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Société Publié le mercredi 22 septembre 2010 | Nord-Sud

Mélanie, (18 ans) : “Pourquoi je me prostitue”

La rencontre avec la belle de nuit a lieu dans un bar de la ville de Touba. Coiffée d’une casquette, un sac en bandoulière, la ravissante jeune fille de 18 ans n’a pas d’identité et n’aime pas trop l’appellation «prostituée». Epaisse couche de fond de teint, la chevelure débordante. Nous l’appellerons Mélanie. Entretien.

Qu’est-ce qui pousse une jeune fille à devenir une prostituée?

C’est la misère qui force à devenir belle de nuit. En ce qui me concerne, j’y suis arrivée accidentellement. Au début, c’était pour des raisons financières. Cela dit, je ne suis ni dépensière ni envieuse, mais je suis obligée de renouveler ma garde-robe. Pour moi, c’est une question de survie. Je suis élève et je n’ai aucun soutien. Quand on est élève et qu’on est confronté à la précarité, c’est une des solutions pour s’en sortir. Mais à un moment donné, quand on a faim et qu’on a des factures à payer, est-ce vraiment un choix ? Les frais scolaires sont élevés. Il y a l’inscription mais aussi d’autres frais qu’on n’anticipe pas forcément. Je pense aux livres, par exemple. Quand on calcule, on cherche des solutions, un petit boulot.


Est-ce que tu calcules aussi les risques de maladie ?

On choisit de faire ce métier en connaissance de cause. Aujourd’hui, je vis ma condition dans la douleur, mais je n’ai pas d’alternative.


Comment faire cohabiter ce boulot avec les études ?

Je dois reconnaître que cela empiète forcément sur les études. D’autant qu’on doit faire le miracle de jongler entre les deux. Mais, ce n’est pas toujours évident d’exceller dans les deux en même temps.


Combien gagnes-tu ?

L’activité prend beaucoup d’heures dans la semaine et ne rapporte pas beaucoup. Le prix à l’heure est assez peu représentatif. Pour une passe, il faut travailler plusieurs heures : chercher le client, se déplacer etc. Les meilleurs mois, j’ai un client cinq soirs par semaine.

C’est difficile de parler d’un revenu mensuel. Il y a des mois où je ne gagne rien. Il suffit que je tombe malade. D’autres où je tourne plutôt autour de 40.000 Fcfa. La moyenne, c’est vraiment 30.000 Fcfa. Le prix de la passe, je le fixe par rapport à la demande. Par exemple, quand il y a des évènements majeurs comme la visite du président de la République, les enchères montent. Et si le client veut marchander, c’est non. Quand c’est en période difficile, les filles sont tellement dans la merde qu’elles peuvent accepter n’importe quoi. Parfois, je peux avoir 50.000 Fcfa. Mais une semaine après, j’angoisse de ne pas avoir d’argent. En fin de compte, on se rend à l’évidence que les poches sont toujours vides.


Mais pourquoi t’échines-tu à continuer ?

L’argent, toujours l’argent. On ne peut pas dire qu’il est facile à gagner vu l’effort qu’il demande, mais c’est rapide. Et puis, c’est grisant de se retrouver un jour avec de grosses sommes. Après la première expérience, on a ce besoin de faire des achats. Alors, quand on se retrouve sans rien après plusieurs mois, on recommence.


Qui sont généralement tes clients ?

Tout le monde. Mais c’est surtout des hommes avec un statut social important. Ils ont de l’argent et les moyens d’assumer des tarifs élevés. Pour eux, c’est avantageux parce que cela reste également confidentiel et secret.


Comment faites-vous pour fixer les prix ?

Il n’y a pas mille façons. Ce qui fait la différence du prix, c’est le cadre, la façon de faire. Pas franchement la technique… Ce que je veux dire, c’est que la gamme est large. Le temps passant, c’est devenu mon boulot. On ne choisit pas d’entrer dans la prostitution mais on choisit d’y rester. J’attends mes clients dans des cafés, pas sur le trottoir


As-tu conscience des conséquences morales de tes actes ?

Ce n’est pas forcément évident de les mesurer pleinement. En tout cas, je ne me doutais pas de ce qui allait arriver avant de commencer. La domination financière dénature complètement le rapport. Mais je dois avouer que c’est très dur de se retrouver devant un homme nettement plus âgé, nu, et de devenir un objet de fantasme. Les conséquences sont dévastatrices pour se construire en tant que femme. Psychologiquement et physiquement, c’est d’autant plus difficile pour avancer dans la vie.


Quels sont tes projets ?

Je veux partir. J’aspire à réussir mes études et à travailler dans un milieu qui me conviendra.

Interview réalisée par Lanciné Bakayoko
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