ont coûté la vie à une trentaine de chauffeurs d’Abidjan. Il était donc question de collecter quotidiennement de l’argent pour désintéresser les forces de l’ordre, selon une clé de répartition bien précise. Au départ, il a même été prévu d’installer ses guichets dans les commissariats et les brigades. Quelle déchéance ! La fronde des transporteurs, soutenus par le chef d’état-major et l’Observatoire de la fluidité routière, dans lequel siège des députés, a permis de faire reculer l’Oic. Selon une étude de la Banque mondiale sur le racket, publiée en 2008, la vente quotidienne de stickers pour le ticket unique pouvait rapporter annuellement entre 3,44 et 4,392 milliards de Fcfa. Le ticket lui-même ayant une capacité de captation de 257,8 millions de Fcfa.
Pis, pour le chef de l’Etat, est le jugement de la Banque mondiale sur l’Oic. Dans une étude sur la passation des marchés publics, l’institution a recommandé, en 2004, la suppression pure et simple d’un office, devenu inutile. « L’Office ivoirien des chargeurs n’a plus d’utilité pour l’économie ivoirienne car les raisons de son existence ont disparu », ont conclu les experts de la banque, après avoir passé en revue les nouvelles activités que s’est données l’office, créé en 1964 pour soutenir les chargeurs ivoiriens.
En définitive, l’Oic est bel et bien une société illégitime et nuisible à l’économie ivoirienne. D’où la surprise face à la décision de le rattacher à la présidence de la République. Initiative d’autant plus curieuse que pour redorer son image avant la présidentielle, le chef de l’Etat sortant a entrepris de nettoyer les écuries d’Augias. Il a frappé dans la très médiatique filière café-cacao, dont les anciens dirigeants seront jugés à partir du 8 septembre 2010.
Laurent Gbagbo aurait été plus logique dans sa démarche, s’il avait soulagé, par exemple, le secteur des transports des prélèvements indus imposés aux chauffeurs par des centaines de syndicats qui y règnent. Cela aurait été de la bonne gouvernance.
Kesy B. Jacob
La crise qui secoue le milieu des transporteurs de marchandises a-t-elle été mise entre parenthèses ? C’est sans doute le vœu secret du chef de l’Etat qui a repris le dossier en main. Et, Laurent Gbagbo a utilisé la manière forte. En effet, un arrêté du ministre des Transports, pris en pleine grève des routiers, a transféré la tutelle de l’Office ivoirien des chargeurs (Oic) à la…Présidence. Désormais, ceux qui réclament la fin du monopole de l’office sur l’escorte des camions de marchandises en direction des pays de la sous-région, auront face à eux la toute puissante présidence de la République.
Si l’objectif de ce tour de passe-passe entre le ministre Flindé Albert et Laurent Gbagbo est de ramener le calme dans ce secteur vital, à la veille d’une présidentielle importante, l’on ne peut que s’en réjouir. Cette initiative n’a-t-elle pas quelque peu étouffé la grogne dans l’anti-monopole ?
Il faut rappeler que c’est un arrêté de l’ancien ministre Albert Mabri Toikeusse qui avait libéralisé cette activité. D’autres acteurs se sont engouffrés dans la brèche. Devenu ministre, M. Flindé, ancien directeur de cabinet de M. Mabri, fera volte-face. En mettant fin aux activités de l‘Union Gacci-Socobib (UGS), il remet tout simplement l’Oic en situation de monopole. D’où les mouvements de grève des camionneurs qui s’élèvent contre les tarifs exorbitants imposés par l’office (160.000 Fcfa par camion contre 37.000 Fcfa pour la concurrence). Il faut noter que, même les camions vides, sont tenus de payer l’escorte.
La décision du chef de l’Etat de cautionner le retour au monopole est très surprenante à plus d’un titre.
Depuis le département d’Agboville où il était en tournée du 2 au 4 août, Laurent Gbagbo a lancé aux Ivoiriens : « la guerre est finie, la crise est finie ! » Pourtant, l’escorte est une des survivances de la crise qui secoue le pays depuis une décennie.
Il n’y a plus de zone de confiance. Le nombre de barrages sécuritaires a été fortement réduit. Le Centre de commandement intégré (Cci) se déploie. Les com’zones ont disparu du paysage. Les douaniers sont sur le point de retrouver tous les postes frontaliers. Effectivement, la crise est derrière nous. Pourquoi faut-il alors que les transporteurs continuent de la subir financièrement, via l’escorte routière ? A quel besoin cela correspond-il de taxer encore indûment les exportations ivoiriennes vers les pays de l’hinterland ? Le chef de l’Etat a-t-il reçu de ses éminents conseillers toutes les informations utiles avant d’accepter de prendre la tutelle de l’Oic et de son système de taxation ? Il est permis d’en douter.
Car, s’il avait été conseillé à bon escient, Laurent Gbagbo aurait choisi de ne pas voir son nom associé à un office dont l’image est des plus mauvaises. Faut-il le rappeler, pour lutter contre le racket des forces de défense et de sécurité, c’est le même office qui a tenté d’imposer le ticket unique, avec la caution de son ministère de tutelle. L’objectif premier de cette cotisation était de mettre fin aux bavures qui ont coûté la vie à une trentaine de chauffeurs d’Abidjan. Il était donc question de collecter quotidiennement de l’argent pour désintéresser les forces de l’ordre, selon une clé de répartition bien précise. Au départ, il a même été prévu d’installer ses guichets dans les commissariats et les brigades. Quelle déchéance ! La fronde des transporteurs, soutenus par le chef d’état-major et l’Observatoire de la fluidité routière, dans lequel siège des députés, a permis de faire reculer l’Oic. Selon une étude de la Banque mondiale sur le racket, publiée en 2008, la vente quotidienne de stickers pour le ticket unique pouvait rapporter annuellement entre 3,44 et 4,392 milliards de Fcfa. Le ticket lui-même ayant une capacité de captation de 257,8 millions de Fcfa.
Pis, pour le chef de l’Etat, est le jugement de la Banque mondiale sur l’Oic. Dans une étude sur la passation des marchés publics, l’institution a recommandé, en 2004, la suppression pure et simple d’un office, devenu inutile. « L’Office ivoirien des chargeurs n’a plus d’utilité pour l’économie ivoirienne car les raisons de son existence ont disparu », ont conclu les experts de la banque, après avoir passé en revue les nouvelles activités que s’est données l’office, créé en 1964 pour soutenir les chargeurs ivoiriens.
En définitive, l’Oic est bel et bien une société illégitime et nuisible à l’économie ivoirienne. D’où la surprise face à la décision de le rattacher à la présidence de la République. Initiative d’autant plus curieuse que pour redorer son image avant la présidentielle, le chef de l’Etat sortant a entrepris de nettoyer les écuries d’Augias. Il a frappé dans la très médiatique filière café-cacao, dont les anciens dirigeants seront jugés à partir du 8 septembre 2010.
Laurent Gbagbo aurait été plus logique dans sa démarche, s’il avait soulagé, par exemple, le secteur des transports des prélèvements indus imposés aux chauffeurs par des centaines de syndicats qui y règnent. Cela aurait été de la bonne gouvernance.
Kesy B. Jacob