Il y a huit ans, éclatait la guerre. Le 19 septembre dernier, le douloureux souvenir de ce jour de l’année 2002 est remonté à l’esprit de bien des Ivoiriens. La presse, une fois encore, a rappelé à certaines mémoires oublieuses, ces événements qui ont fait plusieurs centaines de morts et endeuillé des familles. Huit ans après, les balafres de la guerre demeurent même si le temps a quelque peu cicatrisé les blessures. L’économie, les infrastructures socio-économiques, le pouvoir d’achat des populations, tout est tombé progressivement en lambeaux. Que de gâchis pour…presque rien ! Vu l’état du pays aujourd’hui, on peut dire que la guerre ou plutôt la crise artificielle qui en a résulté, a été gravement préjudiciable à la Côte d’Ivoire. L’économie se porte mal, au-delà des assurances flatteuses données par les dirigeants. Réuni en atelier à Yamoussoukro au mois d’avril, le patronat ivoirien a souligné que tous les voyants de l’économie sont au rouge. Au point que la Côte d’Ivoire se classe aujourd’hui 168e sur 183 pays par ordre de compétitivité. Selon un autre classement fait par le Forum économique mondial, elle est 116e sur 133 pays les plus compétitifs. C’est dire qu’elle n’occupe pas une place honorable. Par ailleurs, le taux de chômage, selon l’atelier de Yamoussoukro avoisine les 30% tandis que le taux de pauvreté est de 48,9 %. La pauvreté s’est accrue durant ces années de crise. A juste titre, vu le nombre de plus en plus croissant d’emplois perdus, notamment les 30 000 emplois réduits à néant par les événements de novembre 2004. Evidemment, la raréfaction de l’emploi se traduit par un pouvoir d’achat de plus en plus faible. Résultat, le gros des populations tire le diable par la queue ! En témoigne ces mendiants et autres crève-la-faim qui tendent les mains à tous les coins de rue. En témoigne aussi le développement ahurissant de la prostitution dans toutes les villes du pays. En raison de la pauvreté grandissante, nombreux sont les citoyens qui ne parviennent pas à payer leurs soins ( 68 % selon le document stratégique de réduction de la pauvreté). La fragilisation de l’Etat engendrée par les événements du 19 septembre 2002 a porté un uppercut aux infrastructures dont la Côte d’Ivoire était naguère si fière. A Abidjan, comme dans toutes les villes du pays, les routes sont en piteux état, les feux tricolores au noir, les hôpitaux devenus des mouroirs, les prestigieuses grandes écoles de Yamoussoukro tombent en ruine. Bref, tout fout le camp ! Tout ce gâchis pour rien, serait-on tenté de dire. En effet, la question identitaire, principale revendication de la rébellion, n’a pas connu une solution définitive. L’ivoirité, que les rebelles disaient être venus combattre, semble avoir survécu aux tirs de kalachnikov. A la faveur du contentieux sur la liste électorale, on a bien vu que la polémique autour de la nationalité est loin d’être tombée. Certes, la citoyenneté de 5 7 25 720 Ivoiriens ne souffre plus d’aucun doute, huit ans après l’éclatement de la guerre, mais la Côte d’Ivoire n’en a pas pour autant fini avec l’équation identitaire. Par ailleurs, le candidat du Rdr, Alassane Ouattara, est désormais candidat à une élection présidentielle en Côte d’Ivoire comme l’ont réclamé ceux qui ont pris les armes. Mais, le scrutin, lui, se fait encore attendre, avec le risque de voir le pays replonger dans les mêmes tourments si ce tournant décisif était mal négocié. La moisson semble donc bien maigre pour ceux qui ont pris les armes. Toutefois, beaucoup ont tiré parti de ces événements, tombés comme du pain béni pour eux. Ils sont nombreux, en effet, ceux qui ont profité du chaos installé par la guerre pour s’enrichir. Du côté de Bouaké comme d’Abidjan, bien des personnes que rien ne prédestinait à un tel coup de pouce du sort, ont fait fortune. Grâce à la guerre.
Assane NIADA
Assane NIADA