C'est un scoop Kernews : Roland Dumas en direct d'Abidjan. L'ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand et ancien président du Conseil constitutionnel était l'invité de Yannick Urrien, vendredi 31 décembre à 8h10. Roland Dumas était à Abidjan où il a rencontré, avec Jacques Vergès, le président Laurent Gbagbo. Kernews : Nos studios sont à La Baule, c'est tout un symbole pour parler de l'Afrique… Roland Dumas : Bien sûr ! C'est là où il y a eu de grands échanges, je m'en souviens, j'étais à la conférence de La Baule avec le président Mitterrand. Nous avons eu des échanges avec tous les chefs d'Etat africains. Il faut dire qu'il y avait un autre climat qu'aujourd'hui ! Que pensez-vous de ces événements ? R.D. : J'en pense à la fois du mal et du bien. Du mal, parce que c'est une situation compliquée, et du bien parce que cela révèle des événements que l'on croyait définitivement bannis, depuis que la France est en Afrique. Maintenant, on s'aperçoit que l'on revient à des méthodes coloniales de l'ancien temps. Vous avez été président du Conseil constitutionnel en France. Que pensez-vous des critiques émises sur le Conseil constitutionnel ivoirien, critiques qui semblent finalement dire que ce n'est pas très sérieux si c'est en Afrique… R.D. : C'est une bêtise de dire cela ! Le Conseil constitutionnel, un peu partout, est une institution utile. Alors, elle a plus ou moins de pouvoir, elle est plus ou moins respectée selon le pays où l'on se trouve. J'ai présidé le Conseil constitutionnel en France pendant plusieurs années, j'ai eu des déboires, j'ai eu des difficultés comme président, on a pris des décisions qui ont été critiquées, mais dont on a reconnu l'utilité par la suite. Alors c'est la même chose ici. Il faut respecter le principe et les décisions du Conseil constitutionnel parce que c'est une institution qui est utile au fonctionnement de la démocratie dans tous les pays où elle existe. Il y a des choses à améliorer, il y a des choses à amender, mais nous partons du travail qui a été fait par le Conseil constitutionnel qui, je le répète, est inscrit dans la Constitution et qui dit le dernier mot, en matière d'élections, notamment en matière d'élections présidentielles. Il ne faut pas tourner autour du pot pour lui faire dire le contraire. Et nous allons dire justement, que tout cela est clair et, s'il y a des fraudes, elles ne sont pas du côté de M. Gbagbo, elles sont de l'autre côté. Nous allons être très fermes avec Jacques Vergès. On a organisé des élections dans un pays, dont une partie du territoire était encore entre les mains des rebelles… R.D. : Mais bien sûr, ils ont le titre de rebelles, il faut les étiqueter là-dessus, ce sont des frondeurs par rapport au pouvoir central et c'est un mauvais coup porté à l'unité du pays. Imaginez demain que les choses s'aggravent ? Il peut y avoir beaucoup de mauvaises sorties, et nous verrons alors la misère qui régnera, la fin des contrats avec les puissances étrangères et tous les Français qui sont là, avec les entreprises qui ont été gâtées par le président Gbagbo repartiront. Paradoxalement, on nous présente beaucoup le président Gbagbo comme celui qui n'aime pas la France, mais il semble que les entreprises françaises aient été assez gâtées… R.D. : C'est exactement le constat qu'il faut faire et que nous avons fait. Ici, vous avez les plus grandes entreprises françaises qui vivent en paix. Vous avez une communauté de 15 000 personnes, dont on a vu beaucoup de membres, et nous avons pu constater qu'ils sont très heureux et qu'ils ne voudraient pas que les choses se gâtent. Si les choses devaient se gâter, ils seront obligés de mettre à l'abri leurs familles, de repartir, et de rompre les contrats. Est-ce ce que l'on veut obtenir ? A ce moment-là, la France sera moins dotée qu'elle ne l'est aujourd'hui. Pourquoi l’ONU a-t-elle fermé les yeux sur la question des rebelles ? R.D. : Parce que cela les embête, cela les ennuie, il faut avoir un peu de courage pour dire les choses. L'ONU, avec ses participants majoritaires, ceux qui font la loi, n'est pas un organisme qui fait preuve de courage. Nous sommes allés voir les blessés qui ont eu des escarmouches avec les casques bleus, permettez-moi de vous dire qu'ils n'ont pas fait dans la nuance… J'ai vu des pauvres gens avec des bras cassés, des jambes cassées, sur lesquels on a tiré à balles réelles. C'est navrant que de penser qu'une mission, qui est en principe pacifique, en arrive à ces extrémités
Une correspondance Camille Gassaud
Une correspondance Camille Gassaud