Dans la première partie de cette interview publiée hier, le Dr Koua Lazare, psychologue et enseignant à l’Institut des sciences anthropologiques du développement à l’université de Cocody, a donné des recettes pour se remettre du traumatisme de la crise post-électorale. Dans cette seconde et dernière partie, le spécialiste parle des cas précis des partisans de Laurent Gbagbo, des femmes enceintes, des enfants et des personnes âgées.
l Le manque d’engouement chez certains partisans de Laurent Gbagbo pour la reprise du travail est-il le reflet d’un rejet pur et simple des nouvelles autorités, la crainte de celles-ci ou un manque de confiance en elles ?
Lorsqu’il n’y a pas une coercition dans le secteur d’activité où je me trouve, le fait que je rejette l’autorité ne me donne pas un engouement à y aller. Il y a un élément attrayant comme le paiement des salaires qui a fait sortir beaucoup de personnes. Il faut un argument suffisant relatif à ses propres intérêts pour qu’il se sente concerné.
l Doit-on les contraindre à s’adapter tout de suite à la nouvelle situation, ou devrait-on leur laisser du temps pour le faire à leur rythme ?
Il faut leur laisser un peu de temps. Pour le traumatisme d’ensemble, il faut au moins un mois pour que les populations puissent retrouver confiance. Pour certaines personnes, ça peut durer un peu plus selon le type de relation qu’elles avaient avec le pouvoir déchu et selon leur proximité avec les évènements qui se sont produits. Il faut qu’ils(les partisans de Gbagbo) sachent partager ce qu’ils vivent. Certains de ceux avec qui nous avons échangé acceptent difficilement de comprendre qu’il y ait un certain nombre de réalités qui font partie de la vie des nations. D’autres ne sont même pas prêts à vous écouter.
l N’est-ce pas parce qu’ils croient que leur président va reprendre le pouvoir ? On sait par exemple que certaines prophéties continuent d’annoncer son retour après un certain nombre de jours !
Les médias ont une influence très puissante sur les individus. De sorte que certains partisans de l’ex-président restent convaincus, de bonne foi, que leur candidat a gagné l’élection et qu’il a été victime d’une injustice. A côté de ce groupe, il y a ceux qui ne voulaient pas admettre l’échec de leur candidat et qui, bien qu’ayant aperçu que l’autre candidat a gagné, refusent l’échec. Quelques années plus tôt, on avait entendu certains leaders dire que s’il y avait des élections, on devait s’arranger pour que Laurent Gbagbo les gagne. Et pendant la campagne électorale, on a entendu des jeunes affirmer dans les quartiers que si leur candidat ne gagnait pas, ils allaient créer leur rébellion. Ils disent qu’une rébellion a empêché leur candidat de gouverner et qu’il fallait qu’il ait l’occasion de terminer son mandat qui a été perturbé. C’est un esprit de vengeance.
l Comment les aider à s’en défaire ?
Dans la deuxième catégorie, il y a ceux qui sont peut-être des extrémistes, mais il y a ceux qui voulaient essayer quelque chose pour voir jusqu’où irait le rapport de force. Et maintenant que leur camp a perdu ce rapport de force, bon nombre d’entre eux abdiquent. Ils feront avec la situation. Il y aura quelques irréductibles pendant une certaine période, mais tous finiront pas s’accommoder.
l La fin de la crise a été marquée par des pillages. Des partisans de tous les bords ont perdu tous leurs biens. Les frustrations ou les blessures causées par ces pertes ne pourraient-elles pas freiner leur élan vers la réconciliation ?
On ne peut pas faire un pronostic sombre de tout à la fois. Vous pouvez être mille personnes dans la même enceinte à subir un évènement, et la réaction de chacun sera fonction de sa constitution psychologique, ses expériences et bien d’autres facteurs. Donc, concernant ceux qui ont eu des blessures à cause de la perte d’un être cher et de biens matériels, même s’il n’y a pas de dédommagement, certains vont parvenir, au bout de quelques mois, à cicatriser ces blessures d’une certaine manière. D’autres par contre peuvent rester affectés par ces pertes. Même s’il est symbolique, le dédommagement pourrait un tant soit peu soulager ceux-là.
l Revenons au traumatisme pour parler du cas spécifique des femmes enceintes. Comment ont-elles vécu ces jours de tension ?
Les situations émotionnelles agissent sur la femme enceinte dont l’organisme est déjà soumis à une situation exceptionnelle. Ces émotions réagissent à leur tour sur l’enfant que la femme porte. Mais il faut quand même dédramatiser cet effet. Il y a quelques fortes émotions qui peuvent troubler tout le système physiologique et provoquer quelques rares fois des accouchements prématurés. Mais ça peut passer. En outre, certaines études ont montré que l’organisme du fœtus emmagasine les évènements qui se produisent autour de sa mère. Cela peut avoir un petit effet sur lui après sa naissance.
l Pouvez-vous citer des exemples ?
Selon des études que j’enseigne d’ailleurs en ce moment à des étudiants, un enfant dont la mère enceinte vivait dans une zone aéroportuaire supporte plus facilement, après sa naissance, le bruit du passage d’un avion. Si vous mettez dans deux berceaux le bébé dont la mère enceinte vivait près d’un aéroport et celui dont la mère vivait loin de tout bruit d’avion, lorsqu’un avion sera en train de passer, le second bébé va se réveiller tandis que le premier continuera son sommeil.
Cela signifie-t-il que les femmes enceintes qui étaient proches des bruits de canon ces dernières semaines à Abidjan donneront naissance à des enfants déjà habitués à ces bruits ?
Il y a un seuil de sensibilité. Si la détonation ou le bruit est relativement élevé, les enfants qui auront vécu dans une zone d’affrontement seront mieux préparés à les supporter que ceux dont les mères n’étaient pas dans une zone de guerre.
l Ces bruits d’armes ne peuvent-ils pas affecter les enfants qui vont naître ou influencer leur comportement ?
Pas véritablement. Les études n’ont pas montré de grands dégâts sur leur comportement futur.
l Qu’en est-il pour les bébés déjà nés ?
Ils ont vécu le stress post-traumatique comme les autres personnes. Vous savez, à chaque fois que les détonations commençaient, les parents disaient aux enfants : couchez-vous ! A un moment donné, dès que l’enfant entend un petit bruit, il est quelquefois le premier à vous précéder au sol. Et ça devient un jeu pour lui. Ce qui peut perdurer dans le temps, c’est lorsqu’en plus de ces réalité là, les enfants assistent aux scènes, que ce soit à la télé ou autour d’eux. Ils peuvent intégrer ces scènes dans leur processus de socialisation. Un enfant de 6 ans, qui voit des gens brûler un corps avec plaisir, et autour de ceux qui brûlent le corps, d’autres applaudissent, il intègre cela. Un jour, vous apprendrez qu’il a brûlé un chat vivant. Vous penserez que c’est un jeu. Si le processus de socialisation n’est pas bien intégré, un autre jour, vous le verrez brûler un homme vivant. Vous aurez peut-être oublié ce pour quoi il le fait. En réalité, il l’aurait intégré. Il n’aurait pas fait l’expérience de l’affectivité humaine lui permettant de savoir que la vie humaine est sacrée.
l Que faire alors ?
Il faut développer autour de l’enfant les valeurs de la dignité humaine. S’il a vécu une scène passagère et que par la suite, il y a un certain nombre de mobilisations sociales, dans la famille, à la télévision ou dans les programmes d’enseignement scolaire, qui revalorisent l’être humain à ses yeux, il pourra s’en sortir.
l On a lu dans l’avant-dernier numéro de l’hebdomadaire Jeune Afrique que juste avant son arrestation avec son époux, l’ex-première dame Simone Gbagbo, aurait demandé à ses petits-enfants qui étaient avec eux, de les venger dans l’avenir. Un tel message peut-il produire des effets plus tard chez ces enfants ?
Si certaines personnes restent dans cette logique de vengeance, bien entendu, elles ne pourront pas jouer le rôle positif de socialisation évoqué plus haut. Un spécialiste du monde de l’éducation dit ceci: donnez-moi trois jeunes gens, je vous en ferai un bon délinquant, un savant et un ouvrier. C’est une manière de dire que ces enfants sont à un âge où, dans le processus de socialisation, on peut encore les aider à s’orienter. Si en dehors de ce que l’ex-première dame aurait dit, ses petits-enfants sont accompagnés d’un environnement qui entretient l’idée de vengeance, ils tendront vers la vengeance.
l Des parents craignent toujours d’envoyer leurs enfants à l’école en cette période. Est-ce justifié ?
Pour que les gens gagnent en confiance, il faut que les tirs cessent totalement dans Abidjan. Tant qu’on dira qu’il y a une zone quelque part où les gens détiennent encore des armes, certains se diront que ça peut dégénérer à tout moment. Tout le monde a déserté récemment le Plateau pour un obus qui serait tombé dans la commune. Quand ce genre de situation arrive, beaucoup se disent que la situation n’est pas sous contrôle. D’autres préfèrent voir les commissariats et les gendarmeries réanimés comme avant pour se sentir en sécurité.
l Terminons avec les personnes âgées. Comment ont-elles vécu cette crise ?
Ces personnes sont atteintes par ce qu’on appelle la sénescence. C’est la baisse vitale d’ensemble. Pas seulement du point de vue physique mais aussi au plan de l’activité mentale. Donc, ils sont en quelque sorte fragilisés par leur état. Et c’est pour cette raison que certains n’arrivent pas à supporter ces choses. Beaucoup en meurent parce que leur capacité de réadaptation est amenuisée. Ils vont développer un certain nombre de réactions mentales et physiologiques qui ne sont pas en leur faveur. Comme pour les plus jeunes, certains réagissent mieux que d’autres. Mais il y a une fragilisation d’ensemble à leur niveau. Cela dépend de l’expérience et de la constitution de chacun au plan psychologique.
l A vous écouter, on constate que les psychologues ont un rôle important à jouer dans le processus de réconciliation. Etes-vous prêts à vous organiser pour jouer ce rôle ?
Généralement, dans la déontologie psychologique, il faut toujours qu’il y ait une demande. Des personnes peuvent s’adresser individuellement à des psychologues. Des institutions peuvent les saisir également. Pour prendre certaines initiatives, il faut avoir les moyens. Les psychologues ont leurs activités. L’université est momentanément fermée, mais l’enseignant-chercheur, même quand il n’est pas en train d’enseigner, est occupé à faire des recherches. Si les psychologues doivent s’organiser, il faut qu’ils aient les moyens de fonctionner correctement. Il leur faut un appui institutionnel.
Interview réalisé par Cissé Sindou
l Le manque d’engouement chez certains partisans de Laurent Gbagbo pour la reprise du travail est-il le reflet d’un rejet pur et simple des nouvelles autorités, la crainte de celles-ci ou un manque de confiance en elles ?
Lorsqu’il n’y a pas une coercition dans le secteur d’activité où je me trouve, le fait que je rejette l’autorité ne me donne pas un engouement à y aller. Il y a un élément attrayant comme le paiement des salaires qui a fait sortir beaucoup de personnes. Il faut un argument suffisant relatif à ses propres intérêts pour qu’il se sente concerné.
l Doit-on les contraindre à s’adapter tout de suite à la nouvelle situation, ou devrait-on leur laisser du temps pour le faire à leur rythme ?
Il faut leur laisser un peu de temps. Pour le traumatisme d’ensemble, il faut au moins un mois pour que les populations puissent retrouver confiance. Pour certaines personnes, ça peut durer un peu plus selon le type de relation qu’elles avaient avec le pouvoir déchu et selon leur proximité avec les évènements qui se sont produits. Il faut qu’ils(les partisans de Gbagbo) sachent partager ce qu’ils vivent. Certains de ceux avec qui nous avons échangé acceptent difficilement de comprendre qu’il y ait un certain nombre de réalités qui font partie de la vie des nations. D’autres ne sont même pas prêts à vous écouter.
l N’est-ce pas parce qu’ils croient que leur président va reprendre le pouvoir ? On sait par exemple que certaines prophéties continuent d’annoncer son retour après un certain nombre de jours !
Les médias ont une influence très puissante sur les individus. De sorte que certains partisans de l’ex-président restent convaincus, de bonne foi, que leur candidat a gagné l’élection et qu’il a été victime d’une injustice. A côté de ce groupe, il y a ceux qui ne voulaient pas admettre l’échec de leur candidat et qui, bien qu’ayant aperçu que l’autre candidat a gagné, refusent l’échec. Quelques années plus tôt, on avait entendu certains leaders dire que s’il y avait des élections, on devait s’arranger pour que Laurent Gbagbo les gagne. Et pendant la campagne électorale, on a entendu des jeunes affirmer dans les quartiers que si leur candidat ne gagnait pas, ils allaient créer leur rébellion. Ils disent qu’une rébellion a empêché leur candidat de gouverner et qu’il fallait qu’il ait l’occasion de terminer son mandat qui a été perturbé. C’est un esprit de vengeance.
l Comment les aider à s’en défaire ?
Dans la deuxième catégorie, il y a ceux qui sont peut-être des extrémistes, mais il y a ceux qui voulaient essayer quelque chose pour voir jusqu’où irait le rapport de force. Et maintenant que leur camp a perdu ce rapport de force, bon nombre d’entre eux abdiquent. Ils feront avec la situation. Il y aura quelques irréductibles pendant une certaine période, mais tous finiront pas s’accommoder.
l La fin de la crise a été marquée par des pillages. Des partisans de tous les bords ont perdu tous leurs biens. Les frustrations ou les blessures causées par ces pertes ne pourraient-elles pas freiner leur élan vers la réconciliation ?
On ne peut pas faire un pronostic sombre de tout à la fois. Vous pouvez être mille personnes dans la même enceinte à subir un évènement, et la réaction de chacun sera fonction de sa constitution psychologique, ses expériences et bien d’autres facteurs. Donc, concernant ceux qui ont eu des blessures à cause de la perte d’un être cher et de biens matériels, même s’il n’y a pas de dédommagement, certains vont parvenir, au bout de quelques mois, à cicatriser ces blessures d’une certaine manière. D’autres par contre peuvent rester affectés par ces pertes. Même s’il est symbolique, le dédommagement pourrait un tant soit peu soulager ceux-là.
l Revenons au traumatisme pour parler du cas spécifique des femmes enceintes. Comment ont-elles vécu ces jours de tension ?
Les situations émotionnelles agissent sur la femme enceinte dont l’organisme est déjà soumis à une situation exceptionnelle. Ces émotions réagissent à leur tour sur l’enfant que la femme porte. Mais il faut quand même dédramatiser cet effet. Il y a quelques fortes émotions qui peuvent troubler tout le système physiologique et provoquer quelques rares fois des accouchements prématurés. Mais ça peut passer. En outre, certaines études ont montré que l’organisme du fœtus emmagasine les évènements qui se produisent autour de sa mère. Cela peut avoir un petit effet sur lui après sa naissance.
l Pouvez-vous citer des exemples ?
Selon des études que j’enseigne d’ailleurs en ce moment à des étudiants, un enfant dont la mère enceinte vivait dans une zone aéroportuaire supporte plus facilement, après sa naissance, le bruit du passage d’un avion. Si vous mettez dans deux berceaux le bébé dont la mère enceinte vivait près d’un aéroport et celui dont la mère vivait loin de tout bruit d’avion, lorsqu’un avion sera en train de passer, le second bébé va se réveiller tandis que le premier continuera son sommeil.
Cela signifie-t-il que les femmes enceintes qui étaient proches des bruits de canon ces dernières semaines à Abidjan donneront naissance à des enfants déjà habitués à ces bruits ?
Il y a un seuil de sensibilité. Si la détonation ou le bruit est relativement élevé, les enfants qui auront vécu dans une zone d’affrontement seront mieux préparés à les supporter que ceux dont les mères n’étaient pas dans une zone de guerre.
l Ces bruits d’armes ne peuvent-ils pas affecter les enfants qui vont naître ou influencer leur comportement ?
Pas véritablement. Les études n’ont pas montré de grands dégâts sur leur comportement futur.
l Qu’en est-il pour les bébés déjà nés ?
Ils ont vécu le stress post-traumatique comme les autres personnes. Vous savez, à chaque fois que les détonations commençaient, les parents disaient aux enfants : couchez-vous ! A un moment donné, dès que l’enfant entend un petit bruit, il est quelquefois le premier à vous précéder au sol. Et ça devient un jeu pour lui. Ce qui peut perdurer dans le temps, c’est lorsqu’en plus de ces réalité là, les enfants assistent aux scènes, que ce soit à la télé ou autour d’eux. Ils peuvent intégrer ces scènes dans leur processus de socialisation. Un enfant de 6 ans, qui voit des gens brûler un corps avec plaisir, et autour de ceux qui brûlent le corps, d’autres applaudissent, il intègre cela. Un jour, vous apprendrez qu’il a brûlé un chat vivant. Vous penserez que c’est un jeu. Si le processus de socialisation n’est pas bien intégré, un autre jour, vous le verrez brûler un homme vivant. Vous aurez peut-être oublié ce pour quoi il le fait. En réalité, il l’aurait intégré. Il n’aurait pas fait l’expérience de l’affectivité humaine lui permettant de savoir que la vie humaine est sacrée.
l Que faire alors ?
Il faut développer autour de l’enfant les valeurs de la dignité humaine. S’il a vécu une scène passagère et que par la suite, il y a un certain nombre de mobilisations sociales, dans la famille, à la télévision ou dans les programmes d’enseignement scolaire, qui revalorisent l’être humain à ses yeux, il pourra s’en sortir.
l On a lu dans l’avant-dernier numéro de l’hebdomadaire Jeune Afrique que juste avant son arrestation avec son époux, l’ex-première dame Simone Gbagbo, aurait demandé à ses petits-enfants qui étaient avec eux, de les venger dans l’avenir. Un tel message peut-il produire des effets plus tard chez ces enfants ?
Si certaines personnes restent dans cette logique de vengeance, bien entendu, elles ne pourront pas jouer le rôle positif de socialisation évoqué plus haut. Un spécialiste du monde de l’éducation dit ceci: donnez-moi trois jeunes gens, je vous en ferai un bon délinquant, un savant et un ouvrier. C’est une manière de dire que ces enfants sont à un âge où, dans le processus de socialisation, on peut encore les aider à s’orienter. Si en dehors de ce que l’ex-première dame aurait dit, ses petits-enfants sont accompagnés d’un environnement qui entretient l’idée de vengeance, ils tendront vers la vengeance.
l Des parents craignent toujours d’envoyer leurs enfants à l’école en cette période. Est-ce justifié ?
Pour que les gens gagnent en confiance, il faut que les tirs cessent totalement dans Abidjan. Tant qu’on dira qu’il y a une zone quelque part où les gens détiennent encore des armes, certains se diront que ça peut dégénérer à tout moment. Tout le monde a déserté récemment le Plateau pour un obus qui serait tombé dans la commune. Quand ce genre de situation arrive, beaucoup se disent que la situation n’est pas sous contrôle. D’autres préfèrent voir les commissariats et les gendarmeries réanimés comme avant pour se sentir en sécurité.
l Terminons avec les personnes âgées. Comment ont-elles vécu cette crise ?
Ces personnes sont atteintes par ce qu’on appelle la sénescence. C’est la baisse vitale d’ensemble. Pas seulement du point de vue physique mais aussi au plan de l’activité mentale. Donc, ils sont en quelque sorte fragilisés par leur état. Et c’est pour cette raison que certains n’arrivent pas à supporter ces choses. Beaucoup en meurent parce que leur capacité de réadaptation est amenuisée. Ils vont développer un certain nombre de réactions mentales et physiologiques qui ne sont pas en leur faveur. Comme pour les plus jeunes, certains réagissent mieux que d’autres. Mais il y a une fragilisation d’ensemble à leur niveau. Cela dépend de l’expérience et de la constitution de chacun au plan psychologique.
l A vous écouter, on constate que les psychologues ont un rôle important à jouer dans le processus de réconciliation. Etes-vous prêts à vous organiser pour jouer ce rôle ?
Généralement, dans la déontologie psychologique, il faut toujours qu’il y ait une demande. Des personnes peuvent s’adresser individuellement à des psychologues. Des institutions peuvent les saisir également. Pour prendre certaines initiatives, il faut avoir les moyens. Les psychologues ont leurs activités. L’université est momentanément fermée, mais l’enseignant-chercheur, même quand il n’est pas en train d’enseigner, est occupé à faire des recherches. Si les psychologues doivent s’organiser, il faut qu’ils aient les moyens de fonctionner correctement. Il leur faut un appui institutionnel.
Interview réalisé par Cissé Sindou