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Editorial Publié le mardi 26 avril 2011 | Le Patriote

Le couple ivoiro-nigérian

Depuis six mois, les médias internationaux n’ont d’yeux que pour la Côte d’Ivoire, en ce qui concerne l’actualité ouest-africaine. Notre pays, principal hub de la sous-région, a vécu, ces quinze dernières années, une crise sociopolitique dont l’absurdité ne pouvait que faire braquer les phares des médias sur lui. Même l’épilogue du conflit postélectoral né du hold-up tenté par l’ancien Président, n’a pas convaincu l’opinion internationale de desserrer l’étau de son regard autour de la Côte d’Ivoire. Oubliant, du coup, que l’Afrique de l’Ouest est composée d’une quinzaine de pays dont le plus puissant, le Nigeria, a organisé des élections, présidentielles et législatives, « les plus démocratiques » de son histoire, selon tous les observateurs, depuis que cette puissance sous-régionale a mis un terme aux régimes kaki qui l’ont gouvernée pendant plusieurs décennies.
Le président Goodluck Jonathan, après avoir achevé, avec brio, le mandat de son prédécesseur, a donc eu la confiance de la majorité des 73 millions d’électeurs, le 18 avril dernier. Selon la Commission électorale nationale indépendante, il a recueilli 57% des suffrages, son principal adversaire, Muhammadu Buhari n’a rassemblé que 31% des voix. Ce géant se pose donc, comme le fer de lance de la sous-région ouest-africaine qui peut, sans aucun complexe, se targuer d’être partiellement débarrassée de ce vieux tissu des dictatures qui lui collait à la peau. L’Afrique de l’Ouest, dans l’histoire politique du continent, a été, jusqu’à un passé récent, la région qui a connu le plus de coups d’Etat, dans la période allant des indépendances jusqu’au vent du multipartisme suite à la chute du Mur de Berlin. Sénégal, Bénin, Burkina Faso, Mali, Guinée, Niger, Sierra Leone, Liberia, Ghana, sont autant de pays qui se sont essayés à la consultation des peuples. Avec des fortunes diverses, ces Etats, exceptée la Gambie de Yaya Jammeh, sortent leur nez du trou et se posent comme des Nations en voie de démocratisation. Ce qui n’était pas évident, il y a juste une dizaine d’années. Mais, l’unicité de vues, observée sur la crise ivoirienne est la preuve que l’Afrique de l’Ouest dont la CEDEAO est le bras politique, a définitivement tourné la page des coups de force militaires et des régimes d’exception.
Le Nigeria est donc de retour. Ce pays formera, sans aucun doute, avec la Côte d’Ivoire, un tandem pour tirer vers le haut, la sous-région ouest-africaine. A leur tête, en effet, ont été élus deux personnalités de valeur. La Côte d’Ivoire a Alassane Ouattara qui, de l’avis de tous, y compris même ses adversaires dont Laurent Gbagbo qui, dans le temps, disait de lui qu’il est « brillant et travailleur ». Le nouveau président est à la tête de l’économie la plus forte de l’Union monétaire et économique ouest-africaine avec près de 35% du PIB. L’ancien Directeur Général adjoint du Fonds monétaire international (FMI) a les atouts pour repositionner son pays, locomotive de l’UEMOA, sérieusement affaibli. La Côte d’Ivoire, ne l’oublions pas, demeure à ce jour, le premier producteur mondial de cacao. Malgré le vieillissement de ses vergers, la production nationale tient encore la route face à la concurrence farouche des pays comme le Ghana, l'Indonésie, le Nigeria, le Cameroun, le Brésil ou l'Equateur. Le Chef de l’Etat, Alassane Ouattara, pendant sa campagne électorale, a promis faire de la Côte d’Ivoire, un pays émergeant. Un véritable Eléphant d’Afrique qui, sans avoir un présent glorieux, pourra s’inspirer du miracle économique du passé pour forger un futur radieux. Au Nigeria, le Président Goodluck Jonathan bénéficie d’atouts similaires à la tête du pays le plus peuplé d’Afrique, mais aussi, hélas, l’un des plus désordonnés. Il sait que les atouts sont là. Il suffira d’un peu plus de volonté politique en activant les leviers de la bonne gouvernance afin que le Nigeria domine l’Afrique de l’Ouest de la tête au pied et, pourquoi pas, l’Afrique toute entière. La Fédération du Nigeria n’est pas uniquement une puissance démographique. Ce pays est surtout, classé premier producteur de pétrole brut en Afrique, sixième au sein de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et douzième à l'échelle de la planète. Par ailleurs, le Nigeria est de plus en plus considéré comme la puissance politique de l’Afrique de l’ouest. Goodluck Jonathan et bien avant lui, Olusegun Obasanjo, ont exercé de très fortes pressions sur les autres dirigeants du continent pour imposer des régimes démocratiques, comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire, où ils ont eu l’appui de Washington, Londres et Paris.
La réélection de Goodluck Jonathan est donc un événement considérable. D’autant plus important qu’elle marque une rupture dans l’histoire politique tourmentée de ce pays. Tout comme la Côte d’Ivoire, le Nigeria est une nation où il existe de fortes tensions politiques. Alassane Ouattara et Goodluck Jonathan savent donc que les espoirs placés en eux sont grands et qu’ils n’ont pas le droit de les trahir. Bien mieux, l’Afrique de l’Ouest compte sur le tandem qu’ils devront former pour la tirer vers le concert des Nations. Candidat au poste de membre permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies, le Nigeria a des atouts aussi bien économiques que politiques pour rivaliser avec une Afrique du Sud dont le régime actuel s’emmêle les pédales par l’ambiguïté de sa diplomatie, ou à une Egypte en pleine transition démocratique.
Rapidement, notre pays la Côte d’Ivoire, économiquement très puissante, mais politiquement diminuée du fait des errements de la Refondation, devra se positionner et reconquérir tous les postes qui lui ont été ravis au plan international. Les deux nations, à l’image de la France et de l’Allemagne qui, aujourd’hui, tirent l’Europe et lui imposent les changements nécessaires afin de poursuivre son intégration, devront être les têtes de ponts de la CEDEAO et pourquoi pas, de l’Union Africaine. La paire ivoiro-nigériane devra être à l’image du couple franco-allemand qui a toujours été le moteur de la construction européenne. Du duo Charles de Gaulle-Konrad Adenauer, au duo Angela Merkel-Nicolas Sarkozy, en passant par François Mitterrand-Helmut Kohl, ces deux pays ont tu leur lourd de sang et de peine, pour se mettre au service de l’Europe, avec des positions toujours consensuelles.
Aujourd’hui, une autre race d’hommes politiques a en main, le destin de l’Afrique de l’Ouest. A elle de se montrer à la hauteur. Dans cinq ans, nous jugerons. L’avenir de l’Afrique de l’ouest se joue sur les cinq prochaines années
PAR CHARLES SANGA
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