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Société Publié le mercredi 12 janvier 2011 | L’expression

Pénurie d’eau à Yopougon - Au cœur de l’enfer des populations

Depuis une semaine, les habitants de la commune de Yopougon Ananeraie connaissent une pénurie d’eau qui les fait vivre un enfer.
Lundi 10 janvier. Il est 4 h 17 du matin. Le bruit de l’écoulement d’eau provenant de la douche réveille dame Koné. A son tour, elle réveille la maisonnée. Tout le monde, à l’exception de M. Koné, le père de famille, se dirige vers la cuisine des seaux en main. «Dépêchez-vous de remplir les ustensiles sinon on sera obligé d’aller à Port-Bouet II», lance-t-elle l’air préoccupé. Malheureusement pour cette famille, l’eau s’estompe un court moment alors qu’elle n’a pu remplir qu’une bassine. « Apprêtez-vous, on va tous à Port-Bouët II chercher de l’eau. Votre père va utiliser l’eau de la bassine pour se laver», ajoute-t-elle. La mère et les trois filles s’engouffrent dans le noir à la recherche d’eau, des bassines sur la tête. C’est le calvaire quotidien que vivent les familles dans ce quartier depuis plus d’une semaine. La raison : une baisse de pression allant jusqu’à la coupure d’eau sévit dans cette commune, obligeant ainsi les habitants à effectuer le déplacement vers les quartiers proches où ils peuvent avoir un peu d’eau pour les besoins domestiques. Les jeunes filles rencontrées hier sur le chemin menant à ce point d’eau crient leur ras-le-bol. «Qu’est-ce qu’on a pu faire au bon Dieu? Depuis trois jours, on n’a plus d’eau. Pour pouvoir me laver et aller au cours, je suis obligée de parcourir des kilomètres pour chercher de l’eau comme au village. C’est vraiment déplorable. Quand est-ce-que je vais arriver à la maison et m’apprêter pour être à l’heure au cours», s’inquiète Sylvie K., une bassine d’eau à moitié pleine sur la tête. Une inquiétude que partage Gogan K., père d’une famille de dix personnes. «Depuis quatre jours, il est difficile de se laver. Quand je reviens du boulot, c’est par chance que je me lave. Ces coupures intempestives d’eau nous dérangent et nous mettent quelquefois de dans une mauvaise humeur. Vendredi dernier, je ne suis pas allé au travail parce que je n’ai pas eu d’eau pour me laver. Je pense qu’il faut que la Sodeci nous préserve de cette souffrance de trop», a-t-il souligné. Les habitants sont obligés de se rendre à des points d’eau. Bien que ces endroits soient aux antipodes de la propreté, les usagers s’en soucient peu. Sur place, bousculades et injures constituent l’ambiance. «Ne touche pas à ma bassine. Je suis là depuis 6 h. Attendez votre tour », lance une dame visiblement irritée par cette attente. «Je connais ma place madame. Dans tous les cas, si ce n’était pas à cause du manque d’eau, vous et moi n’aurions jamais de problèmes», rétorque une jeune dame soupçonnée de changer la position des bassines et de privilégier la sienne. La discussion continue et dégénère. Elles manquent de peu d’en venir aux mains. L’essentiel étant de trouver un peu de cette substance précieuse pour le ménage. Mêmes les opérateurs économiques ne sont pas en reste. Bamba Jeannot, gérant d’une entreprise de lavage autos, ne sait plus à quel saint se vouer. «Mes chiffres d’affaires baissent depuis qu’il n’y a pas d’eau pour laver les voitures. Notre réserve d’eau est épuisée. Les clients viennent mais on ne peut pas travailler. C’est un manque à gagner pour nous», fulmine-t-il. Comme lui, tous les autres gérants de lavage autos et de restaurants de ce quartier se plaignent de ce manque d’eau qui plombe leurs activités.
Les habitants des autres quartiers apportent leur aide….
Les populations de la cité Cie et du quartier Port-Bouët II ne sont insensibles au calvaire que vivent leurs congénères du quartier Ananeraie. Ainsi hier matin, Stéphane Amoussou, habitant de la cité de Port-Bouët II faisait des pieds et des mains pour venir en aide à son frère habitant le quartier Ananeraie. Remplissant des bidons d’eau de 10 litres et des seaux d’eau, aidé de sa femme et de ses deux filles, ce dernier explique que c’est la seule manière d’aider la famille de son frère. «Depuis avant-hier (ndlr, dimanche), c’est la technique que nous utilisons pour lui porter secours. On remplit deux bidons et deux seaux qui doivent durer deux jours. Cela fait une semaine que la fourniture en eau a été interrompue chez eux», déplore-t-il. Comme Stéphane, Sékou Aboudramane, enseignant résident de la cité Cie, prête main forte à son ami habitant d’Ananeraie. Cependant, ce dernier déplore le coût du transport aller-retour. « Depuis qu’il y a eu coupure d’eau chez mon ami, mon épouse s’est proposée de leur apporter de l’aide. Le pis, c’est que notre servante doit prendre un wôrô-wôrô (taxi communal) en course pour apporter de l’eau même si au retour, elle ne le fait pas. Mais c’est un budget qu’il faut prévoir maintenant et pourtant mon ami est véhiculé mais il doit se rendre tous les jours ouvrables au travail à partir de 7h30. C’est un service que nous lui rendons mais qui nous reviens cher», déplore Sékou Aboudramane.
…pendant qu’un commerce s’organise
Ceux qui se frottent les mains grâce à cette pénurie sont les vendeurs de ce liquide précieux et les propriétaires de brouettes. En effet, un commerce s’organise pour sans doute aider les victimes de ces coupures d’eau. Une aide qui est loin d’être gratuite. A l’aide de pousse-pousse, ces jeunes gens livrent à domicile des barriques d’eau moyennant 1.500 à 2.000Fcfa. Au nouveau marché de Port-Bouët II, Abdul, tenant des toilettes publiques, s’est associé avec deux jeunes pousseurs de brouette afin de vendre ce ‘’trésor’’. Ainsi, ce gérant remplit des bidons d’eaux de 10 litres que son associé va vendre à 2.000 Fcfa. A la question de savoir si cela est hygiénique pour les populations, étant donné que l’eau provient des toilettes, ce dernier hausse les épaules. «Nous ne remplissons pas directement les bidons au robinet mais à l’aide de tuyaux pour qu’il n’y ait pas de risque de microbes. Je vends les bidons à 2.000Fcfa car mes ’’associés doivent avoir eux aussi leur part de pourcentage», explique-t-il. Une affaire en or pour ces commerçants, mais un supplice pour les populations.

N. Marie et J.J Guédé
Légende : A ananeraie, l’eau se fait rare depuis plus d’une semaine.
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