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Économie Publié le jeudi 11 novembre 2010 | Nord-Sud

Consommation du sucre : La pénurie persiste, l’Etat autorise l’importation

Les prix du sucre ne sont plus abordables sur le marché en raison d’une pénurie qui perdure depuis plusieurs semaines. Le gouvernement a décidé de prendre des mesures pour redonner le sourire aux ménages.

Le sucre perd sa douce saveur dans les ménages. Considéré comme un produit de première nécessité, il se transforme progressivement en une denrée de luxe à cause d’une pénurie sur le marché. Cette situation de déséquilibre entre l’offre et la demande donne lieu à des manœuvres spéculatives au grand dam des ménages. Conséquence : les prix connaissent une envolée notable et gardent cette tendance haussière depuis pratiquement trois semaines. Ils varient également d’une commune à une autre eu égard à l’intensification de la pénurie. A telle enseigne que le gouvernement a décidé d’autoriser à nouveau l’importation. Mais avant, un tour dans les différents commerces permet de mesurer l’ampleur de cette tension sur les stocks de sucre qui s’arrachent à prix d’or. A Cocody-Angré, le kilogramme de sucre semoule (en poudre) est passé de 600 Fcfa à 900 Fcfa dans plusieurs boutiques, soit une hausse de 300 Fcfa. Les tenanciers évoquent comme raison, l’insuffisance des quantités disponibles. «Mon fournisseur me livre maintenant le sac de 50 kilos à 35.000 Fcfa au lieu de 27.000 Fcfa. Il avoisine souvent les 40.000 Fcfa lorsque le produit devient quasiment invisible sur le marché. Dans ces conditions, je suis obligé d’en tenir compte dans la fixation du prix au détail», réagit Mohamoud Boumouzouna, boutiquier, prenant paisiblement sa tasse de thé devant son commerce, ce lundi 8 novembre en début d’après-midi.

Le kilo excède 1.000 Fcfa

Dans certains quartiers comme la Riviera 2, il faut parcourir de longues distances pour espérer avoir le produit. Là-encore, la flambée fait jaser de nombreux ménages. D’autant que le kilogramme affiche les 1.000 Fcfa, soit une hausse de plus de 400 Fcfa, à prendre ou à laisser. «J’habite non loin de l’établissement André Malraux. Les deux boutiques qui sont plus proches de mon domicile n’ont pas de sucre depuis bientôt un mois. J’ai dû parcourir plusieurs dizaines de mètres pour me retrouver dans une boutique à la Riviera Golf. A ma grande surprise, le boutiquier me fait savoir que la valeur du kilo est montée à 1.000 Fcfa. C’est incroyable», fulmine D. Aboulaye, chargé de communication dans une structure de la place. Autre lieu, même réalité. A Koumassi-Remblais, la hausse est fulgurante et sans commentaire. Le kilo de sucre en poudre a atteint 1.100 Fcfa. Certains consommateurs, bien que grinçant les dents, semblent se résigner devant la loi implacable du marché. «On nous fait croire que le sucre manque sur le marché. C’est pourquoi les prix connaissent un accroissement inédit. Je n’ai pas d’autre choix car mes enfants doivent prendre leur petit déjeuner (café, lait et du sucre) avant d’aller à l’école. Si on doit parcourir de longues distances en taxi, on dépensera plus. D’autant qu’il faudra payer également le transport», s’indigne Mme Kouassi Jeannette, conseiller d’éducation, avant de dénoncer l’inflation qui s’est généralisée sur le marché depuis l’entame de la période électorale. Pour elle, les autorités doivent très rapidement réagir pour éviter que la situation ne devienne intenable. En effet, le sucre roux ne fait pas exception. Ce produit a complètement disparu des étals du grand marché de Treichville. Les grandes surfaces n’échappent pas non plus à cette pénurie. A Marcory, plus précisément à Cap-Sud, situé aux abords du boulevard Giscard d’Estaing, le sucre blanc est simplement absent des ra­yons. «Cela fait deux semaines que nous sommes en rupture de stock. Si vous voulez du sucre, vous êtes obligé d’aller ailleurs», murmure discrètement l’un des employés, engoncé dans une blouse bleue. A Prima center (toujours à Marcory) et à l’hypermarché Sococe des Deux-Plateaux, la situation est moins salée. Dans ces deux grands commerces, l’on peut retrouver quelques petites quantités de sucre en morceaux (carreaux). Mais avec des prix différents : 850 Fcfa/kg à Prima et 770 Fcfa à Sococe. Les caissières s’accordent à dire que les stocks de sucre granulé sont épuisés depuis plusieurs semaines sans être renouvelés. Cette crise du sucre s’étend de plus en plus aux villes de l’intérieur comme à Sassandra où le kilo plafonne à 1.200 Fcfa. Face à la gravité du problème, le ministre du Commerce a diligenté une enquête sur le terrain en vue d’apporter des solutions idoines. Selon Fadiga Mamadou, inspecteur des prix à la Direction de la concurrence et de lutte contre la fraude, la pénurie est réelle. Elle est le corollaire d’un déficit de production de 15.000 t, constaté malheureusement, chez les deux principaux producteurs, à savoir Sucrivoire et Sucaf Côte d’Ivoire. Concernant la première structure, la production en septembre 2010 s’élevait à 74.116 tonnes (t) contre 90.000 tonnes la même période, l’année dernière. La seconde entreprise qui produit approximativement les mêmes quantités (90.000 t) est confrontée à un épuisement de stocks assez inédit. D’autant qu’au 21 octobre dernier, l’ensemble de ses entrepôts ne disposait que de 1931,385 t de sucre. Au dire de l’inspecteur des prix, cette contreperformance des producteurs reste liée aux difficultés d’ordre climatique. Dans la mesure où les nombreuses pluies n’ont pas permis de sécher une quantité importante de canne à sucre. Sinon, ces deux sucriers, en situation de monopole, arrivent normalement à satisfaire les besoins nationaux. Toute chose qui suscite une réaction dichotomique chez les industriels qui minimisent la pénurie. De source proche du milieu, à ce jour, Sucrivoire et Sucaf disposent respectivement de stocks de 5.300 et 6.000 t, donc pas de «grave pénurie».

Le Brésil au secours !

Si les complexes (Borotou et Zuénoula) du premier sucrier cité sont rentrés en production pour la nouvelle campagne, Ferké 1 et 2 appartenant au second opérateur devront reprendre incessamment leurs activités. Au sujet de la flambée, les producteurs reconnaissent avoir procédé à une augmentation (à cause des fluctuations internationales) de prix aux grossistes de 33 Fcfa le kilo, soit environ 7 à 8%. Ce qui, selon notre interlocuteur, est loin de l’augmentation actuelle de 50% des prix pratiqués par les détaillants. Dans tous les cas, devant l’urgence de la situation, la tutelle a décidé de faire entorse à la loi qui interdit l’importation de sucre. Elle a accordé une «autorisation exceptionnelle» aux deux entreprises afin qu’elles importent du Brésil, 15.000 t de sucre granulé blanc-à raison de 7.500 t par producteur-pour résorber le déficit sur le marché. Mais les opérateurs estiment que ce n’est rien d’autre qu’un «déficit prévisionnel anticipé». «Les quantités (importées) sont déjà disponibles. Et les différentes structures ont commencé la distribution. Le ravitaillement du marché se normalisera au fur et à mesure», rassure M. Fadiga. Pour lui, les prix du sucre ne sont pas stockés (fixes), ils sont libres avec le jeu de la concurrence. «Si le marché retrouve un bon rythme, les prix vont automatiquement chuter. Mais en même temps, nous demandons aux commerçants de tenir compte de la situation sociopolitique pour ne pas trop pénaliser les ménages», plaide-t-il. Il faut noter que la consommation nationale annuelle en sucre est estimée à 180.000 tonnes.

Cissé Cheick Ely
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