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Société Publié le mercredi 22 septembre 2010 | Le Mandat

Enquête/ Lutte contre le Vih/Sida en Côte d’Ivoire (1ère partie) : Un cercle fermé où règnent copinage, chantage et surfacturation

Dans la lutte contre le Vih/Sida en Côte d’Ivoire, les acteurs sur le terrain rencontrent des fortunes diverses.

Le premier cas de Sida en Côte d’Ivoire a été découvert en 1985. Depuis, la maladie n’a cessé de progresser au sein de toutes les couches socioprofessionnelles. Avec le désastre causé par cette pandémie du siècle, la Côte d’Ivoire a été classée comme l’un des pays les plus touchés en Afrique de l’Ouest avec un taux de prévalence de 9,7% en 2003 selon ONUSIDA. Face donc à ce fléau qui menace même l’économie du pays, le gouvernement ivoirien a décidé de mettre en place diverses structures de lutte. Ce fut entre autres, la création en 1987 du Programme National de Lutte contre le Sida (PNLS), en septembre 2004 le Fonds National de Lutte contre le Sida (FNLS) et la mise en place du Ministère de la lutte contre le Sida en 2002. Cette progression inquiétante de la pandémie en Côte d’Ivoire a permis également l’intervention et l’appui important de nombreux bailleurs de fonds dont le Fonds Mondial, l’ONUSIDA, l’UNICEF, le fonds du président américain PEPFAR et d’autres partenaires étrangers. Toutes ces structures réunies financent la lutte contre le Sida en Côte d’Ivoire à hauteur de 87 % selon Mme Christine Adjobi, la ministre de la lutte contre le Sida. Cependant, malgré les actions et les progrès enregistrés sur la réduction du taux de prévalence qui a chuté de 9,7% en 2003 à 4,7 % aujourd’hui dans le pays, beaucoup de zones d’ombre suscitant des interrogations, subsistent. Des malades grognent et des ruptures de médicaments sont constatées par moment. Et selon des acteurs du milieu associatif de la lutte contre cette pandémie, les fonds seraient distribués par affinité et les financements surfacturés par des structures en charge de l’attribution et de la supervision des fonds alloués aux projets de lutte. Lors de notre enquête réalisée dans trois (3) départements de la Côte d’Ivoire, nous avons essayé de pénétrer ce milieu où tout semble tabou.

Le manque de moyens

A Abengourou, les ONG exerçant dans la lutte contre le sida dans leur majorité, déplorent le manque de moyens financiers et matériels tels que les vidéoprojecteurs, les écrans de projections, des tableaux padex et les ordinateurs, pour exécuter leurs différents projets. Plusieurs structures étatiques de lutte contre la pandémie semblent être logées à la même enseigne. C’est le cas par exemple du Centre Technique d’Appui aux Initiatives Locales (CTAIL) d’Abengourou qui manque de vidéoprojecteurs, d’écran de projections. Au niveau du CHR de Divo, le plateau technique pour effectuer les bilans sanguins est actuellement défaillant. Bref ! Les problèmes sont communs et ils ont pour noms : manque de financement, trop de partenaires intermédiaires intervenant dans la lutte à telle enseigne que ceux qui travaillent sur le terrain se sentent lésés. Au niveau des malades, nombreux sont ceux qui meurent, faute de moyens. Certains malades sont mal nourris par leurs parents à cause de la stigmatisation. C’est le cas de Hortense Oumé qui explique que ses parents lui on demandé d’occuper une chambre qui se trouve en dehors de la maison familiale pour éviter qu’elle contamine ses frères et sœurs. Les parents ayant peur de l’approcher lui apportent rarement à manger. D’autres par contre que nous avons rencontrés dans les couloirs de l’hôpital d’Abengourou, se plaignent des ruptures répétées des médicaments et de kits alimentaires pour les plus nécessiteux. Ce qui peut entrainer des résistances au niveau des ARV. Un malade lance à notre endroit : « on est fatigué de votre affaire de lutte contre le sida, beaucoup de sous sont dans cette affaire et nous les malades on souffre, on n’arrive même pas souvent à avoir nos médicaments, ni de la nourriture suffisante pour prendre nos médicaments ».

Du copinage décrié

Au Centre Hospitalier Régionale d’Abengourou, de l’avis de Oula Rose responsable d’une ONG de personnes vivant avec le VIH, faisant de la PTME (prévention de la transmission mère enfant), déclare : « la lutte contre le sida est un cercle fermé, c’est une affaire de copinage ». Pour elle, le milieu de la lutte serait une affaire de relations et d’amitié. Les financements extérieurs seraient généralement utilisés par des personnes qui ont des amis au ministère de la lutte contre le Sida ou dans certaines structures de financement (PEPFAR, EGPAF…) Ces structures distribueraient ensuite à des ONG par affinités. « Ce sont des amis qui se partagent de l’argent. S’il y a un financement par exemple, la personne informée qui peut être soit un médecin, informe à son tour un ami à lui qui a une ONG. Et il lui demande de faire ses dossiers pour bénéficier des fonds. Où encore, l’on fait créer rapidement une ONG par une connaissance afin que celle –ci soit parmi les bénéficiaires. Et pourtant, il existe plusieurs structures de lutte contre le sida sur le terrain qui ont des projets adéquats, mais qui ne sont jamais informées sur les financements » déplore notre interlocutrice, très écœurée par la pratique. Oula Rose ajoute même que « ce sont souvent des gens qui n’ont aucune compétence dans le domaine comme c’est le cas dans la Prévention de la Transmission du VIH de la Mère à l’Enfant (PTME). Et pourtant, ce sont ceux-là qui reçoivent des projets. » Notre responsable d’ONG de personnes vivant avec le VIH et le Sida nous explique que ces novices du domaine de la PTME sont donc obligés de chercher des sous –bénéficiaires compétents pour les aider à réaliser le projet pour lequel ils ont bénéficié de financements . Oula Rose précise par ailleurs que souvent le bénéficiaire du financement propose des sommes dérisoires à l’ONG compétente dans le domaine pour l’aider. « Ces montants varient entre 40. 000 FCFA ou 20 .000 FCFA pour le sous bénéficiaire afin qu’il aide l’ONG bénéficiaire à travailler sur le terrain. Comme conséquences de ces magouilles, les sommes octroyées ne suffisent pas et les chiffres présentés sont inventés ou erronés pour justifier que le travail sur le terrain est fait.

Ces Ong priviligiées

Le président de l’Association Vie Solidarité (AVS), Dari Kouassi ne dit pas autre chose concernant ce copinage qui semble miner le milieu de la lutte contre le sida. Il nous explique qu’au niveau du Moyen Comoé, seules quelques ONG privilégiées dont ROSE BLANCHE, CARITAS et CERAB sont financées. Malgré les différents projets qu’il aurait déposés à la Cellule Technique d’Appui aux Initiatives Locales (CTAIL) du Moyen Comoé, Kouassi soutient n’avoir jamais eu de suite. « On a souvent été bloqué dans notre activité, des ONG sont financées et d’autres pas. Je tiens un groupe d’auto-supports de personnes vivants avec le vih et le sida et je n’ai jamais été financé alors que mon ONG compte 200 personnes vivant avec la maladie. Malgré mes différents projets que j’ai déposés à la CTAIL et chez certains bailleurs, je n’ai jamais été financé » se plaint –t-il. Pour pallier donc ces difficultés, Dari Kouassi a décidé de trouver quelques moyens en faisant cotiser les malades qui sont les membres d’AVS, afin de réaliser quelques maigres activités génératrices de revenu. Ces activités aident certains malades qui n’arrivent pas à manger à leur faim. A chaque réunion, les malades cotisent soit 50F ou 1000 F en fonction des moyens de chacun pour mettre en place de petites activités. Dari Kouassi dénonce ce manque de soutien aux personnes vivant avec le VIH et le Sida, tandis qu’au CHR des groupes d’auto support composés de personnes séronégatives sont financés. Ailleurs, dans le département de Divo, Mme Camara Bernadette responsable de l’ONG ‘’Fraternité pour tous les peuples ‘’ est aussi très révoltée contre la pratique du copinage dans le financement des ONG de lutte contre le sida. Elle nous explique en effet avec force conviction que les représentants de certains bailleurs de fonds ivoiriens en Côte d’Ivoire, informés des financements dans une localité donnée, mettent sur pied rapidement une ONG avec le nom d’une de leur connaissance. Ce dernier qui est en fait un ‘’prête–nom’’ va recevoir le financement à son compte « Dans ce milieu, si tu n’a pas de relation tu vas beau travailler et tu vas rester là sans financement » note-t-elle avant de souhaiter que les bailleurs de fonds cherchent à les rencontrer et à travailler directement avec eux sans l’intermédiaire de certaines structures. Selon elle, pour qu’une ONG reçoive le financement du Fonds Mondial, il y a deux structures intermédiaires qui sont CARE et L’ANADER. « Ces deux structures gèrent ce fonds avant que l’ONG bénéficiaire ne reçoive sa part. Ces structures à leur tour doivent avoir leur part de gâteau dans le financement et à la fin on nous dit de réduire les lignes budgétaire » indique-t-elle. Donnant l’exemple des financements donnés par le projet ‘’OASI’’( lui-même supporté par le fonds mondial) dont l’ONG qu’elle dirige a été l’une des bénéficiaires, Mme Camara explique qu’elle a dû travailler avec Care et l’Anader qui suivaient le projet sur le terrain avant de recevoir le financement. Pour Mme Camara, « les bailleurs intermédiaires ont quelque chose à gagner. Comment un seul bailleur peut avoir plusieurs régions à suivre et prendre 30 à 50 ONG sous sa coupole ? Quand ils viennent en mission, on paye leurs frais de missions, ils viennent avec des 4X4 et font surtout des surfacturations ».

(A suivre)

Assassé William
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