Le manque de salles de spectacles à Abidjan alimente les débats. Le Temps a fait une incursion dans ce milieu pour mieux cerner le problème. Enquête.
Depuis les indépendances jusqu'à nos jours, la capitale économique de la Côte d'Ivoire, Abidjan a été le nœud d'attraction culturelle de la sous-région et même de toute l’Afrique. Cette notoriété lui a valu parfois, les sobriquets du genre, Abidjan, la plaque tournante de la culture africaine. Abidjan était de fait un passage obligé pour tout artiste africain ambitieux. Ainsi, le palais des congrès de l'Hôtel Ivoire et le Centre culturel français (Ccf) n'ont pas de secret pour les artistes comme Salif Kéita, Sékouba Bambino, Koffi Olomidé et bien d'autres qui font aujourd'hui, la fierté de l'Afrique. Pour les artistes locaux comme Reine Pélagie, Aïcha Koné, Amédée Pierre, ces salles ont été aussi des lieux d'attraction mais il fallait aussi ajouter les plus anciennes salles de spectacles comme "Le Dopé", "Le Désert" pour les artistes, les plus anciens, comme Amédée Pierre , Ernesto Djédjé et bien d'autres qui ont construit ou du moins modernisé la musique ivoirienne. Pour les adeptes du théâtre et autres, le théâtre de la cité et les salles de cinéma étaient de véritables pôles de spectacles culturels. La commune de Yopougon, la plus bouillante d'Abidjan d'ailleurs compte aussi des salles de spectacles tels que le bar Eclat et le Baron bar qui ont révélé à la population abidjanaise certains artistes comme Lukson Padaud, feu Gnahoré Djimi… ces salles existent encore. Mais certaines ne semblent plus jouer véritablement ce rôle et sont transformées aujourd'hui, en entrepôt ou en lieux de culte. Certaines personnes les plus susceptibles ne tardent pas justifier cet état de fait par la crise sociopolitique ivoirienne.
Les effets de la crise
Depuis l'avènement de la crise ivoirienne, l'Ivoirien a changé de comportement. Du point de vue du divertissement ou pour aller regarder un spectacle. Cela est lié au déplacement de la population vers Abidjan qui est un pôle économique du pays. Ainsi, certaines familles ont recueilli beaucoup de parents. Du coup, la charge domestique a augmenté. " Avec toutes ces dépenses pour soutenir les parents que nous avons recueillis chez nous, du fait de la crise, ce n'est pas facile d'aller regarder les pièces de théâtre que j'aime tant ", déplore Aimé Daligou, cadre à la Fonction publique. Cet aspect a contribué au délaissement de certaines salles. Mais aussi, il y a eu au début de la crise, un problème de sécurité qui a éloigné les adeptes du cinéma et du théâtre. " Au départ de la crise, nous n'allions plus aux répétitions à cause des couvres-feux à répétition. Même quand cela était possible et que nous jouons, les spectateurs, eux, craignaient pour leur sécurité. Ce fait a laissé les salles vides un bon moment. Aussi le printemps de la presse en Côte d'Ivoire dans les années 1990 a-t-il pris du coup le dessus sur les activités culturelles, notamment le théâtre et le cinéma. La plupart des spectateurs de théâtre étaient des intellectuels qui se sont aujourd'hui, tournés vers la politique qui prennent tout leur temps. " Moi, par exemple, je ne vais plus au théâtre à cause de la politique, pourtant j'adorais le théâtre. Après des tournées marquées par des meetings, on est pratiquement très fatigué. Au point qu'on ne peut plus se permettre certaines sorties ", regrette un interlocuteur.
L'avènement du zouglou et du coupé-décalé
Le rythme coupé-décalé qui est sorti des entrailles du zouglou, est arrivé sur la scène musicale ivoirienne au début de la crise sociopolitique en 2002. Un rythme porté par des artistes feu Doug Saga et sa clique. Ces jeunes artistes veulent changer l'ambiance délétère qui régnait partout dans les foyers en début des années 2000. En effet, avec le déclenchement de la guerre, en 2002, la peur a gagné les foyers. Il régnait partout, un climat de suspicion, de tristesse et de crainte. C'est dans cette atmosphère qu'arrive le rythme coupé-décalé qui dit apporter le baume, la joie dans les cœurs des Ivoiriens. Ce rythme qui fait l'apologie du luxe, de la richesse a vite enterré le théâtre et surtout les petits spectacles joués dans les petites salles des communes et a mis la barre très haut, en optant pour le Palais de la Culture et bien d'autres salles de luxe. " Il faut dire que l'arrivée du coupé-décalé sur la scène musicale a vite détourné les Ivoiriens des petites salles. En les orientant au Palais de la Culture ", confirme Yves, un amateur des arts. Ainsi, les spectacles dans les petites salles comme le théâtre de la cité ne sont plus regardées. Ce qui a vite fait d'endormir le théâtre. Tout comme le cinéma qui a été " tué " par la piraterie et le boom des églises.
Ces églises qui s'attaquent à la culture
“Avant, on regardait le cinéma et c'était beau. J'aimais beaucoup les films indous. Aujourd'hui, il n'y a plus rien. C'est déplorable. Toutes les salles de cinéma ont été récupérées par les églises ", regrette Elie T., agent de sécurité à Marcory. Les salles de cinéma comme celles de Saguidiba, Liberté et bien d'autres n'existent plus que de nom. Elles ont été récupérées par les hommes de Dieu. Qui y font des offices religieux en lieu et place de projections cinématographiques. En effet, l'absence du cinéma s'explique par le fait que le public n'a pas accès aux images des films africains qui les représentent. C'est-à-dire par exemple, l'image de la souffrance d'un planteur, d'une ménagère ou d'un jeune qui affronte les difficultés de la vie. Donc qui pose le problème de l'éducation, de l'analphabétisme, de l'insécurité des villes et même qui expose la problématique des guerres sur le continent africain en général et dans leur pays en particulier. Ce qui les éloigne loin du grand écran. " Il y a des moments où nos films viennent tous de l'extérieur ", explique un jeune sous le couvert de l'anonymat, qui a travaillé des années dans l'un des cinémas à Abidjan. Or, l'un des rôles du cinéma est de participer à la construction d'une identité commune, d'un inconscient collectif. Ce désintérêt du public a amené les propriétaires de salles qui n'étaient d'ailleurs que des privés à fermer. Et à donner leurs salles aux plus offrants que sont les églises. Dont la plupart sont venues des Etats-Unis, du Nigeria et du Ghana. " Pour l'année 2008, l'Eglise universelle du Royaume de Dieu a bâti 4 temples au plan national et ambitionne de construire une cathédrale de 13700 m2 de 3000 places à Abidjan ", déclarait le pasteur Jean Brice Dié , à l'occasion de l'inauguration du Temple de Yopougon Gesco. En effet, sur le tableau de bord de récupération des cinémas à Abidjan, le constat est clair : " ce sont les Eglises universelles du Royaume de Dieu avec un peu plus de 5 salles de cinéma occupées qui ont pris la majeure partie des salles de cinéma d'Abidjan. Après, vient l'église La Source avec plus de 3 salles et suivent d'autres églises. Face à cela, certains s'interrogent si Dieu n'aime pas la culture ou si tout simplement l'objectif de ces églises est de s'attaquer à certains piliers de la culture ivoirienne. Une façon de contribuer à sa mort. Ainsi dans nos recherches d'informations et dans l'objectif d'équilibrer notre information, nous avons écrit à la direction de l'église universelle du royaume de Dieu. Le Pasteur qui a été notre interlocuteur nous a fait savoir que l'église a décidé de ne pas se prononcer. Par ailleurs, il y a aussi la piraterie qui a tué le cinéma. Le film qui est projeté en salle, grâce à la piraterie, est déjà entre les mains des gens qui l'ont plusieurs fois regardé. Dans ce cas, pourquoi le cinéphile se déplacerait-il pour ce qu'on a plusieurs fois visionné à la maison ? Mais le manque de salles de spectacles est lié aussi pour certains au fonctionnement du Palais de la Culture qui a été construit pour combler ce manque.
Le Fonctionnement du Palais de la culture
La vocation du Palais de la culture est de promouvoir l'excellence de la culture ivoirienne et favoriser le dialogue interculturel des Ivoiriens et le reste du monde ; ceci pour répondre aux exigences de développement du citoyen et de la Nation ivoirienne. Il est construit sur un site de 12.000 m2 contenant en son sein plusieurs salles et espaces de spectacles. Qui fait de lui, un merveilleux cadre pour toute manifestation artistique et activité socioprofessionnelle. Mais malgré tout cet atout, ce cadre culturel ne semble pas répondre au besoin des artistes ivoiriens. Qu'en est-il ? Il ressort de façon récurrente que la location des salles du Palais de la culture est trop cher pour l'artiste ivoirien. Dans cette veine, une artiste comédienne qui a voulu être sous le couvert de l'anonymat a dit sa position sur cette question " Je ne peux pas me produire au Palais de la culture. Parce que je ne serai pas en mesure de payer une salle qui coute 2 millions, 700.000 f et 500.000f. Parce qu'après, il faut payer les comédiens, régler les dépenses collatérales. Vous savez, nous ne sommes pas subventionnés, cela nous rend la tâche difficile ". Pour certains artistes, la direction de cette institution devait amener les artistes ivoiriens à posséder le Palais de la culture. Par la recherche de fonds. " il y a beaucoup de structures qui octroient des fonds à la culture, il suffit que la direction du palais de la culture sollicite, par exemple, les fonds à l'organisation internationale de la francophonie (Oif) ou à Afrique en Création. Ainsi, dès que ceci est fait, la direction du Palais fait un programme des spectacles qui doivent avoir lieu toute l'année quelle affiche. Ceci permettra à chaque artiste de pouvoir se produire au moins dans l'année. Et se prépare en conséquence. A cette question, le directeur général Sidiki Bakaba s'est expliqué : "la salle Ernesto Djédjé et François Lougah était à 4 millions, c'est maintenant à 2 millions, la salle Kodjo Ebouclé était à 2 millions, on est descendu à un 1 million et la salle Anoumambo est à 2 millions. On a aussi modulé. Ainsi quand il s'agit des rencontres communautaires, ces mêmes salles peuvent tomber de 1million à 600.000 Fcfa. Ceux de 2 millions peuvent passer à 1 million (les rencontres communautaires, des villages ou confessions religieuses qui se rencontrent pour parler de paix ou de spectacles). Prenons le cas du théâtre, la salle Kodjo Ebouclé descend à 500.000 Fcfa. Encore que quand c'est le festival de théâtre, on descend les prix jusqu'à 250.000 Fcfa. Alors que l'électricité que va consommer la salle y compris la climatisation, autour de 700000 Fcfa, est incompressible. En plus de tout ceci, le Palais de la culture a la sécurité, l'assurance et même une ambulance. Il y a aussi le nettoyage du Palais de la culture après chaque spectacle. Tout ceci a un coût ". Toutefois, si le manque de salles de spectacles peut être lié à la cherté des salles du Palais de la Culture, pour d'autres artistes, le mal est ailleurs.
Le manque de politique culturelle des mairies
Le manque de politique culturelle peut se justifier par l'absence de centre d'accueil ou de formation culturelle dans chaque commune d'Abidjan. En effet, la plupart des maires qui se sont succédé à la tête des différentes communes d'Abidjan n'ont pas accordé une grande importance à la mise en place de salles de spectacles dans leurs communes. Par exemple, la construction de centre culturel municipal pouvant permettre aux jeunes de s'exercer dans la danse, le théâtre. Ou même déjà leur permettre de regarder des spectacles organisés mensuellement dans la commune. Qui va permettre aux jeunes de se familiariser à la chose culturelle. Mais, surtout aider les troupes ou groupes d'artistes à se produire déjà depuis leur commune pour se faire connaitre du grand public. Cela pourra permettre au Palais de la culture de se décongestionner. Du coup, ce Palais pourra désormais être une maison des élites. " Il y a certes le problème de salles dans les communes. Mais il y a aussi le manque de suivi de certaines salles dans les communes d'Abidjan. Nous avons, par exemple, le cas de la salle du théâtre de la cité, à Cocody, le centre d'écoute d'Adjamé, le centre d'actions culturelles d'Abobo, le centre pilote d'Abobo qui, le plus souvent, sont dans des conditions de délabrement. Ces salles ne répondent plus aux normes d'actions culturelles”, déplore Aimé K.L., étudiant à l'Insaac.
Renaud Djatchi
Depuis les indépendances jusqu'à nos jours, la capitale économique de la Côte d'Ivoire, Abidjan a été le nœud d'attraction culturelle de la sous-région et même de toute l’Afrique. Cette notoriété lui a valu parfois, les sobriquets du genre, Abidjan, la plaque tournante de la culture africaine. Abidjan était de fait un passage obligé pour tout artiste africain ambitieux. Ainsi, le palais des congrès de l'Hôtel Ivoire et le Centre culturel français (Ccf) n'ont pas de secret pour les artistes comme Salif Kéita, Sékouba Bambino, Koffi Olomidé et bien d'autres qui font aujourd'hui, la fierté de l'Afrique. Pour les artistes locaux comme Reine Pélagie, Aïcha Koné, Amédée Pierre, ces salles ont été aussi des lieux d'attraction mais il fallait aussi ajouter les plus anciennes salles de spectacles comme "Le Dopé", "Le Désert" pour les artistes, les plus anciens, comme Amédée Pierre , Ernesto Djédjé et bien d'autres qui ont construit ou du moins modernisé la musique ivoirienne. Pour les adeptes du théâtre et autres, le théâtre de la cité et les salles de cinéma étaient de véritables pôles de spectacles culturels. La commune de Yopougon, la plus bouillante d'Abidjan d'ailleurs compte aussi des salles de spectacles tels que le bar Eclat et le Baron bar qui ont révélé à la population abidjanaise certains artistes comme Lukson Padaud, feu Gnahoré Djimi… ces salles existent encore. Mais certaines ne semblent plus jouer véritablement ce rôle et sont transformées aujourd'hui, en entrepôt ou en lieux de culte. Certaines personnes les plus susceptibles ne tardent pas justifier cet état de fait par la crise sociopolitique ivoirienne.
Les effets de la crise
Depuis l'avènement de la crise ivoirienne, l'Ivoirien a changé de comportement. Du point de vue du divertissement ou pour aller regarder un spectacle. Cela est lié au déplacement de la population vers Abidjan qui est un pôle économique du pays. Ainsi, certaines familles ont recueilli beaucoup de parents. Du coup, la charge domestique a augmenté. " Avec toutes ces dépenses pour soutenir les parents que nous avons recueillis chez nous, du fait de la crise, ce n'est pas facile d'aller regarder les pièces de théâtre que j'aime tant ", déplore Aimé Daligou, cadre à la Fonction publique. Cet aspect a contribué au délaissement de certaines salles. Mais aussi, il y a eu au début de la crise, un problème de sécurité qui a éloigné les adeptes du cinéma et du théâtre. " Au départ de la crise, nous n'allions plus aux répétitions à cause des couvres-feux à répétition. Même quand cela était possible et que nous jouons, les spectateurs, eux, craignaient pour leur sécurité. Ce fait a laissé les salles vides un bon moment. Aussi le printemps de la presse en Côte d'Ivoire dans les années 1990 a-t-il pris du coup le dessus sur les activités culturelles, notamment le théâtre et le cinéma. La plupart des spectateurs de théâtre étaient des intellectuels qui se sont aujourd'hui, tournés vers la politique qui prennent tout leur temps. " Moi, par exemple, je ne vais plus au théâtre à cause de la politique, pourtant j'adorais le théâtre. Après des tournées marquées par des meetings, on est pratiquement très fatigué. Au point qu'on ne peut plus se permettre certaines sorties ", regrette un interlocuteur.
L'avènement du zouglou et du coupé-décalé
Le rythme coupé-décalé qui est sorti des entrailles du zouglou, est arrivé sur la scène musicale ivoirienne au début de la crise sociopolitique en 2002. Un rythme porté par des artistes feu Doug Saga et sa clique. Ces jeunes artistes veulent changer l'ambiance délétère qui régnait partout dans les foyers en début des années 2000. En effet, avec le déclenchement de la guerre, en 2002, la peur a gagné les foyers. Il régnait partout, un climat de suspicion, de tristesse et de crainte. C'est dans cette atmosphère qu'arrive le rythme coupé-décalé qui dit apporter le baume, la joie dans les cœurs des Ivoiriens. Ce rythme qui fait l'apologie du luxe, de la richesse a vite enterré le théâtre et surtout les petits spectacles joués dans les petites salles des communes et a mis la barre très haut, en optant pour le Palais de la Culture et bien d'autres salles de luxe. " Il faut dire que l'arrivée du coupé-décalé sur la scène musicale a vite détourné les Ivoiriens des petites salles. En les orientant au Palais de la Culture ", confirme Yves, un amateur des arts. Ainsi, les spectacles dans les petites salles comme le théâtre de la cité ne sont plus regardées. Ce qui a vite fait d'endormir le théâtre. Tout comme le cinéma qui a été " tué " par la piraterie et le boom des églises.
Ces églises qui s'attaquent à la culture
“Avant, on regardait le cinéma et c'était beau. J'aimais beaucoup les films indous. Aujourd'hui, il n'y a plus rien. C'est déplorable. Toutes les salles de cinéma ont été récupérées par les églises ", regrette Elie T., agent de sécurité à Marcory. Les salles de cinéma comme celles de Saguidiba, Liberté et bien d'autres n'existent plus que de nom. Elles ont été récupérées par les hommes de Dieu. Qui y font des offices religieux en lieu et place de projections cinématographiques. En effet, l'absence du cinéma s'explique par le fait que le public n'a pas accès aux images des films africains qui les représentent. C'est-à-dire par exemple, l'image de la souffrance d'un planteur, d'une ménagère ou d'un jeune qui affronte les difficultés de la vie. Donc qui pose le problème de l'éducation, de l'analphabétisme, de l'insécurité des villes et même qui expose la problématique des guerres sur le continent africain en général et dans leur pays en particulier. Ce qui les éloigne loin du grand écran. " Il y a des moments où nos films viennent tous de l'extérieur ", explique un jeune sous le couvert de l'anonymat, qui a travaillé des années dans l'un des cinémas à Abidjan. Or, l'un des rôles du cinéma est de participer à la construction d'une identité commune, d'un inconscient collectif. Ce désintérêt du public a amené les propriétaires de salles qui n'étaient d'ailleurs que des privés à fermer. Et à donner leurs salles aux plus offrants que sont les églises. Dont la plupart sont venues des Etats-Unis, du Nigeria et du Ghana. " Pour l'année 2008, l'Eglise universelle du Royaume de Dieu a bâti 4 temples au plan national et ambitionne de construire une cathédrale de 13700 m2 de 3000 places à Abidjan ", déclarait le pasteur Jean Brice Dié , à l'occasion de l'inauguration du Temple de Yopougon Gesco. En effet, sur le tableau de bord de récupération des cinémas à Abidjan, le constat est clair : " ce sont les Eglises universelles du Royaume de Dieu avec un peu plus de 5 salles de cinéma occupées qui ont pris la majeure partie des salles de cinéma d'Abidjan. Après, vient l'église La Source avec plus de 3 salles et suivent d'autres églises. Face à cela, certains s'interrogent si Dieu n'aime pas la culture ou si tout simplement l'objectif de ces églises est de s'attaquer à certains piliers de la culture ivoirienne. Une façon de contribuer à sa mort. Ainsi dans nos recherches d'informations et dans l'objectif d'équilibrer notre information, nous avons écrit à la direction de l'église universelle du royaume de Dieu. Le Pasteur qui a été notre interlocuteur nous a fait savoir que l'église a décidé de ne pas se prononcer. Par ailleurs, il y a aussi la piraterie qui a tué le cinéma. Le film qui est projeté en salle, grâce à la piraterie, est déjà entre les mains des gens qui l'ont plusieurs fois regardé. Dans ce cas, pourquoi le cinéphile se déplacerait-il pour ce qu'on a plusieurs fois visionné à la maison ? Mais le manque de salles de spectacles est lié aussi pour certains au fonctionnement du Palais de la Culture qui a été construit pour combler ce manque.
Le Fonctionnement du Palais de la culture
La vocation du Palais de la culture est de promouvoir l'excellence de la culture ivoirienne et favoriser le dialogue interculturel des Ivoiriens et le reste du monde ; ceci pour répondre aux exigences de développement du citoyen et de la Nation ivoirienne. Il est construit sur un site de 12.000 m2 contenant en son sein plusieurs salles et espaces de spectacles. Qui fait de lui, un merveilleux cadre pour toute manifestation artistique et activité socioprofessionnelle. Mais malgré tout cet atout, ce cadre culturel ne semble pas répondre au besoin des artistes ivoiriens. Qu'en est-il ? Il ressort de façon récurrente que la location des salles du Palais de la culture est trop cher pour l'artiste ivoirien. Dans cette veine, une artiste comédienne qui a voulu être sous le couvert de l'anonymat a dit sa position sur cette question " Je ne peux pas me produire au Palais de la culture. Parce que je ne serai pas en mesure de payer une salle qui coute 2 millions, 700.000 f et 500.000f. Parce qu'après, il faut payer les comédiens, régler les dépenses collatérales. Vous savez, nous ne sommes pas subventionnés, cela nous rend la tâche difficile ". Pour certains artistes, la direction de cette institution devait amener les artistes ivoiriens à posséder le Palais de la culture. Par la recherche de fonds. " il y a beaucoup de structures qui octroient des fonds à la culture, il suffit que la direction du palais de la culture sollicite, par exemple, les fonds à l'organisation internationale de la francophonie (Oif) ou à Afrique en Création. Ainsi, dès que ceci est fait, la direction du Palais fait un programme des spectacles qui doivent avoir lieu toute l'année quelle affiche. Ceci permettra à chaque artiste de pouvoir se produire au moins dans l'année. Et se prépare en conséquence. A cette question, le directeur général Sidiki Bakaba s'est expliqué : "la salle Ernesto Djédjé et François Lougah était à 4 millions, c'est maintenant à 2 millions, la salle Kodjo Ebouclé était à 2 millions, on est descendu à un 1 million et la salle Anoumambo est à 2 millions. On a aussi modulé. Ainsi quand il s'agit des rencontres communautaires, ces mêmes salles peuvent tomber de 1million à 600.000 Fcfa. Ceux de 2 millions peuvent passer à 1 million (les rencontres communautaires, des villages ou confessions religieuses qui se rencontrent pour parler de paix ou de spectacles). Prenons le cas du théâtre, la salle Kodjo Ebouclé descend à 500.000 Fcfa. Encore que quand c'est le festival de théâtre, on descend les prix jusqu'à 250.000 Fcfa. Alors que l'électricité que va consommer la salle y compris la climatisation, autour de 700000 Fcfa, est incompressible. En plus de tout ceci, le Palais de la culture a la sécurité, l'assurance et même une ambulance. Il y a aussi le nettoyage du Palais de la culture après chaque spectacle. Tout ceci a un coût ". Toutefois, si le manque de salles de spectacles peut être lié à la cherté des salles du Palais de la Culture, pour d'autres artistes, le mal est ailleurs.
Le manque de politique culturelle des mairies
Le manque de politique culturelle peut se justifier par l'absence de centre d'accueil ou de formation culturelle dans chaque commune d'Abidjan. En effet, la plupart des maires qui se sont succédé à la tête des différentes communes d'Abidjan n'ont pas accordé une grande importance à la mise en place de salles de spectacles dans leurs communes. Par exemple, la construction de centre culturel municipal pouvant permettre aux jeunes de s'exercer dans la danse, le théâtre. Ou même déjà leur permettre de regarder des spectacles organisés mensuellement dans la commune. Qui va permettre aux jeunes de se familiariser à la chose culturelle. Mais, surtout aider les troupes ou groupes d'artistes à se produire déjà depuis leur commune pour se faire connaitre du grand public. Cela pourra permettre au Palais de la culture de se décongestionner. Du coup, ce Palais pourra désormais être une maison des élites. " Il y a certes le problème de salles dans les communes. Mais il y a aussi le manque de suivi de certaines salles dans les communes d'Abidjan. Nous avons, par exemple, le cas de la salle du théâtre de la cité, à Cocody, le centre d'écoute d'Adjamé, le centre d'actions culturelles d'Abobo, le centre pilote d'Abobo qui, le plus souvent, sont dans des conditions de délabrement. Ces salles ne répondent plus aux normes d'actions culturelles”, déplore Aimé K.L., étudiant à l'Insaac.
Renaud Djatchi