“Les immixtions graves présentes dans les affaires domestiques de la Côte d’Ivoire dépassent tout entendement civilisationnel…La souveraineté et la Constitution sont à l’Etat ce que représentent le cœur et les poumons dans la régulation du corps humain ». Ainsi s’exprimait Paul Yao N’Dré vendredi dernier, lors de la sortie de la 49e promotion de l’Ecole nationale d’administration. Parrain de la promotion sortante, le président du Conseil constitutionnel se justifiait, à propos de la crise postélectorale qu’il a provoquée, devant ses filleuls en ces termes. Pour lui, « l’édification d’un Etat démocratique en Côte d’Ivoire nécessite la mise en œuvre d’actions et d’activités aux plans politique, économique et social par rapport au pouvoir politique et relativement au peuple ». Cela passe, selon lui, nécessairement par « d’abord une transition pacifique, avec des élections justes, transparentes, sans entraves, ni violence ». En d’autres termes, pour Yao Paul N’Dré, la communauté internationale n’aurait pas dû se mêler des affaires intérieures de la Côte d’Ivoire après sa forfaiture et les Ivoiriens auraient dû accepter comme parole d’Evangile la décision qu’il a prise le 3 décembre 2010. Pour la seule raison, selon lui, que c’est le Conseil constitutionnel qui a décidé. Le président du Conseil constitutionnel estime encore qu’il n’y a eu ni « transition pacifique », ni d’ « élections justes, transparentes, sans entraves » et sans « violence ». C’est sans doute la raison pour laquelle il s’est permis de déclarer Laurent Gbagbo vainqueur de l’élection présidentielle. Mais de quelle « souveraineté » et de quelle « Constitution » parle Paul Yao N’Dré ? La loi fondamentale de Côte d’Ivoire en son article 92 stipule clairement que « le Conseil constitutionnel proclame les résultats définitifs de l’élection présidentielle ». Paul Yao N’Dré a proclamé les résultats définitifs certes le 3 décembre dernier. Mais là où le président du Conseil constitutionnel a failli, c’est lorsqu’il a pris sur lui-même de changer le verdict des urnes. L’obligation de proclamer les résultats définitifs de l’élection présidentielle ne donne pas à celui qui est chargé de veiller sur la constitutionnalité des lois, de se donner des libertés. Paul Yao N’Dré, au lieu de rester dans l’application stricto sensu de la loi, s’en est carrément écarté. Le Code électoral en son article 64 lui recommandait soit de valider le scrutin du 28 novembre 2010 soit d’annuler tout le vote s’il estimait que sa sincérité avait été entachée par les incidents qui ont eu cours lors de son déroulement. Tout en ramenant les deux candidats à un autre vote dans les quarante-cinq jours qui suivent. Voilà ce que la Constitution demande à Paul Yao N’Dré. Il est donc trop facile de parler du respect de la Constitution quand on s’en est délibérément écarté pour faire plaisir à un ami, en l’occurrence Laurent Gbagbo. On ne peut pas demander à tous les Ivoiriens qui ont voté à 54,10% le président Alassane Ouattara de faire une croix sur leur choix, après avoir de façon arbitraire accordé la victoire à Laurent Gbagbo. Au motif qu’on est le juge constitutionnel. Le peuple ne peut pas se plier à la décision du 4 décembre 2010. Car elle est tout, sauf une décision juste. On ne peut pas prendre une décision anti-constitutionnelle et demander au peuple de respecter la Constitution. Celui qui est chargé de faire respecter la Constitution ne la respecte pas et demande aux autres de le faire. « Fais ce que je dis, mais pas ce que je fais ». Une inconséquence à laquelle le peuple mature de Côte d’Ivoire refuse de se conformer. Paul Yao N’Dré doit le comprendre et arrêter d’amuser la galerie. Pour ce qui est de la souveraineté, on ne peut pas avoir appelé des gens à venir en Côte d’ivoire pour aider le peuple ivoirien à sortir de la crise et puis ensuite crier à l’ingérence. Depuis 2002, la Communauté internationale à travers l’ONUCI et la Licorne, est en Côte d’Ivoire. Depuis cette date, elle a contribué à coup de milliards de FCFA à œuvrer pour permettre à la Côte d’Ivoire de sortir de la crise par la voie pacifique. Mieux, le 6 avril 2005, les principaux acteurs de la crise ivoirienne y compris Laurent Gbagbo ont signé à Pretoria, un accord qui demande à l’ONU, par le biais de sa représentation en Côte d’Ivoire, de certifier les élections. Le cas de la Côte d’Ivoire est un cas unique dans le monde. On ne peut pas demander à la communauté internationale d’arbitrer les élections en Côte d’Ivoire et ensuite l’accuser d’ « immixtions graves dans les affaires domestiques de la Côte d’Ivoire ». Parce qu’elle refuse de cautionner le vol électoral que veulent opérer Laurent Gbagbo et Paul Yao N’Dré en Côte d’Ivoire. Il est vrai qu’ « un Etat démocratique repose sur le respect de sa souveraineté et de sa Constitution ». Mais à condition que ceux qui sont chargés de veiller sur elles, soient à la hauteur. Ce qui n’est pas le cas en ce moment.
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly