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Politique Publié le vendredi 4 février 2011 | Le Temps

Des intellectuels africains signent - «Le manifeste pour la Côte d’Ivoire»

Nous, intellectuels africains «non-alignés» et «non aliénés», ou «vrais amis» de l’Afrique, Mère de l’Humanité et de la Civilisation, soussignés, tenons à interpeller la communauté internationale, en particulier les gouvernements de la France, des Etats-Unis, le Conseil de sécurité de l’Onu, l’Union européenne, l’Union africaine, la Cedeao, l’Uemoa, au sujet de la crise post-électorale ivoirienne actuelle. Au nom des exigences de la rigueur et de l’honnêteté intellectuelle, de la justice et du droit, de la démocratie et de la paix, de la dignité de l’Afrique et des Africains, dont nous tenons à être des défenseurs, contrairement à beaucoup d’acteurs de cette crise préoccupés par des intérêts géopolitiques, des complexes de domination inavouables, et de préjugés anthropologiques, nous leur disons:

1) Nous ne trouvons «aucune base juridique recevable» à aucune des prises de position, de décisions, des sanctions et des menaces de la «Communauté internationale» autoproclamée depuis le début de cette crise et nous les mettons au défi d’exposer une justification juridique qui ne soit pas une offense au droit international et une atteinte à la dignité de l’Afrique. Nous estimons notamment qu’aucun texte juridique ne fonde la «Communauté internationale» à considérer les « résultats provisoires » proclamés par la «Commission électorale indépendante» ivoirienne comme les «résultats définitifs», à proclamer en lieu et place de la Cour constitutionnelle ivoirienne, à considérer un des candidats comme «le président élu» ou «le président légitime», à lui conférer des droits et des pouvoirs sur le plan international. Nous affirmons que conformément au droit, seules la Constitution et la Cour constitutionnelle ivoiriennes sont habilitées à exercer ou conférer de tels droits et pouvoirs.

2) Nous estimons que ce «déni du droit» et cet «abus de pouvoir» de la «communauté internationale» au nom de l’arbitraire et de «la raison du plus fort» ouvrent la porte à des dérives plus graves créant une «injustice internationale» et un «désordre international», mettant en danger l’équilibre et l’avenir de la paix dans le concert des Nations, créant des précédents dangereux à des actes autoritaires et impérialistes des futures «hyper puissances mondiales» dont risque d’être victimes un jour les puissances mondiales actuelles usant de cet «abus du pouvoir». C’est la raison principale de notre présent «combat de la raison contre la raison du plus fort».

3) Compte tenu de la structure «partisane» et de «coalition» contre le pouvoir sortant de la Commission Electorale «prétendument» Indépendante, comportant 6 représentants de la rébellion armée et 12 représentants de la coalition politique contre le pouvoir sortant contre 2 seulement pour ce pouvoir sur un total de 20 représentants de partis politiques et groupes armés, sans compter les 11 représentants des corps constitués, le «dogme de l’infaillibilité» de cette commission dans sa proclamation non consensuelle comme le prévoit le code électoral des «résultats provisoires» et non «définitifs» dans les locaux du quartier général de campagne d’un des candidats, en violation des règles établies, et sur lequel s’appuie la «communauté internationale», nous paraît plus que suspect et témoigne d’une «anesthésie partielle et sélective» de l’esprit critique que la même communauté prétend appliquer avec toute sa rigueur à la Cour constitutionnelle ivoirienne.

4) Compte tenu des graves accusations de complicité de fraudes massives portées contre l’Onu par son représentant spécial adjoint en Afghanistan, Monsieur Peter Galbraith, en octobre 2009 suite au premier tour le 20 août 2009 de la dernière élection présidentielle afghane, compte tenu du refus de désarmement et de cantonnement des rebelles ivoiriens par les Forces de l’Onu en Côte d’Ivoire contrairement aux engagements formels de l’Onu de soutien à l’Accord de Ouagadougou de 2007, et compte tenu de la protection assurée par ces forces à l'un des candidats du second tour de la dernière élection présidentielle ivoirienne, bien avant la proclamation des résultats provisoires de ce second tour par la Commission électorale indépendante, nous estimons honnêtement que la «certification» de ces résultats provisoires par l’Onu ne saurait bénéficier du «dogme de l’infaillibilité», pas plus en Côte d’Ivoire qu’en Afghanistan.

5) Compte tenu de ce «parjure» de l’Onu concernant le désarmement et le cantonnement des rebelles ivoiriens, compte tenu de «l’injure à la démocratie» que constitue l’organisation de l’élection présidentielle supposée «libre et transparente», sous la menace des armes des rebelles ivoiriens sur 63 % du territoire ivoirien, et sur la pression de l’Onu, nous estimons que l’Onu porte la plus lourde responsabilité dans la crise ivoirienne actuelle et qu’il est indécent que l’Onu «verse de l’huile sur le feu» de la crise ivoirienne par des décisions partisanes et sans aucun fondement juridique recevable. De plus, pourquoi l’Onu n’avait-elle pas poussé les autorités légales afghanes, comme les autorités ivoiriennes, à étendre l’organisation de la dernière élection présidentielle afghane dans la majeure partie du territoire afghan sous le contrôle et la menace des rebelles armées «talibans»? Si par l’absurde elle l’avait fait comme en Côte d’Ivoire, que penserait l’opinion publique internationale de l’Onu si l’Onu avait exigé ensuite de la Cour constitutionnelle afghane et les autres autorités légales afghanes d’accepter les résultats «entachés de fraudes massives» émanant de ces zones électorales sous le contrôle et la menaces de rebelles armées, après avoir exigé de son représentant spécial en Afghanistan de «certifier» ces résultats «frauduleux» comme en Côte d’Ivoire ?

6) Le respect des règles du jeu de football interdit à quiconque, même aux plus grandes puissances mondiales, de remettre en cause le verdict d’un penalty sifflé dans un match par l’arbitre, quel que soit le bien-fondé des critiques qu’un tel verdict peut susciter. Le respect des lois de la Constitution américaine a interdit à quiconque, même au malheureux candidat Al Gore, à son parti, et à toute Nation étrangère aux Etats-Unis, fût-elle une des plus grandes puissances du monde après les Etats-Unis, de remettre en cause la décision de la Cour suprême des Etats-Unis du 12 décembre 2000 en faveur du candidat George W. Bush à la suite des accusations de fraudes électorales dans l’Etat de Floride dont le gouverneur n’était autre que le frère de ce dernier candidat. De même, le respect des lois de la Constitution ivoirienne interdit à quiconque, même au malheureux candidat Alassane Ouattara, à sa coalition ivoirienne et internationale, et à toute Nation ou Institution étrangère à la Côte d’Ivoire, fut-elle la plus grande puissance mondiale actuelle comme les Etats-Unis, l’ancienne puissance colonisatrice de la Côte d’Ivoire comme la France, la plus puissante institution mondiale comme le Conseil de sécurité de l’Onu, ou une des Institutions africaines «instrumentalisées» comme l’Union africaine, la Cedeao, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, l’Uemoa, l’Union économique et monétaire ouest-africaine, sous le contrôle total de la France propriétaire du franc Cfa, de remettre en cause la décision en date du 3 décembre 2010 de la Cour constitutionnelle ivoirienne seule habilitée par la Constitution ivoirienne à proclamer les «résultats définitifs» et sans appel d’une élection en Côte d’Ivoire.

7) Dans le règlement des crises politiques en Afrique comme à Madagascar, en Guinée et au Niger, l’Union africaine a toujours brandi comme règle inviolable la conformité à la Constitution nationale, ce que le Président Laurent Gbagbo a parfaitement respecté tout le long de la dernière élection présidentielle ivoirienne, conformément aux recommandations formulées à Accra le 11 juillet 2009 par le Président Obama en faveur de la démocratie en Afrique : «L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, elle a besoin d’Institutions fortes». Le changement brusque et brutal de cette règle du jeu de la part de l’Union africaine et de la Cedeao ne s’explique que par des pressions et des manipulations par les Nations et des Institutions étrangères à l’Afrique qui n’honorent ni ces deux Institutions africaines, ni l’Afrique elle-même, d’autant plus que dans leurs nouveaux rôles, plusieurs chefs d’Etat africains ou chefs d’Institutions africaines jouent le triste rôle de «bourreaux de leurs propres frères noirs» sur ordre de «commanditaires blancs ou jaunes».

8) A tous ces nouveaux «va-t-en-guerre» contre leurs frères africains sur ordre des nouveaux «commanditaires négriers» européens, américains et asiatiques, nous demandons: Qu'avez-vous fait quand la répression barbare des protestations contre les fraudes électorales massives au Togo en avril 2005 a fait au moins 500 morts, selon le rapport commandité par le Conseil de Sécurité de l’Onu, soit plus de victimes que les massacres de Soweto du 16 juin 1976, et plus de 3000 morts selon l’ancien ministre togolais de l’Intérieur jusqu’à quelques jours du bain de sang au prix duquel la dictature togolaise est devenue héréditaire? Vous êtes-vous préoccupés jusqu’à ce jour des suites données par le Conseil de sécurité de l’Onu à cette barbarie post-électorale incomparablement plus meurtrière et plus inquiétante pour la démocratie en Afrique que la crise post-électorale actuelle en Côte d’Ivoire ? Le sang des victimes de cette dernière crise a-t-elle plus de valeur que celui des milliers de morts de la guerre civile ivoirienne dont la Communauté internationale donne l’impression de protéger et de promouvoir de manière ostentatoire les commanditaires et les exécutants de basse besogne?

9) A tous les responsables de «la Communauté internationale» qui actuellement «versent de l’huile sur le feu» de la crise ivoirienne au risque de revoir les flammes de la guerre civile embraser tout le pays, nous tenons à affirmer au nom de la raison, du droit, de la justice et de la paix, et du «combat de la raison contre la raison du plus fort», que toutes leurs initiatives dans la crise ivoirienne jusqu’à ce jour, sont contraires aux principes sacrés du respect du droit international, et surtout du respect de la souveraineté de la Côte d’Ivoire et de l’autorité de la Constitution et des Institutions ivoiriennes. Plus particulièrement, à l’ancienne puissance colonisatrice de la Côte d’Ivoire, qu’il nous soit permis de rappeler le «devoir de réserve et de non ingérence» dont son propre Président a énoncé «le principe sacré» dans sa conférence de presse à Paris le 24 janvier 2011, à l’occasion du début de la présidence française du G8 et du G20 en déclarant: «On ne peut pas parler d’un pays avec la même liberté quand il y a 50, 60, 70 ans, moins parfois, ce pays ressentait la colonisation française comme une souffrance… Je revendique une certaine réserve. Je ne veux pas que la France soit assimilée à un pays qui a gardé des réflexes coloniaux… Plus nous voudrions faire de l’ingérence et moins nous serons influents… La puissance coloniale est toujours illégitime à prononcer un jugement sur les affaires intérieures d’une ancienne colonie». Par cette déclaration publique, le Président français démontre brillamment que la France, les Etats-Unis et tous les pays qui s’autoproclament comme «la communauté internationale» «sont dans l’illégitimité» lorsque, comme ce président l’a «réitèré» dans la même conférence de presse, ils accordent le soutien « aveugle et autiste » de cette «communauté internationale» au «seul gouvernement légitime de la Côte d’Ivoire, celui de Alassane Ouattara», dont le «dogme de la légitimité», pour les Ivoiriens sous la menace des armes des rebelles «talibans ivoiriens» depuis plus de huit ans, est plus que suspect et résonne plutôt comme «un blasphème de la démocratie».

10) La politique, c’est l’art de la négociation et du consensus, et non l’art de la guerre ou de la confrontation violente. Gouverner une Nation suppose, non pas un consensus international suffisant, mais un consensus national suffisant. C’est pourquoi, nous affirmons à la face du monde, notamment des «plus puissants de ce monde», des protagonistes majeurs de cette crise, de tous les Ivoiriens, et de tous les Africains, que par amour de la Côte d’Ivoire et de sa souveraineté, une solution à la crise post-électorale actuelle en Côte d’Ivoire ne peut pas être militaire, mais doit être politique et qu’elle suppose une «négociation directe» entre les deux protagonistes majeurs, pour s’accorder sur une telle solution, à faire entériner ensuite par l’Union africaine et par le Conseil de sécurité de l’Onu. Nous suggérons également que, la source principale de la crise post-électorale actuelle étant selon nous le non-respect par l’Onu de la clause de l’Accord de Ouagadougou de 2007 lui imposant la responsabilité de veiller au désarmement et au cantonnement des rebelles au plus tard deux mois avant le début de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, cette solution de sortie de crise puisse inclure entre autres que le Conseil de sécurité de l’Onu s’engage de nouveau à honorer son engagement dans les meilleurs délais, plus précisément à désarmer et à dissoudre les «forces armées illégales» ivoiriennes, pour ouvrir la voie dans les meilleurs délais à une «élection présidentielle anticipée», «réellement libre et transparente», sans tricherie ni en amont ni en aval du processus électoral, et qui ne soit plus «une insulte à la démocratie» comme la dernière élection controversée. Etant donnés les soupçons d’impartialité qui pèsent sur les forces de l’Onu en Côte d’Ivoire, il est recommandable que ces opérations de désarmement et de dissolution puissent être effectuées sous le contrôle d’experts militaires africains mandatés par l’Union africaine et les ressortissants de pays africains non-suspects de compromission avec le Conseil de sécurité de l’Onu ou les puissances étrangères à l’Afrique non respectueuses de la souveraineté ivoirienne. Cette «élection présidentielle anticipée», ne serait pas un «troisième tour» de la dernière, mais un nouveau processus électoral «exceptionnel» que le Président Laurent Gbagbo pourrait librement décider de convoquer, par souci de la paix, du consensus et de la prospérité dans toute la Côte d’Ivoire, conformément aux pouvoirs que lui ont conférés à la faveur de la dernière élection, le peuple, la Constitution et la Cour constitutionnelle ivoiriennes. La solution d’une telle sortie de crise pacifique, équitable et honorable pour tous les principaux protagonistes, et surtout respectueuse de la souveraineté ivoirienne et de l’autorité de la Constitution et des Institutions ivoiriennes, ainsi que de la dignité de l’Afrique, est donc entre les mains du Président Laurent Gbagbo et du Premier ministre Alassane Ouattara. Telles sont nos critiques décapantes de « combattants de la justice contre l’injustice, du droit contre l’arbitraire, de la raison contre la raison du plus fort » et nos propositions concrètes «d’artisans de la Paix».

Premiers signataires

1) Professeur Molefi Asante, Usa
2) Professeur Ama Mazama, Usa-France
3) Professeur Martial Frindhetie, USA-Côte d’Ivoire
4) Professeur Fanbo Gnmh, France-Togo
5) Professeur Koffi Abalo, Côte d’Ivoire-Togo
6) Docteur N’Da N’Guessan Kouadio, Togo-Côte d’Ivoire
7) Docteur Guy Alovor, France-Togo
8) Docteur Abdou Moussa, France-Centrafrique
9) Jean-Paul Fougain, Ingénieur, France-Cameroun
10) Honorine Ganhoulé, Auditrice, France-Côte d’Ivoire
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