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Politique Publié le jeudi 27 janvier 2011 | Nord-Sud

Assassinats, viols, enlèvements, menaces… - Le camp Gbagbo épinglé par Human Rights Watch

Les forces de sécurité sous le contrôle de Laurent Gbagbo, ainsi que les milices qui le soutiennent, ont commis depuis fin novembre 2010 des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture et des viols, et ont procédé à des disparitions forcées, a déclaré Human Rights Watch. (De larges extraits du rapport).

Une enquête approfondie sur les exactions perpétrées dans la capitale commerciale de la Côte d'Ivoire, Abidjan, a révélé une campagne souvent organisée de violences visant les membres des partis politiques d'opposition, les groupes ethniques du nord du pays, les musulmans et les immigrés des pays ouest-africains voisins, a indiqué Human Rights Watch. Gbagbo a revendiqué la présidence à la suite des élections contestées de novembre, et il conserve le contrôle des forces de sécurité à Abidjan.
« Les forces de sécurité et les milices qui soutiennent Laurent Gbagbo font régner la terreur parmi ses opposants réels ou supposés à Abidjan », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « La communauté internationale doit faire tout son possible pour protéger les civils et renforcer les pressions sur Gbagbo et ses alliés, afin de mettre un terme à cette campagne de violence organisée. »
Les chercheurs de Human Rights Watch se sont entretenus avec plus de 100 victimes et témoins des violences, notamment des meurtres perpétrés par des membres des milices avec des briques et des matraques, et des agressions sexuelles commises sous les yeux de membres de nombreuses familles. Les témoins ont décrit la façon dont des proches ou des voisins ont été traînés hors de leurs maisons, des mosquées, des restaurants, ou des rues et forcés à monter dans des véhicules qui attendaient. Nombre de ces personnes ont été « disparues », et certaines victimes ont été retrouvées mortes.
Aucun des incidents étudiés par Human Rights Watch au cours desquels les forces de sécurité ont perpétré des exactions n'a été précédé, semble-t-il, par des violences commises par les victimes à l'encontre de ces forces.

Attaques de la part
des milices pro-Gbagbo
Des témoins ont indiqué à Human Rights Watch avoir vu des hommes battus à mort à coups de briques, de matraques et de tronçons de bois, ou abattus par des membres de milices pro-Gbagbo qui avaient établi des postes de contrôle officieux. De nombreux habitants ivoiriens originaires du Mali et du Burkina Faso ont aussi indiqué avoir été pris pour cible par les milices. Une personne originaire d'un pays voisin et vivant à Abidjan a été brûlée à mort et deux autres sont presque mortes sous les coups le 3 décembre, alors que les habitants célébraient ce qu'ils pensaient être la victoire présidentielle de Ouattara.
Les chercheurs de Human Rights Watch ont recueilli des témoignages sur les meurtres d'au moins 13 hommes à des postes de contrôle mis en place par des milices pro-Gbagbo. Dans de nombreux cas, des témoins ont affirmé que des policiers, des gendarmes et autres membres des forces de sécurité avaient activement pris parti pour les milices, soit en assistant à leurs exactions sans intervenir, soit en s'exprimant ouvertement en faveur des meurtres pendant ou après qu'ils ont eu lieu, soit même en tirant sur les corps des victimes. Nombre des meurtres ont eu lieu à quelques mètres à peine d'un poste de police. Les forces de sécurité n'ont rien fait pour désarmer et arrêter les membres des milices, encore moins pour enquêter sur les crimes. Les témoins ont indiqué que pendant les descentes dans les quartiers et en réponse aux manifestations des partisans de Ouattara, les milices pro-Gbagbo ont aidé les forces de sécurité, tirant parfois sur les manifestants non armés avec des AK-47, des pistolets et des fusils de chasse.
Les milices pro-Gbagbo impliquées dans les exactions décrites par Human Rights Watch sont la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci), un groupe étudiant connu pour avoir déjà commis des violences politiques, et les Jeunes patriotes, un mouvement de jeunesse militant soutenant Gbagbo et son parti politique, le Front populaire ivoirien (Fpi). Les victimes et les témoins ont identifié les agresseurs comme des membres de ces groupes, soit parce que la victime connaissait son agresseur, soit parce que l'agresseur se disait membre du groupe, soit encore parce que dans plusieurs cas, le lieu de l'agression se situait directement devant un point de rassemblement des Jeunes patriotes, ou devant un bâtiment logeant des étudiants et géré par la Fesci. Charles Blé Goudé, le ministre de la jeunesse nouvellement nommé par Gbagbo, est le fondateur et le dirigeant actuel des Jeunes patriotes. Blé Goudé fait l'objet depuis 2006 de sanctions de l'Onu, notamment une interdiction de voyager et un gel d'avoirs étrangers, pour des déclarations publiques répétées incitant à la violence en Côte d'Ivoire.
Une femme qui vit dans le quartier de la Riviera II a décrit le meurtre d'un jeune par un groupe de membres de la Fesci qui habitent dans les résidences universitaires près de chez elle :
Dans l'après-midi du 16 décembre après que les violences associées à la manifestation s'étaient calmées, un groupe d'une vingtaine de jeunes de la Fesci étaient rassemblés devant leurs logements universitaires. Alors qu'un jeune passait par-là, des Fescistes lui ont crié d'approcher, mais il avait manifestement peur et il s'est mis à courir. Les Fescistes l'ont pourchassé et l'ont rattrapé au bout d'une trentaine de mètres et se sont mis immédiatement à le rouer de coups, le frappant à coups de bâton et avec des pierres jusqu'à ce qu'il tombe, saignant et ne bougeant presque plus à ce moment-là.
Un autre groupe de Fescistes est arrivé depuis leurs logements et l'un d'eux lui a tiré dans la jambe avec un pistolet. Quelques minutes plus tard, un camion des CeCos [force d'élite conjointe de la police et de la gendarmerie] est arrivé sur les lieux. J'ai entendu le jeune de la Fesci qui disait : «C'était un manifestant, un rebelle.» Entendant cela, un policier de la CeCos est descendu de son véhicule, et il a tiré quatre fois sur le jeune à la tête avec un long fusil .

Violente campagne
d'intimidation dans les quartiers, de disparitions et de meurtres ciblés
Les quartiers d'Abidjan où vivent des partisans réels et supposés de Ouattara ont fait l'objet d'attaques répétées de la part des forces de sécurité de Gbagbo après le second tour des élections. Human Rights Watch a documenté plus d'une dizaine d'attaques en décembre 2010 et janvier 2011 ayant entraîné la mort et la disparition d'un grand nombre d'habitants.
Le 5 décembre, par exemple, des forces de sécurité en uniforme ont fait une descente sur le quartier Kennedy à Abobo vers minuit dans des camions militaires. Selon de multiples témoins, ces forces ont tiré des coups de feu en l'air puis des grenades lacrymogènes en direction des maisons. Le gaz lacrymogène a contraint certaines familles à sortir de chez elles et les forces de sécurité ont ouvert le feu. Un jeune au moins a été tué après avoir été touché au poumon par un coup de feu tiré d'une distance de 15 à 20 mètres.

Violences dirigées contre les partisans de Ouattara
Si une grande partie des violences a semblé destinée à intimider les habitants, Human Rights Watch a aussi constaté que plusieurs incidents visaient clairement des représentants de rang moyen du Rhdp. Les dirigeants de quartiers et de la jeunesse des divers partis et groupes de la société civile qui constituent la coalition dirigée par Ouattara ont été les plus durement frappés. Human Rights Watch a documenté plus de 10 cas de disparitions forcées ou d'exécutions extrajudiciaires qui étaient manifestement le résultat d'une tentative organisée pour identifier, trouver et enlever une victime donnée associée au Rhdp.

Attaques contre des militants du Rhdp chargés de surveiller les urnes
Human Rights Watch a également documenté l'enlèvement et le meurtre ciblés de plusieurs personnes qui avaient surveillé les urnes dans un bureau de vote d'Abobo pour le Rhdp. Un proche de l'une de ces victimes a fait le récit suivant à Human Rights Watch :
Vers 6 heures du soir le 18 décembre, nous étions tous chez nous quand un groupe d'une dizaine de policiers vêtus de noir sont arrivés dans un camion de transport et ont stationné dehors. Ils sont descendus et ont pénétré de force dans notre enceinte. À ce moment-là, j'ai entendu une voisine qui appartient [à un groupe ethnique qui a largement soutenu Gbagbo] qui disait : « Regardez, il est là, c'est l'un des leurs. » Quelque moment plus tard, ils se sont emparés de mon parent, qui est âgé d'une quarantaine d'années, et ils l'ont forcé à monter dans leur camion.
À peu près à la même heure, la femme qui aidait manifestement les policiers à identifier les personnes qu'ils recherchaient, a dit : « L'autre est en train de prier dans la maison. » Ils sont entrés dans la maison de l'autre [observateur des élections], qui a environ 60 ans, pour le capturer. Il disait : « Non, non ... au moins laissez-moi mettre mes chaussures », mais ils lui ont crié de les laisser et l'ont traîné de force pour le faire monter dans le camion avec l'autre homme.
Environ une semaine plus tard, nous avons fini par trouver leurs corps à la morgue de Yopougon. C'était très difficile... J'ai vu des blessures par balle sur leur poitrine, et beaucoup de sang sur leur tête. À la morgue, j'ai vu de nombreux corps, couchés les uns sur les autres. La plus âgée des deux victimes était le représentant du Rdr [parti politique de Ouattara] à notre bureau de vote. Il s'est interposé personnellement à la porte du bureau de vote pour empêcher les gens du FPI qui étaient venus voler les urnes.

Violences sexuelles
Human Rights Watch a recueilli des témoignages sur les viols collectifs de cinq femmes par des membres des services de sécurité, et dans l'un des cas, par un membre d'une milice civile. Parmi les victimes figurait une jeune fille de16 ans et une femme enceinte de huit mois. Dans deux cas, les maris des victimes ont été exécutés peu après ou au même moment. Les agresseurs invoquaient un mot clairement politique, disant dans plusieurs cas aux victimes de viol de rendre compte de leur « problème » à Ouattara. Toutes les agressions documentées ont eu lieu à Abobo dans les jours qui ont suivi la manifestation du 16 décembre des partisans du Rhdp.
Une femme de 25 ans qui a été violée par trois soldats et un civil, et a vu son mari exécuté devant elle, a fait le récit suivant :
Vers 10 heures du soir le 17 décembre, les militaires sont venus chez moi ; ils étaient huit portant des tenues de camouflage avec des pièces rouges, et un des ''jeunes patriotes'' du quartier. Quand ils ont enfoncé la porte, j'ai couru pour attraper mon fils de trois ans et je l'ai tenu contre moi. Je hurlais tandis qu'ils frappaient mon mari, alors l'un d'eux m'a frappée violemment à la tête avec la crosse de son long fusil, et il a déchiré ma chemise.
Quand il a vu que je portais une chemise avec la photo d'Alassane (Ouattara), ils sont devenus fous. Ils m'ont arraché mon fils des bras et l'ont jeté à la porte, puis ils m'ont tirée dans la chambre, m'ont arraché mes vêtements et se sont jetés sur moi ; quatre d'entre eux l'ont fait, dont le ''patriote''. Je me suis battue et l'un d'eux m'a frappée avec sa ceinture. Je suis sortie de la pièce quand ils ont terminé, et j'ai vu qu'ils avaient fait mettre mon mari à genoux avec les mains en l'air et puis ils lui ont tiré deux fois dans le dos... Avant qu'ils l'abattent, mon mari hurlait : « Ma famille, ma famille... »
En partant, l'un d'eux a dit : « Va dire à Alassane que c'est nous qui t'avons fait ça. »
Une femme âgée de 20 ans qui a été violée chez elle ainsi que deux autres femmes de sa famille, dont l'une est âgée de 16 ans, a déclaré à Human Rights Watch :
Je vis à Abobo avec deux de mes sœurs (membres de la famille élargie). Le 19 décembre vers 1 heure du matin, les hommes armés sont entrés dans notre maison ; il faisait sombre mais je sais qu'ils étaient au moins 6 ou 5 vêtus de noir, et un autre qui ne portait pas d'uniforme. Ils ont frappé, en disant que c'était la police, et nous ont ordonné d'ouvrir la porte. Ils nous sont tombés dessus - deux d'entre eux se sont servis de moi ; je ne voulais pas ce qu'ils faisaient ; ils m'ont frappée jusqu'à ce que je n'ai plus le choix.
Quand ils ont fini, ils ont pris notre sœur, et nous n'avons pas réussi à la retrouver. Ils m'ont violée dans la chambre, ma sœur dans le salon, et l'autre [sœur] qui a disparu juste devant la cour. Ils nous ont dit d'aller raconter notre problème à Alassane.

NB/ La titraille est de la rédaction.

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