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Politique Publié le lundi 3 janvier 2011 | Nord-Sud

Youssouf Bakayoko, président de la Cei: “Alassane Ouattara a bien été élu”

© Nord-Sud Par Prisca
Election présidentielle du 31 octobre 2010: La Chine offre du matériel roulant à la CEI
Vendredi 3 septembre 2010. Abidjan. Siège de la Commission électorale indépendante (CEI). Photo: le président Youssouf Bakayoko, de la CEI
Pour la première fois depuis l'éclatement de la crise post-électorale, le président de la Commission électorale indépendante, Youssouf Bakayoko, s'exprime sur la présidentielle du 28 novembre dernier.

Est-ce que vous pouvez nous raconter très précisément ce qui s'est passé pendant les journées du 29, du 30 novembre et du 1er décembre au sein de la Cei à Abidjan ?

Nous avons, à partir du 29, commencé par recevoir de l'intérieur du pays et des bureaux de vote les différents PV. D'une part ce qui partait en direction du Conseil constitutionnel, de l'autre en direction des représentants des secrétaires généraux des Nations Unies et une troisième enveloppe adressée aux représentants du facilitateur. La Commission centrale donc s'est réunie pour examiner ces différents PV et les valider. Nous examinons si les chiffres qui ont été communiqués ont été véritablement bien calculés, s'il n'y a pas de différences.

Qu'est-ce qui s'est passé justement au niveau des représentants du président sortant Laurent Gbagbo ? Est-ce qu'il y a eu de l'obstruction pendant ces deux journées-là ?
Il se trouve que pour certaines régions, notamment les régions dont l'invalidation a été demandée par le candidat Laurent Gbagbo, certains membres de la Commission ont demandé qu'il y ait un débat sur cette question. A ce moment-là, la Commission a décidé que cela ne relevait pas de sa compétence.

Et est-ce que, à ce moment-là, il y a eu des menaces de la part de ceux qui représentaient le candidat Gbagbo ?
Oui, certains ont exprimé le souhait que cette question soit examinée. Les membres de la Commission ont dit que nous pouvons prendre note de cette demande, mais que nous devons la transmettre à l'autorité qui a mandat pour l'examiner. Bien entendu, ceux qui ont demandé, ont continué de demander. Le 30 novembre, au soir, le porte-parole de la Cei, Yacouba Bamba, a été physiquement agressé et empêché de proclamer des résultats provisoires par le représentant de Gbagbo sur le plateau de la RTI. Le monde entier a pu voir cela en direct.

Alors, vous êtes mis sous pression. Comment vous gérez les heures qui viennent après le fait que le porte-parole soit effectivement empêché de donner les résultats ?
Nous revenons dans la salle. Nous demandons aux uns et aux autres de savoir raison garder et nous poursuivons l'examen des différents résultats. Tout le monde a siégé jusqu'à la fin.

Donc, ça c'est le mercredi soir?
Oui, le mercredi soir.

Est-ce que les membres de la Cei se sentent en insécurité à ce moment-là ?
Oui, mais vous savez qu'à un moment donné, notre institution, notre maison, a été envahie par des personnes en uniforme ; je ne sais pas à quel camp elles appartenaient, moi je ne sais pas qui leur avait demandé de venir, je ne sais pas d'où elles venaient. Et évidemment, cela a créé une grande panique compte tenu de ce que nous avons vu la veille avec le porte-parole et compte tenu de ce que tous les journalistes, qui étaient là, avaient été mis dehors de la Cei, sans que l'on m'ait consulté.

Qui les a mis dehors ?
Ceux qui sont venus.

Les forces de sécurité ?
Les forces de sécurité qui sont venues les ont mis dehors, nous a-t-on dit. Alors à partir de ce moment-là, il n'y avait pas de sécurité pour les journalistes et encore moins pour les membres de la Cei. Tout le monde a pris peur et les gens se sont dit que la sécurité n'existait plus.

Et donc, vous vous apprêtez à proclamer les résultats. Est-ce que vous avez des menaces pour ne pas les proclamer ?
Je savais que j'allais proclamer les résultats le lendemain. Bien entendu, je voulais bien venir à la Cei pour procéder à cette proclamation. Quand j'ai vu qu'autour de la Cei, il y avait encore ces gardes du corps habillés dont je viens de parler, je me suis dit que la sécurité n'était pas encore tout à fait au point et qu'il ne fallait pas prendre le risque de venir là. Donc qu'est-ce que j'ai fait, j'ai demandé quel est l'endroit le plus sécurisé ? On m'a dit au Golf où il y a les forces impartiales.

Mais pourquoi pas l'Onuci ?
Non, parce que l'Onuci n'est pas un territoire ivoirien. L'Onuci est presque un territoire qu'on peut considérer comme extra-territorial.

Mais pourquoi choisir l'endroit où se trouve le quartier général d'Alassane Ouattara ?
Voyons, moi je l'ai su par la suite, je ne savais pas qu'il habitait là.

Un mois après la proclamation des résultats de la présidentielle, donneriez-vous aujourd'hui les mêmes résultats ?

Je persiste et je signe : Alassane Ouattara a bien été élu avec 54,10 % des voix. Personne en Côte d'Ivoire, pas même le Conseil constitutionnel, ne conteste ces chiffres de la Cei, qui ont été certifiés par le représentant du Secrétaire général de l'Onu, conformément à la résolution 1765 du Conseil de sécurité, comme tous les acteurs politiques ivoiriens, y compris Gbagbo, l'avaient accepté lors des accords de Pretoria en 2005.

Mais le Conseil constitutionnel en a cependant proclamé d'autres dès le lendemain…
C'est exact. Mais on peut dire qu'il est sorti de son rôle et a outrepassé ses droits, car le Conseil constitutionnel n'avait que deux possibilités : valider les résultats proclamés par la Cei ou, s'il jugeait qu'il y avait eu fraude, invalider l'ensemble du scrutin et provoquer une nouvelle élection. Il n'avait pas d'autre alternative et ne pouvait pas charcuter les résultats en annulant purement et simplement ceux de sept régions favorables à Ouattara. Pour cette présidentielle sans cesse repoussée depuis 2005, il était d'ailleurs convenu et c'est exceptionnel que le certificateur de l'Onu aurait le dernier mot et que sa parole serait au-dessus de celle du Conseil constitutionnel.

Mais tout le monde le savait. Pourquoi vous, vous ne le saviez pas ?
Je n'ai pas à savoir ce que tout le monde sait parfois.

N'est-ce pas une erreur d'aller proclamer les résultats à cet endroit justement. Qui vous l'a demandé ? Est-ce que Guillaume Soro vous a demandé d'aller les proclamer à l'hôtel du Golf ?
Non, Guillaume Soro n'a pas à me demander. Nous sommes une Commission électorale indépendante. Et, ce n'est pas du tout une erreur d'y avoir proclamé les résultats.

Vous êtes pourtant critiqué pour ça aujourd'hui ?

Je suis critiqué ? Je ne suis pas allé parler sous l'emprise de monsieur Ouattara. Guillaume Soro ne m'a pas demandé de venir. D'abord, nous sommes comme je l'ai dit une Commission électorale indépendante, donc j'ai à proclamer les résultats. Personne ne me dit vous n'avez pas le droit de proclamer les résultats à tel ou tel autre endroit. C'est par commodité, parce que les conditions de sécurité étaient tout à fait réunies. Ça me paraît mieux d'aller là où je suis allé.

Est-ce que techniquement le Conseil constitutionnel avait le temps d'examiner les recours ? Est-ce qu'il a eu le temps jusqu'au 3 décembre à 16 heures d'annuler les votes des sept départements et seulement des sept?

Vous dites bien « seulement des sept ». Un, je ne sais pas comment on travaille au Conseil constitutionnel. Ce que je sais, c'est qu'il a sept jours pour examiner l'état des réclamations et qu'il a rendu sa décision en deux jours. Il faut croire qu'ils ont des moyens de travail que j'ignore.

Est-ce que vous êtes menacé encore aujourd'hui ?
On ne va pas aborder ce sujet. J'arrive d'Abidjan et je retourne à Abidjan.

Propos recueillis sur Rfi et dans Le parisien par Marc Dossa
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