De nombreuses familles vivant à Abidjan, vu la situation de plus en plus délétère, marquée par des affrontements ça et là, ont décidé de prendre la poudre d'escampette pour aller se terrer au village. Par milliers, les populations fuient les affrontements à Abidjan. Les compagnies de transport ne désemplissent pas depuis plusieurs semaines maintenant. Profitant des légères accalmies, les Abidjanais plient bagages pour rejoindre les villes de l'intérieur, épargnées jusque-là par les affrontements. Il est 9h, nous sommes à la gare Siporex de Yopougon à la compagnie Utb. Il y a un monde fou qui attend d'éventuels cars. Pour être sûrs d'en avoir, les voyageurs dorment à la gare. D'autres font des réservations sur au moins deux jours. Les villes de l'est et du centre sont les destinations les plus demandées. D'autres villes telles que Sinfra, Bouaflé, Oumé ne manquent pas à la demande. Djébi Bi Franck que nous avons rencontré à la gare de la compagnie Utb nous explique : "La sécurité étant l'une des causes principales, mais la cherté de la vie et le manque de nourriture sur les marchés font fuir les populations. Moi, j'ai fait partir ma famille à cause des tirs mais aussi et surtout parce que la nourriture se fait un peu rare et chère. Je préfère faire partir madame et les enfants et rester seul ici". Quand à cette dame qui a requis l'anonymat, elle nous indique : "Il est mieux d'être chez soi, Abidjan n'est pas chez nous, on va chez nous. Là-bas au moins, tu es sûr d'être en paix. Ici, comme le pouvoir se trouve ici, c'est ici qu'il y a les affrontements. On ne veut pas prendre de balle perdue". Un peu plus loin, un jeune en compagnie d'une vieille dame nous explique son calvaire : "On a quitté Abobo pour Yopougon. On vient ici, il y a la guerre. On ne gagne plus à manger, mon grand frère n'a pas les moyens pour s'occuper de nous tous, donc il a payé notre transport pour qu'on aille au village. Là-bas au moins, la vieille peut vivre tranquille et bien manger". Toujours dans la commune de Yopougon, nous faisons un tour à la rue princesse où se trouve la gare Ks de Gagnoa. Il est 11h, il n'y a plus de départ sur Gagnoa, il faut revenir le lendemain. De nombreuses familles, fuyant les affrontements rentrent au village. Pour dame Balié Louise, "La situation est invivable, j'ai dit à mon mari que je rentrais au village avec les enfants. Il n'y a pas d'école véritablement, donc je préfère que mes enfants soient en sécurité au village. Parce qu'avec les tirs d'obus et de fusils, ils risquent d'être traumatisés. Il est mieux de les envoyer au village. En plus de cela, la nourriture devient de plus en plus chère et il n'y a plus d'argent". Comme ces familles, ils sont nombreux, les hommes et femmes qui fuient Abidjan pour se mettre à l'abri dans les villages et villes de l'intérieur, sur leur terre d'origine. Avant que les grandes batailles ne commencent, il vaut mieux chercher un refuge sûr. Et pour ces personnes, seul le village est sûr. En tout cas pour le moment. Les prix des tickets sont passés du simple au double, voire au triple. Ainsi, les tickets de 2000F sont passés à 4 000, voire 6 000F. Ceux de 2 500 sont devenus 5 000 ou 7 500 ou 10 000F.
Malgré ces tarifs exorbitants, les gares ne désemplissent pas.
Jean Prisca
Malgré ces tarifs exorbitants, les gares ne désemplissent pas.
Jean Prisca