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Société Publié le mercredi 13 octobre 2010 | Nord-Sud

Sergent-chef Gbagboué André Clotaire, (meneur de la fronde à la Police) : “J’assume mon combat”

Le sergent chef Gbagboué André Clotaire énumère les récriminations des policiers dans l’interview qu’il a accepté de nous accorder. Il soutient qu’il mène son combat dans la légalité et le respect du droit.


Vous avez animé un meeting, hier (samedi, ndlr) au stade de la Bae à Yopougon. N’est-ce pas étonnant qu’un policier dirige un meeting ?

Effectivement, c’est nouveau. C’est aussi un acte d’indiscipline. Je le reconnais. Mais de deux maux, il faut choisir le moindre. Au lieu de voir des policiers recourir à la rue, tirer des coups de feu en air pour revendiquer, je préfère prendre cette mesure d’indiscipline en invitant les policiers à échanger sur leurs pro­blè­mes professionnels. C’est dans ce cadre que j’ai invité mes collègues à une concertation.


De quoi s’agissait-il ?

Il s’agissait des propositions faites à Son Excellence M. le président de la République suite aux défaillances que nous avons constatées dans notre statut. Les baux des policiers ne sont pas payés. Des familles de nos collègues se retrouvent dans la rue pendant que ceux-ci sont au travail. Des policiers sont blessés en missions commandées. A cause des défail­lances statutaires, ils ne sont pas pris en compte par l’Etat. Les policiers posent des actes de bravoure. Ils ne sont pas reconnus parce que la hiérarchie de la police n’a pas le souci de l’amélioration de l’image de marque de la police nationale. Il fallait rencontrer les collègues pour discuter et faire des propositions concrètes aux autorités étatiques.


Ne pensez-vous pas que vous faites du syndicalisme à la police nationale ?

Non. Tout ce que nous faisons est sur la base du droit. La hiérarchie a le devoir d’être à l’écoute permanente des préoccupations des policiers. Nous sommes sans tuteurs. Nous sommes livrés à nous-mêmes. Si l’habitude à montrer que le meilleur moyen pour les Fds de revendiquer, ce sont les barrages sur les ponts, moi, j’estime que pour une police républicaine, ce ne sont pas des pratiques qui doivent être utilisées pour revendiquer. Notre statut nous défend le syndicalisme. Mais notre hiérarchie doit être à l’écoute permanente de nos préoccupations. Il se trouve qu’elle s’en fout des éléments. L’objectif ce n’est pas de créer un syndicat.


Pensez-vous que le meeting est la voie la mieux indiquée pour vous faire entendre ?

Le 22 septembre dernier, nous avons saisi le directeur général de la Police nationale. Nous avons adres­sé un courrier au président de la République par la voie hiérarchique. Jusqu’à ce jour, je n’ai été convoqué par aucune autorité policière. Les policiers sont vidés de leurs maisons, ils sont meurtris dans leur corps car abandonnés à leur sort. Nos propositions ont été entérinées par l’assemblée au cours de cette rencontre. Donc, assurez-vous, nous sommes engagés dans un processus de retour à la normalité, ce ne sont pas les policiers qui mettront en cause ce processus.


Combien de policiers vous suivent dans votre logique ?

Pour l’heure, je suis en train de faire signer 10 mille pétitionnaires. L’action que je mène aujourd’hui, n’est pas un combat personnel. Il appartient à toute la corporation. Nous avons à défendre les intérêts collectifs de toute une corporation.


Mais, est-ce que vous êtes suivi dans votre démarche ?

Absolument. Les policiers sont en train de remplir la liste actuellement. A la fin de ce mois (octobre, ndlr) je serai en mesure de vous donner la liste des 10 mille policiers tous grades confondus (officiers, sous-officiers, commissaires) qui vont signer ce document pour dire qu’ils se retrouvent dans mes positions.


Vous avez écrit un livre intitulé : «Mon combat pour la dignité du fonctionnaire de la police». Qu’est-ce que vous voulez signifier ?

Le policier est le reflet de notre société. Il conduit une société. La preuve. Quand une personne vient d’arriver à l’aéroport, son premier interlocuteur est un policier. Le policier représente la morale collective. Cependant, quand celui-ci est frustré à longueur de journée, bafoué dans sa dignité humaine, cela crée un sentiment d’abandon pour une personne en arme. Tout peut arriver. Moi, je ne veux pas qu’on dise que des hommes en armes ont attaqué leur pays. C’est ce que je dis dans mon livre. Je soutiens cela avec force. Dans le document, l’école de police construite dans les années 70 pour accueillir 378 élèves en compte 2000 élèves aujourd’hui. La formation est au rabais. Les policiers sont donc mal formés. Il va falloir créer au moins deux nouvelles écoles pour rehausser la formation. A la différence des autres corporations, le policier détenteur d’une arme à feu, s’il fait une mauvaise appréciation alors vous imaginez les conséquences.


Est-ce réaliste ce que vous dites ?
Oui, il l’est. Un policier mal formé est un danger public.


Est-ce que votre combat n’est pas personnel puisque vous avez été frustré dans l’exercice de votre fonction ?

Depuis 10 ans, je mène ce combat. La hiérarchie de la police me con­naît très bien. Certains m’ont pris pour un fou. Aujourd’hui, nous nous battons pour obtenir les mo­yens légaux pour avoir une reconnaissance de nos indemnisations. Des officiers m’ont appelé pour me dire de venir prendre mon chèque. Je leur ai répondu par la négative. J’ai refusé car le combat que je mène est pour l’intérêt général. Il s’agit de permettre aux policiers d’assurer sa tâche en toute sérénité.


Vous refusez le chèque. Vous écrivez un livre. Vous organisez un meeting. Est-ce que tout ceci ne concourt-il pas à créer le désordre au sein de la police ?

Tout ce que je fais, c’est en toute responsabilité. Je ne fais rien qui puisse nuire à la police nationale. En invitant des policiers à une rencontre, c’est un cas d’indiscipline. Mais je disais tantôt que de deux maux, il faut choisir le moindre.


Qu’est-ce que vous avez dit au conseiller du président de la République ?

Après avoir déposé mon courrier, deux jours plus tard, j’ai été appelé. On m’a dit que j’allais rencontrer le président de la République. C’était le jeudi 30 septembre dernier. Mais le chef de l’Etat était en tournée à l’intérieur du pays. La rencontre n’a pas eu lieu. Mais, ses collaborateurs auraient pu nous approcher à nouveau pour échanger. Ce qui n’a été le cas. Des hommes en armes sont frustrés mais rien n’a pas été fait. Je n’ai pas été reçu par le président de la République. Il n’y aucun rendez-vous en vue. C’est le statu quo. Nous n’avons aucun interlocuteur. Personne ne nous écoute. Quand le décret a été pris le 25 août dernier, les policiers voulaient se soulever. Moi, j’ai pris la responsabilité de calmer les uns et les autres. Nous avons rédigé nos préoccupations dans un document. Il est dit dans le code de fonction militaire que l’élément puisse informer sa hiérarchie sur tout ce qui peut améliorer le service. C’est un devoir statutaire.


N’avez-vous pas peur d’une éventuelle radiation ?

Non. Ce que je cherche est plus important que ma radiation. Il s’agit de la dignité et de la fierté d’être policier. Si je dois être radié alors mon combat aura servi à faire changer les choses. Un sacrifice n’est jamais assez grand quand il s’agit de défendre une cause noble. Je l’assume. Dans la légalité et le respect des droits. Je ne fais rien de subversif.


Une interview réalisée par Bahi K. - Coll. Ouattara Moussa
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